Ainsi parlait Zarathoustra

œuvre de Friedrich Nietzsche

Ainsi parlait Zarathoustra (ou Ainsi parla Zarathoustra selon la traduction de Maël Renouard) Un livre pour tous et pour personne (en allemand : Also sprach Zarathustra. Ein Buch für Alle und Keinen) est un poème philosophique de Friedrich Nietzsche, publié entre 1883 et 1885.

Couverture de la première édition de la première partie.

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Mais une fois que Zarathoustra fut seul, il se dit en son cœur : « Serait-ce possible ! Ce vieux saint dans sa forêt n'a pas encore entendu dire que Dieu est mort ! »
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 2, p. 47


Je vous enseigne le Surhumain. L'homme n'existe que pour être dépassé. Qu'avez-vous fait pour le dépasser ? [...] Blasphémer Dieu était jadis le pire des blasphèmes, mais Dieu est mort et morts avec lui ces blasphémateurs. Désormais le crime le plus affreux, c'est de blasphémer la terre et d'accorder plus de prix aux entrailles de l'insondable qu'au sens de la terre.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 3, p. 48


Voici, je vous enseigne le Surhumain !
Le Surhumain est le sens de la terre. Que votre volonté dise : que le Surhumain soit le sens de la terre.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 3, p. 9


J'aime ceux qui sont pleins d'un grand mépris, parce que ce sont eux qui vénèrent et qu'ils sont des flèches du désir d'aller vers l'autre rive [...].
J'aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertu. Une vertu est davantage vertu que deux, parce qu'elle est davantage nœud auquel se pend la fatalité.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 4, p. 24


Je vous le dis : il faut encore porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez encore un chaos en vous.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 5, p. 14


Un peu de poison par-ci par-là : cela donne des rêves agréables. Et beaucoup de poison, pour finir : cela donne une mort agréable.
On travaille encore car le travail est un divertissement. Mais on prend soin que le divertissement ne soit pas trop fatiguant [...].
Point de berger et un troupeau. Chacun veut la même chose : chacun sera pareil, celui qui sentira les choses autrement, ira volontairement à l'asile d'aliénés.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 5, p. 27


Zarathoustra ne doit pas être le berger et le chien d'un troupeau !
Pour détourner beaucoup de gens du troupeau — voilà pourquoi je suis venu. Que la foule et le troupeau soient en colère contre moi : ce que veut Zarathoustra, c'est que les bergers l'appellent brigand.
Bergers, dis-je, mais eux-mêmes ils se nomment les bons et les justes. Bergers dis-je : mais eux-mêmes ils se nomment les croyants de la vraie loi.
Voyez les bons et les justes ! Qui haïssent-ils le plus ? Celui qui brise les tables de leurs valeurs, le destructeur, le criminel — mais celui-là c'est le créateur.
Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur et non pas des cadavres et non pas des troupeaux et des croyants.
Ceux qui créent avec lui c'est eux que le créateur cherche, ceux qui inscrivent des valeurs neuves sur des tables neuves.
Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, qui puissent moissonner avec lui, car chez lui, tout est prêt pour la récolte. Mais ce sont les cent faucilles qui lui manquent : aussi doit-il arracher les épis à poignées et il s'en irrite.
Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, et de ceux qui savent affûter leurs faucilles. On les appellera destructeurs et détracteurs du bien et du mal. Mais ce sont eux les moissonneurs, ce sont eux qui célèbrent les fêtes.
Des compagnons, voilà ce que cherche Zarathoustra pour créer, moissonner, célébrer les fêtes : qu'a-t-il à faire de troupeaux, de bergers et de cadavres ?

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « Prologue de Zarathoustra », 9, p. 22


[...] dans le désert le plus reculé se fait la seconde métamorphose : l'esprit ici se change en lion, il veut conquérir sa liberté et être le maître dans son propre désert [...].
Créer des valeurs nouvelles — le lion lui-même n'en est pas encore capable, — mais conquérir la liberté pour des créations nouvelles — voilà ce que peut la puissance du lion.
Créer sa liberté et opposer même au devoir le « non » sacré : à cette fin, mes frères, il est besoin du lion.
Prendre le droit de créer des valeurs nouvelles — c'est la conquête la plus terrible pour un esprit accoutumé aux fardeaux et au respect. A la vérité cela lui paraît être de la rapine et l'affaire de bêtes de proie.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Des trois métamorphoses », p. 41


« Je suis corps et âme » — ainsi parle l'enfant. Et pourquoi ne parlerait-on pas comme les enfants ? Mais l'homme éveillé à la conscience et à la connaissance dit : « Je suis tout entier corps, et rien d'autre ; l'âme est un mot qui désigne une partie du corps. »
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie I, chap. « Des contempteurs du corps », p. 72


