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Alice Miller (née en 1923 en Pologne et morte en 2010 en France) est une psychanalyste suisse. Spécialiste de l'enfance, ses ouvrages et ses thèses sur la violence cachée qui caractériserait souvent les relations entre parents et enfants l'ont rendue célèbre.


Citations

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L'avenir du drame de l'enfant doué, 1994

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Un adulte ne peut vivre ses sentiments que si, enfant, il a eu des parents, ou des substituts parentaux, attentifs à ses besoins. Comme l'individu maltraité dans son enfance n'a pas connu cela, il ne peut se laisser surprendre par des sentiments, car seuls trouvent accès en lui des sentiments que la censure intérieure, successeur des parents, autorise et approuve. La dépression, le vide intérieur sont le prix à payer pour ce contrôle. Le vrai Soi ne peut pas communiquer parce qu'il ne s'est pas développé, étant resté à l'état inconscient, enfermé dans une prison intérieure. La fréquentation des geôliers ne favorise pas l'épanouissement. C'est seulement après la libération que le Soi commence à s'exprimer, à croître et à développer sa créativité. Et là où autrefois n'existaient que ce vide redouté ou d'angoissants fantasmes de grandeur, surgit un jaillissement de vie, d'une richesse inattendue. Ce n'est pas un retour chez soi – car on n'en a jamais eu. C'est trouver son chez-soi.
  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. I. Le drame de l'enfant doué et comment nous sommes devenus psychothérapeutes, A la recherche du vrai soi, p. 19


La véritable autonomie est précédée de sensations de dépendance. La véritable libération ne se trouve qu'une fois dépassé le sentiment profondément ambivalent de la dépendance infantile. [...] la manipulation inconsciente, un enfant reste incapable de la percer à jour. Elle est l'air qu'il respire, il n'en connaît pas d'autre, et il lui paraît le seul normal.
Que se passe-t-il si, à présent adultes (et psychothérapeutes?), nous ne saisissons toujours pas qu'il s'agit d'un air vicié ? Nous y exposerons sans hésiter d'autres personnes, en affirmant que c'est pour leur bien.
Plus je pénètre la manipulation inconsciente des enfants par les parents, et des patients par les thérapeutes, plus il me paraît urgent de lever le refoulement.

  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. I. Le drame de l'enfant doué et comment nous sommes devenus psychothérapeutes, La situation du psychothérapeute, p. 21


Si un enfant a la chance de grandir auprès d'une mère qui le reflète, qui est disponible, c'est-à-dire se prête à la fonction dont dépend le développement de l'enfant, celui-ci peut se forger un sentiment de soi sain. Dans le cas optimal, cette mère lui offre, avec la compréhension de ses besoins, un climat affectif chaleureux. Cependant, même s'il s'agit d'une femme pas très affectueuse, ce développement reste possible, du moment qu'elle n'y fait pas obstacle. En effet, l'enfant peut alors se procurer auprès d'autres personnes ce dont sa mère est dépourvue. Diverses enquêtes montrent la prodigieuse capacité des enfants à mettre à profit la moindre miette de « nourriture » affective, la moindre stimulation apportée par son entourage.
  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. II. Dépression et grandiosité. Deux formes du déni, Destins des besoins de l'enfant, p. 30


Par « sentiment de soi sain », j'entends la totale certitude que les sentiments et les désirs éprouvés appartiennent à son propre Soi. Ce n'est pas une certitude raisonnée – elle est là, comme notre pouls, auquel nous ne prêtons aucune attention tant qu'il bat normalement.
C'est dans cet accès spontané, tout naturel, à ses sentiments et à ses désirs personnels que l'être humain puise sa force intérieure et son respect de lui-même. Il a le droit de vivre ses émotions, d'être triste, désespéré ou d'avoir besoin d'aide, sans trembler de perturber quelqu'un. Il a le droit d'avoir peur quand il se sent menacé, de se fâcher quand il ne peut satisfaire ses désirs. Il sait non seulement ce qu'il ne veut pas, mais aussi ce qu'il veut, et se permet de l'exprimer – que cela lui vaille d'être aimé ou détesté.

  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. II. Dépression et grandiosité. Deux formes du déni, Destins des besoins de l'enfant, p. 31


Une patiente m'a dit un jour qu'il lui semblait avoir toujours été monté sur des échasses. Comment un être toujours monté sur des échasses ne serait-il pas perpétuellement jaloux de ceux qui marchent sur leurs propres jambes, même s'ils lui paraissent plus petits et plus « médiocres » que lui-même ? Et comment ne serait-il pas, au fond de lui, dévoré d'une colère contenue contre ceux qui l'ont amené à ne pas oser marcher sans échasses ? Au fond, l'individu sain suscite l'envie parce qu'il n'a pas besoin de s'efforcer continuellement d'être admirable, parce qu'il n'a pas à chercher à paraître comme ceci ou comme cela, mais peut tout tranquillement se permettre d'être comme il est.
  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. II. Dépression et grandiosité. Deux formes du déni, Illusion de l'amour, p. 36


