Denis Tillinac

journaliste, écrivain et éditeur français

Denis Tillinac, né le 26 mai 1947 à Paris, est un écrivain, éditeur et journaliste français.

Denis Tillinac (2009).

L'Âme française, 2016

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Être de droite, c'est prendre en compte le passé simple, composé, décomposé, recomposé d'un sol fertilisé par les paysans, christianisé par des saints et longtemps, très longtemps, assemblé et gouverné par des rois. Et c'est aimer ce passé comme un enfant aime sa mère, même si elle l'a taloché plus souvent qu'à son tour.


À l'angélisme de la gauche, la droite oppose une lucidité pessimiste. L'homme doit être protégé contre lui-même et la seule loi échouera à brider ses instincts de mort, si manque le socle d'une morale transcendante. La nôtre repose sur le prédicat judéo-chrétien d'une faute initiale avec la perspective d'une rédemption, au prix d'un combat contre le satanisme sous-jacent à notre volonté de vivre. Si cette approche du destin disparaît sous les coups de boutoir de l'immanentisme « moderne », l'homme occidental ira au « progrès » comme le veau à l'abattoir. Les têtes pensantes de l'islamisme radical misent leur rêve dément d'un califat universel sur le dépérissement de nos fondements moraux. Ils misent sur une confusion funeste : la défense de notre liberté et ses scories « libertaires » entretenues dans un climat de dérision permanent par le système consumériste. Ils misent sur le toboggan nihiliste où nous sommes lâchés.


L'Europe, c'est l'espace du catholicisme et du protestantisme sécularisé. En niant cet héritage, on vide le mot de tout contenu car les droits de l'Homme, la démocratie, la laïcité ne sont plus l'apanage de notre continent. La droite considère que le triptyque inscrit aux frontons de nos édifices publics — liberté, égalité, fraternité — a sécularisé le message évangélique, et que dans le polythéisme barbare vendu à flux tendu par la société de consommation, ces trois mots, hélas, ne valent pas plus cher à Paris qu'à Londres ou à Washington.


La foi chrétienne n'est pas nécessaire pour enluminer le patriotisme de l'émotion sacrée qui nous saisit devant la tombe de Péguy dans les blés et les coquelicots de la Brie ; il suffit de sentir charnellement que la France fut une chrétienté d'antique ruralité avant d'être un État, une nation, une monarchie, une république. De sentir cela et d'en tirer fierté et réconfort.


L'homme de droite n'est pas moins révolté que l'homme de gauche face à l'injustice et à la cruauté. Il convertira éventuellement sa révolte en action, mais sans l'enrégimenter dans un projet révolutionnaire. Il peut haïr la société ; il peut cultiver le pessimisme le plus noir ; il aime la vie au naturel, et le bonheur auquel il aspire, c'est hic et nunc […]
À gauche, des projets cuits à l'étouffée dans des bouillons de culture « contestataires » ; à droite, pas de projet tirés au cordeau de la raison raisonneuse : la désinvolture d'âmes déchirées mais enclines à prendre du bonheur comme on investit une citadelle, par surprise, entre les lignes du destin. Le vrai bonheur, enfant naturel de poésie et de bohème, plus fort que la raison, plus fort que la désolation.


La droite voudrait préserver les restes de notre triple héritage, quitte à les adapter car, disait Churchill, il faut savoir couper les arbres pour que la forêt soit plus belle. C'est une jolie définition du conservatisme : préserver l'essence sans refuser les coups de vague de l'existence. Dans sa gratitude, la droite voudrait faire la synthèse de la sagesse paysanne, de l'altitude aristocratique et du dynamisme bourgeois. Telle est son utopie : un syncrétisme de la mémoire qui laisserait le moins de prise possible au néant de l'oubli.


L'air de rien, la « modernité », si l'on y réfléchit, est le mot-clé de l'idéologie de la gauche. Elle accule l'humain à ne se percevoir dans le temps présent qu'en référence à un avenir indéterminé, en effaçant le passé, simple et composé, sans lequel l'individu titube comme un ivrogne sur le fil de l'instant. La « modernité » est l'alibi générique du nihilisme contemporain. Elle a supplanté ces couples historiques — le Bien et le Mal, le Juste et l'Injuste, le Beau et le Laid — par ce binôme imbécile : le branché et le ringard.


Par les temps qui courent, un désir politique semble habiter à des degrés divers l'inconscient des Français, et peu à peu gagner leur conscience : l'appel de la catastrophe. Du grand chambardement. Du coup de pied dans la fourmilière. Ce désir, aucun sondage ne le détectera. Il y a des précédents historiques. L'événement le plus imprévisible, le fait divers le plus anodin peuvent l'embraser, et gare à l'incendie !
  • « Du désir en politique », Denis Tillinac, Valeurs Actuelles, nº 4087, 26 mars au 1er avril 2015, p. 34


L'histoire nous enseigne qu'il n'en faut pas beaucoup pour que la France sorte de ses gonds, tant la légitimité du pouvoir est sujette à caution, et presque naturelle, depuis le Révolution, la quête de l'homme providentiel. Faute d'un Bonaparte ou d'un De Gaulle, elle peut s'offrir au premier démagogue venu. On en est presque là.
  • « Du désir en politique », Denis Tillinac, Valeurs Actuelles, nº 4087, 26 mars au 1er avril 2015, p. 34


Quel avenir pour l'« éternel féminin » sur lequel repose notre architecture spirituelle, esthétique, sentimentale et érotique ? Comment se redessinera la cellule familiale ? Si elle périclite, un Big Brother sans sexe prendra sûrement le relais.
  • « Vers la guerre des sexes ? », Denis Tillinac, Valeurs Actuelles, nº 4088, Du 2 au 8 avril 2015, p. 32


Plus la mondialisation acculturera les êtres, plus leur paraîtra réconfortante la pérennité d'une architecture à la fois spirituelle et charnelle qui converge là-bas, à Rome, vers un référent suprême : le pape, berger unique rameutant son troupeau innombrable. Plus l'homme sera la proie de la solitude, plus il lui plaira de s'inscrire dans une communion des saints et des fidèles qui traverse les âges et se joue des frontières.
  • « Au delà de l'air du temps », Denis Tillinac, Valeurs Actuelles, nº 4097, Du 4 au 10 juin 2015, p. 38


L'âme de la France plane au-dessus des clochers de Notre-Dame qui a solennisé les hautes heures de son histoire, y compris le Te Deum de la la libération avec De Gaulle et Leclerc. L'identité de la France est insaisissable si l'on occulte la symbolique liée à la cathédrale de Reims, à la crypte de Saint-Denis — et à ces monastères qui ont transmis le savoir et défriché nos arpents.
  • « Revenir à l'essentiel », Denis Tillinac, Valeurs Actuelles, nº 4090, Du 6 au 22 avril 2015, p. 38


La France ne doit officialiser aucune revendication mémorielle, sous peine de se fractionner en minorité rivalisant dans une compétition victimaire qui, en bonne logique, verrait les Vendéens exterminés par la terreur obtenir la palme d'or.
  • « Ce que cache l'obsession de la repentance », Denis Tillinac, Valeurs Actuelles, nº 4096, Du 28 mai au 3 juin 2015, p. 36