De tout ce qui est écrit, je ne lis que ce que quelqu'un écrit avec son sang. Ecris avec ton sang : et tu verras que le sang est esprit.
Il n'est guère facile de comprendre le sang d'autrui : je hais les oisifs qui lisent [...].
Que tout un chacun ait le droit d'apprendre à lire, voilà qui à la longue va gâter non seulement l'écriture mais aussi la pensée.
Jadis l'esprit était dieu, puis il s'est fait homme et maintenant il se fait même plèbe.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Lire et écrire », p. 55


L'air léger et pur, le danger proche et l'esprit plein d'une joyeuse méchanceté ; voilà qui va bien ensemble.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Lire et écrire », p. 55


Celui qui gravit les plus hautes montagnes, celui-là se rit de toutes les tragédies qu'elles soient réelles ou jouées.
Courageux, insouciants, moqueurs, brutaux — c'est ainsi que nous veut la sagesse : elle est femme et elle n'aime jamais qu'un guerrier.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Lire et écrire, p. 56


Je ne pourrais croire qu'à un Dieu qui saurait danser.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « Lire et écrire », p. 50


Je ne croirais qu'en un dieu qui s'entendrait à danser. Et lorsque je vis mon diable, je le trouvai grave, minutieux, profond, solennel ; c'était l'esprit de pesanteur — par lui toutes choses tombent.
On ne tue pas par la colère, mais on tue par le rire. Allons, tuons l'esprit de pesanteur !

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Lire et écrire », p. 56


L'État, c'est le plus froid des monstres froids. Il est froid même quand il ment ; et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : « Moi, l'État, je suis le peuple. »
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie I, chap. « De la nouvelle idole », p. 87


Des destructeurs sont ceux qui tendent des pièges pour des multitudes et les appellent l'État : ils suspendent au-dessus d'eux un glaive et cent appétits. Là où le peuple existe encore, il ne comprend pas l'État et il le hait comme un mauvais œil et comme un péché contre les coutumes et les droits.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « De la nouvelle idole », p. 66


Il naît beaucoup trop d'humains : pour ceux qui sont en trop, on a inventé l'État !
Regardez donc comme il les attire, ces trop-nombreux ! Comme il les ingurgite, et mâche et remâche !

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « De la nouvelle idole », p. 66


J'appelle État le lieu où sont tous ceux qui boivent du poison, qu'ils soient bons ou mauvais ; État, l'endroit où ils se perdent tous, les bons et les méchants ; État, le lieu où le lent suicide de tous s'appelle — « la vie ».
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « De la nouvelle idole », p. 67


Tous, ils m'apparaissent des fous, des singes qui grimpent, des surexcités. Leur idole sent mauvais, ce monstre froid : tous tant qu'ils sont, ils sentent mauvais, ces idolâtres.
Mes frères, voulez-vous donc étouffer dans les émanations de leurs gueules et de leurs appétits ? Brisez plutôt les fenêtres et sautez dehors, à l'air libre.
Ecartez-vous donc de la mauvaise odeur. Fuyez l'idolâtrie des superflus !
Ecartez-vous donc de la mauvaise odeur ! Fuyez donc les vapeurs de ces sacrifices humains !

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « De la nouvelle idole », p. 68


Là où cesse l'État, c'est là que commence l'homme, celui qui n'est pas superflu : là commence le chant de ce qui est nécessaire, la mélodie unique et irremplaçable.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « De la nouvelle idole », p. 69


Où cesse la solitude commence le marché ; et où commence le marché, commence aussi le vacarme des grands comédiens et le bourdonnement des mouches venimeuses.
Dans le monde, les choses les meilleures ne valent rien sans quelqu'un pour les mettre en scène : le peuple appelle ces metteurs en scène : de grands hommes [...].
A cause de ces esprits hâtifs, retourne à ta sécurité : ce n'est qu'au marché que l'on est assailli par oui ou par non ! [...]
C'est à l'écart du marché et de la gloire que se passe tout ce qui est grand : c'est à l'écart de la place du marché et de la gloire qu'ont, de tout temps, habité les inventeurs de valeurs nouvelles.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Des mouches du marché », p. 69


Ils pensent beaucoup à toi en leur âme étroite — tu leur es toujours un motif de suspicion ! Tout ce à quoi on pense beaucoup finit par devenir suspect [...].
Oui, mon ami, tu es la mauvaise conscience de tes prochains : car ils sont indignes de toi. C'est pourquoi ils te haïssent et aimeraient bien te sucer le sang.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Des mouches du marché », p. 72


J'aime la forêt. On vit mal dans les villes : il y a trop d'humains en rut.
Ne vaut-il pas mieux tomber aux mains d'un meurtrier que dans les rêves d'une femme en chaleur ?

