Épopée de Gilgamesh

récit légendaire

L’Épopée de Gilgamesh est un récit légendaire de l’ancienne Mésopotamie (Irak moderne). Faisant partie des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité, la première version complète connue a été rédigée en akkadien dans la Babylonie du XVIIIe ou XVIIe siècle av. J.‑C ; écrite en pictogrammes sur des tablettes d’argile, elle s’inspire de plusieurs récits, en particulier sumériens, composés vers la fin du IIIe millénaire ; elle est à rapprocher d’« Enki et Ninhursag », d’« Enûma Elish » (Lorsqu’en haut…) et du « Atrahasis » (Poème du Supersage). Elle a pour origine des récits mythiques ayant pour personnage principal le roi Gilgamesh, cinquième roi (peut-être légendaire) de la première dynastie d’Uruk (généralement datée de l’époque protodynastique III, vers -2700, -2500), selon la liste royale sumérienne composée pendant la première dynastie d’Isin (-2017, -1794).

Selon l’opinion commune des assyriologues, le récit du Déluge, inspiré par l’Épopée babylonienne d’Atrahasis ou « Poème du Supersage », a été ajouté vers -1200, pour former le texte « standard », comprenant onze tablettes, de l’épopée assyro-babylonienne, parfois appelée « version ninivite[1] ».

Version ninivite

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La XIe tablette de la version de Ninive de l’Épopée de Gilgamesh, relatant le Déluge.


Je vais [prés]enter au monde
[Celui] qui a tout vu,
  Connu [la terre en]tière(?),
Pénétré toute[s choses],
Et partout exp[loré]
  [(Tout) ce qui est ca]ché(?)!
[Surdu]oué(?) de sagesse,
  Il a tout emb[rassé du regard]:
Il a contemplé les Secrets,
  Dé[couvert] les Mystères;
Il nous (en) a (même) appris
  Sur avant le Déluge!
Retour de son lointain voyage,
  Exténué, mais apai[sé],
[Il a gra]vé sur une stèle
  Tous ses labeurs !

  • Premiers vers de l'épopée, début de la présentation de Gilgamesh.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, I, p. 63, vers 1-8


(Ce) Gilgameš,
  Dès sa naissance,
  Était prestigieux !
Dieu aux deux tiers,
  Pour un tiers homme,
La forme de son corps,
  Mah l'avait d[ess]inée,
[Elle en avait a]gencé la figure
  Et [ ]:
(Aussi) son/sa [ ] était-il/elle [ ]
  Et superbe était sa prép[otence] !
Il était [ ]
  [De vigueur] accomplie

  • Ascendance divine de Gilgamesh. (Le passage est très endommagé, d'où les nombreux crochets.)
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, I, p. 67, vers 45-50


(Et c'est là), [dans la step]pe,
  (Qu')elle forma Enkidu-le-Preux.
  Mis au monde en la Solitude,
  (Aussi) compact que Ninurta.
Abondamment [vel]u
  Par tout le corps,
  Il avait une chevelure
  De femme,
Aux boucles foisonnant
  Comme un champ d'épis.
Ne connaissant ni concitoyens,
  Ni pays,
  Accoutré
  À la sauvage,
En compagnie des gazelles,
  Il broutait;
En compagnie de (sa) harde,
  Il fréquentait l'aiguade;
Il se régalait d'eau
  En compagnie des bêtes.

  • Naissance et présentation d'Enkidu, adversaire puis compagnon de Gilgamesh.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, I, p. 69-70, vers 80-86


Installés au bord de l'aiguade(, Enkidu et la Courtisane)
  Prolongeaient leurs caresses...

  • Premier vers de la tablette II. Les suivants sont perdus.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, II, p. 82, vers 1


 
Gilgamesh combat le Taureau céleste. Bas-relief mésopotamien conservé au Musée royal d'art et d'histoire de Bruxelles (Belgique).

Humbaba, ayant ouvert la bouche, prit la parole
  Et s'adressa à Gilgam[eš]:
Des fous et des inconscients
  T'auraient-ils conseillé, Gilgameš,
  Que tu sois ve[nu] m'affronter?
[H]é! Enkidu, enfant de poisson,
  Qui n'a jamais connu son père,
Et, pas plus que les tortues,
  N'a jamais tété sa mère !

  • Le démon Humbaba raille Gilgamesh et Enkidu venus pour le défier.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, tablette V, (W2254s)I, p. 113, vers 1


Tu as aimé le pâtre,
  Le Berger-chef
[Qui] te préparait assidûment
  Galettes (cuites) sous la cendre,
Et (chaq)ue jour
  Te sacrifiait ses <che>vrettes,
(Puis, tout à coup,) tu l'as frappé
  Et changé en loup,
Si bien que ses propres valets
  Le pourchassent,
Et que ses chiens
  Lui entament l'arrière-train!

  • Gilgamesh refuse les avances de la déesse Ishtar, amoureuse de lui, et lui rappelle les traitements indignes qu'elle a réservés à ses anciens amants.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, tablette VI, p. 126-127, vers 58-63


Sur son ami Enkidu,
  Gilgameš
Pleurait amèrement
  En courant la steppe.
« Devrai-je donc mourir, moi (aussi)?
  Ne (me faudra-t-il) pas ressembler à Enkidu?
L'angoisse
  M'est entrée au ventre!
C'est par peur de la mort
  Que je cours la steppe!
(Mais) je vais tirer chemin
  Et partir, sans tarder,
Rejoindre Utanapištî,
  Le fils de UbarTutu! »

  • Angoissé par la mort de son ami et par la perspective de sa propre mort, Gilgamesh part en quête de l'unique survivant du Déluge, qui possède le secret de l'immortalité.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, tablette IX, p. 156, vers 1-6


« Palissade! Ô palissade!
  Paroi! Paroi!
Écoute, palissade!
  Rappelle-toi (ceci), paroi:
Ô roi de Šurupak,
  Fils de UbarTutu,
Démolis ta maison,
  Pour (te) faire un bateau!
Renonce à tes richesses,
  Pour te sauver la vie!
Détourne-toi de (tes) [b]iens,
  Pour te garder sain et sauf!
Mais embarque avec toi
  Des spécimens de tous les animaux!
Le bateau
  Que tu dois fabriquer
Sera une construction
  Équilatérale,
À longueur et largeur
  Identiques.
Tu le toitureras
  [Co]mme l'Apsû! »

  • Le rusé dieu Ea, qui veut la survie de l'humanité, confie le projet secret du Déluge à la palissade de la maison d'Utanapištî afin qu'il construise une embarcation pour sauver sa vie et celle des animaux.
  • L'Épopée de Gilgamesh, Inconnu (trad. Jean Bottéro), éd. Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, tablette XI, p. 185, vers 21-31


Notes et références

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  1. Bottéro (éd.), 1992, p.49-55.

Éditions citées

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  • Anonyme, L'Épopée de Gilgamesh, traduit de l'akkadien et présenté par Jean Bottéro, Paris, Gallimard, coll. « L'aube des peuples », 1972, 295 pages. (ISBN 2-07-072583-9)

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