Thomas de Quincey

écrivain britannique

Thomas de Quincey (Manchester, 15 août 1785 – Édimbourg, 8 décembre 1859), est un écrivain britannique.

Thomas de Quincey.

Littérature de Connaissance et littérature de Pouvoir, 1848 modifier

Dans ce grand organe social que nous appelons littérature d’un commun accord, on distingue deux fonctions séparées qui peuvent fusionner et souvent le font, mais sont capables, individuellement, d’un sévère isolement, et sont naturellement faites pour une répulsion réciproque. Il y a en premier la littérature de Connaissance, et, deuxièmement, la littérature de Puissance. La fonction de la première est d’enseigner ; la fonction de la seconde est d’émouvoir : la première est un gouvernail, la seconde, une rame ou une voile. La première parle en dernier, cela arrive, à l’entendement suprême ou à la raison, mais toujours par le biais d’élans de plaisir et de sympathie. De loin, elle peut voyager vers un objet situé là où lord Bacon appelle lumière sèche ; de près, elle opère et doit opérer – sinon elle cesse d’être une littérature de Puissance – dans et à travers cette lumière humide qui est renfermée dans les brumes et les irisations brillantes des passions humaines, de leurs désirs et de leurs émotions géniales. Les hommes ont si peu réfléchi sur les fonctions supérieures de la littérature qu’ils trouvent paradoxal d’écrire que la fonction subordonnée des livres peut fournir des informations.
  • Littérature de Connaissance et littérature de Pouvoir, Thomas De Quincey (trad. Gérard-Georges Lemaire), éd. Les Lettres françaises, mai 2011, p. IV


Les Confessions d'un mangeur d'opium anglais, 1822 modifier

S'il est au monde une misère sans remède, c'est le serrement de cœur qui vient de l'incommunicable. Et s'il surgissait un nouveau sphinx qui proposât à l'homme cette nouvelle énigme : « Quel est le seul fardeau que le courage humain ne saurait supporter ? », je répondrais aussitôt : C'est le fardeau de l'incommunicable. A ce moment-là, alors que j'étais assis dans une salle du Prieuré avec ma mère, sachant combien elle était raisonnable, combien patiemment elle écoutait mes explications, combien elle était franche et ouverte à la compassion, je n'en tombai pas moins dans un abîme de détresse par mon incapacité à me faire entendre... Rien de ce qui se présentait à ma rhétorique n'offrait autre chose que le reflet le plus faible, le plus enfantin de mes souffrances passées. Je me sentais juste aussi désemparé, aussi désarmé dans mon impuissance inerte à faire face (ou même simplement à m'efforcer de faire face) à la difficulté qui se dressait devant moi, que la plupart d'entre nous ont eu l'impression de l'être dans ces rêves de notre enfance où nous nous couchions, sans faire un geste de résistance, devant un lion dévastateur. Je sentis que la situation était sans espoir ; un mot unique, que j'essayai de former sur mes lèvres, mourut dans un soupir ; et j'acquiesçai passivement à l'aveu implicite que toutes les apparences semblaient comporter — à l'aveu qu'en fait je n'avais aucune excuse à offrir.
  • Les Confessions d'un mangeur d'opium anglais, Thomas De Quincey (trad. Pierre Leyris), éd. Gallimard, collection L'Imaginaire, 1990, p. 376


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