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « De la chasteté », p. 72


Votre amour du prochain n'est que votre mauvais amour de vous-mêmes.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie I, chap. « De l'amour du prochain », p. 100


Et garde-toi des bons et des justes ! Ils aiment à crucifier ceux qui s'inventent leur propre vertu, — ils haïssent le solitaire.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « De la voie du créateur », p. 84


Il y a des hommes à qui tu ne dois pas donner la main, mais seulement la patte : et je veux que la patte ait aussi des griffes.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « De la voie du créateur », p. 84


L'homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie !
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « Des petites vieilles et des petites jeunes», p. 87


Dans l'homme véritable est caché un enfant qui veut jouer. Allons, les femmes, découvrez-le cet enfant dans l'homme !
Que la femme soit un jouet, pure et fine, pareille à la pierre précieuse, illuminée par les vertus d'un monde qui n'existe pas encore.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie I, chap. « Des petites vieilles et des petites jeunes », p. 85


« TOUS LES DIEUX SONT MORTS : MAINTENANT, VIVE LE SURHUMAIN ! »
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie I, chap. « De la vertu qui donne », p. 106


Créer, c'est la grande délivrance de la douleur, et l'allègement de la vie.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie II, chap. « Sur les îles bienheureuses », p. 115


« Vouloir » délivre.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie II, chap. « Sur les îles bienheureuses », p. 115


Gardez-vous de cracher contre le vent !
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie II, chap. « De la canaille », p. 143


En toutes choses vous faites, à mon gré, trop les familiers de l'esprit ; et de la sagesse, vous en avez souvent fait un asile et un hôpital pour mauvais poètes.
Vous n'êtes pas des aigles : aussi n'avez-vous pas appris le bonheur dans l'effroi de l'esprit. Et celui qui n'est point un oiseau ne doit point s'établir au-dessus des abîmes.
Vous êtes des tièdes : mais le flot de toute connaissance profonde est glacé. Les sources les plus profondes de l'esprit sont froides comme la glace : elles délassent les mains chaudes de ceux qui agissent.
Vous vous tenez là, honorables, raides et le dos droit, sages illustres, aucun grand vent, aucune grande volonté ne vous pousse.
N'avez-vous jamais vu passer les voiles sur la mer, gonflées, arrondies, tremblantes sous la violence du vent impétueux ?
Pareille à la voile tremblante sous la violence du vent impétueux, ma sagesse passe sur la mer, — ma sagesse sauvage !

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1972  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie II, chap. « Des sages illustres », p. 129


   Il fait nuit : voici que s'élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes : et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante.

   Il fait nuit : c'est maintenant que s'éveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme, elle aussi, est un chant d'amoureux.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie II, chap. « Le Chant de la nuit », p. 144


Ils ne sont pas non plus assez propres pour moi : ils troublent tous leurs eaux pour les faire paraître profondes.
  • À propos des poètes.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie II, chap. « Des poètes », p. 180


Tout comme vos sages illustres ne me parurent, au fond, pas tellement sages, de même j'ai trouvé la méchanceté des hommes inférieure à sa réputation.
Et souvent je me suis demandé en hochant la tête : pourquoi sonner encore, serpents à sonnettes [...] ?
Il faut d'abord que vos chats sauvages soient devenus des tigres et vos crapauds empoisonnés des crocodiles : car à bon chasseur, bonne chasse !
Et en vérité, vous les hommes de bien, vous les justes ! Il y a trop de choses risibles en vous et d'abord votre crainte de ce qui, jusque-là, s'appelait « diable » !

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1979  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie II, chap. « Du discernement humain », p. 174


« Ce sont les mots les plus silencieux qui amènent la tempête. Des pensées qui viennent sur des pattes de colombes mènent le monde.
Ô Zarathoustra, tu dois aller comme une ombre de ce qui viendra forcément : ainsi tu vas commander et tu avanceras tout en commandant. »

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1979  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie II, chap. « L'heure la plus silencieuse », p. 178


Tout chez eux discourt, rien ne réussit plus, ni s'achève. Tout caquète, qui donc veut encore rester tranquille sur le nid et couver des œufs ?
Tout chez eux discourt, tout est délayé en mots.

  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1979  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie II, chap. « Le retour », p. 222


L'homme est quelque chose qui doit être surmonté.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie III, chap. « Des vieilles et nouvelles tables », 4, p. 282


Être véridiques : peu de gens le savent ! Et celui qui le sait ne veut pas l'être !
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie III, chap. « Des vieilles et nouvelles tables », 7, p. 284


Ce qui a son prix a peu de valeur.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie III, chap. « Des vieilles et nouvelles tables », 12, p. 288


La vie est une source de joie : mais pour celui qui laisse parler son estomac gâté, le père de la tristesse, toutes les sources sont empoisonnées.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie III, chap. « Des vieilles et nouvelles tables », 16, p. 292


Je trace des cercles autour de moi et de saintes frontières ; il y en a toujours moins qui montent avec moi sur des montagnes toujours plus hautes : j'élève une chaîne de montagnes toujours plus saintes.
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie III, chap. « Des vieilles et nouvelles tables », 19, p. 292


Deviens qui tu es !
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie IV, chap. « L'Offrande du miel », p. 335


« [...] Vous, hommes supérieurs, laissez-moi vous apprendre ceci : sur la place du marché personne ne croit aux hommes supérieurs. Et voulez-vous y parler, allez-y ! Mais la populace clignera des yeux en disant : « Nous sommes tous pareils et égaux. »
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Georges-Arthur Goldschmidt), éd. Le Livre de Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 1979  (ISBN 978-2-253-00675-6), partie IV, chap. « De l'homme supérieur », p. 336


Avez-vous du courage, ô mes frères ? Êtes-vous résolus ? Non pas du courage devant des témoins, mais du courage de solitaires, du courage d'aigles dont aucun dieu n'est plus spectateur ?
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Henri Albert), éd. Société du Mercure de France, 1898, partie IV, chap. « De l'homme supérieur », 4, p. 407


C'est de la peur qu'est née ma vertu à moi, qui s'appelle le Savoir [...]. C'est ce que Zarathoustra appelle « la brute interne ».
  • Ainsi parlait Zarathoustra (1885), Friedrich Nietzsche (trad. Geneviève Bianquis), éd. Flammarion, coll. « GF-Flammarion », 1969  (ISBN 2-08-070881-3), partie IV, chap. « De la science », p. 362


En vérité il y a des hommes foncièrement chastes : ils sont plus doux de cœur, ils rient mieux et plus souvent que vous.
Ils rient même de la chasteté et demandent :
« Qu’est ce que la chasteté !
La chasteté n’est-elle pas sottise ? Mais cette sottise est venue à nous, nous ne sommes pas allés vers elle.
Nous avons offert à cet étranger l’hospitalité de notre cœur ; à présent il habite chez nous, — qu’il y reste autant qu’il voudra ! »


L’amour du jeune homme n’est pas mûr et c’est faute de maturité qu’il hait les hommes et la terre. Chez lui l’âme et les ailes de la pensée sont encore liées et pesantes.
Mais il y a de l’enfant en l’homme plus qu’en le jeune homme, et moins de tristesse : l’homme entend mieux la mort et la vie.


Voyez quelle abondance autours de nous ! Et qu’y a-t-il de plus beau que de regarder au loin vers les mers lointaines, lorsqu’on est dans le superflu ?


Ici les voûtes et les arceaux se brisent divinement dans la lutte : la lumière et l’ombre se combattent en leur effort vers le divin.


Ô solitude ! Toi ma patrie, solitude ! Comme ta voix me parle, bienheureuse et tendre !
Nous ne nous questionnons point, nous ne nous plaignons pas l’un à l’autre, librement nous franchissons ensemble les portes ouvertes.


Il n’y a pas de plus dure calamité, dans toutes les destinées humaines, que lorsque les puissants de la terre ne sont pas en même temps les premiers hommes. Alors tout devient faux, oblique et monstrueux.


Celui dont la pensée a franchi, ne fût-ce qu’une fois, le pont qui conduit au mysticisme n’en revient pas sans que toutes ses pensées en portent le stigmate.


En ceci que je considère le monde comme un jeu divin par-delà le bien et le mal, j’ai pour précurseurs la philosophie de Vedanta et Héraclite.


Le même droit pour tous, — c’est l’injustice la plus énorme ; car ce sont les hommes supérieurs qui sont ainsi frustrés.


Que l’on ne confonde pas : les acteurs meurent de n’être pas loués, les vrais hommes de n’être pas aimés.


Le mensonge dans nos éloges et nos blâmes, dans nos jugements et nos condamnations, dans notre amour et notre haine, fait rougir : c’est la souffrance de tous les hommes profonds. Un pas de plus et cette honte elle-même nous fait honte, en enfin nous rions de nous-mêmes.