Le « grandiose » n'est jamais réellement libre, car il est constamment dépendant de l'admiration des autres, et parce que cette admiration est liée à des qualités, des fonctions et des performances qui peuvent brutalement s'écrouler.
  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. II. Dépression et grandiosité. Deux formes du déni, Illusion de l'amour, p. 36


La plaie sans doute la plus profonde – ne pas avoir été aimé tel qu'on était – ne peut guérir sans travail du deuil. Elle peut, avec plus ou moins de succès, être bridée par des mécanismes de défense (comme par exemple dans la grandiosité ou la dépression), ou bien, comme dans la compulsion de répétition, se rouvrir sans cesse. C'est également le cas dans la névrose obsessionnelle et la perversion. Les réactions méprisantes des parents face au comportement de l'enfant sont enregistrées en lui sous forme de souvenirs inconscients, et emmagasinées dans son corps.
  • L'avenir du drame de l'enfant doué (1994), Alice Miller (trad. Léa Marcou), éd. PUF, coll. « Le fil rouge », 1996  (ISBN 2-13-047554-X), chap. III. Le cercle vicieux du mépris, Le mépris dans le miroir de la thérapie, p. 83


Articles et interviews

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Des millions d'enfants juifs ou arabes sont, pour le dogme, soumis à la circoncision, étant bébés ou à un âge plus avancé. Une telle cruauté n'est possible qu'avec le déni total de la sensibilité de l'enfant. Mais qui peut aujourd'hui sérieusement dire qu'un enfant ne ressent rien ? En Inde, des millions de filles ont été violées en tant que jeunes mariées, et ceci au nom de la doctrine religieuse sanctionnée par le mariage. Un nombre infini de rites d'initiation, pardonnés par la religion, ne sont rien d'autre que de sadiques maltraitances de l'enfant.
  • (en) Millions of Jewish or Arab children are, for the sake of dogma, subjected to circumcision, as infants or at an advanced age. Such cruelty is only possible with the total denial of the child's sensibility. But who can seriously say today that a child does not feel? In India, millions of girls have been raped as brides and this in the name of the religiously sanctioned doctrine of marriage. Countless initiation rites, condoned by religion, are nothing more than the sadistic mistreatment of children


Je vois les racines de la violence et de la destructivité de l'adulte dans les traumatismes et les carences qu'il a subies et refoulés dans son enfance.
  • Interview par Olivier Maurel


Il est encore très courant aujourd’hui de croire que les enfants ne peuvent pas avoir de sentiments, et d’être persuadé que ce qu’on peut leur faire subir n’a pas de conséquences, ou à la rigueur d’une moindre importance que chez les adultes, justement parce qu’ils sont encore des enfants.


Frapper des adultes, c’est de la torture, frapper des enfants, c’est de l’éducation.


On ne m'a pas exclue de l'Association psychanalytique ; c'est moi qui me suis écartée d'une école après l'autre à mesure que m'apparaissaient clairement le traditionalisme de leur point de vue et leur refus de prendre en compte la souffrance de l'enfant.


J'aime mes enfants si je suis capable de les respecter avec leurs sentiments et leurs besoins propres et si j'essaie de satisfaire ces besoins du mieux que je le peux. Je n'aime pas mes enfants si je ne les considère pas comme des personnes comme moi, mais comme des objets que je dois corriger.


Notre corps ne ment jamais

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Lorsqu'un enfant vient au monde, il a besoin de l'amour de ses parents. Plus tard, quand ce jeune être deviendra adulte, il sera capable de donner le même amour à ses propres enfants. Mais, quiconque a été privé de tout cela aspirera, sa vie entière, à assouvir ses premiers besoins vitaux, et cherchera à les satisfaire auprès d'autres personnes.
  • Notre corps ne ment jamais (2004), Alice Miller (trad. Flammarion), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 2013  (ISBN 978-2-0812-8949-9), p. 15
La fatigue caractéristique de la dépression nous envahit, en effet, chaque fois que nous réprimons nos émotions fortes, que nous refusons de prêter attention à la mémoire de notre corps.
  • Notre corps ne ment jamais (2004), Alice Miller (trad. Flammarion), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 2013  (ISBN 978-2-0812-8949-9), p. 17
Le corps est le gardien de notre vérité car il porte en lui l'expérience de toute notre vie et veille à nous la rappeler.
  • Notre corps ne ment jamais (2004), Alice Miller (trad. Flammarion), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 2013  (ISBN 978-2-0812-8949-9), p. 24
La morale peut certes nous prescrire ce que nous devrions faire et ce qui nous est interdit, mais non ce que nous devrions ressentir. Car, nos véritables sentiments, nous ne pouvons ni les susciter ni les supprimer, nous pouvons seulement nous couper d'eux par le mécanisme du clivage, nous mentir et tromper notre corps.
  • Notre corps ne ment jamais (2004), Alice Miller (trad. Flammarion), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 2013  (ISBN 978-2-0812-8949-9), p. 31
Les enfants battus, torturés, humiliés, auxquels nul témoin secourable ne tend la main, présentent généralement, quand elle émane de figures paternelles et une frappante indifférence au sort des enfants maltraités.
  • Notre corps ne ment jamais (2004), Alice Miller (trad. Flammarion), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 2013  (ISBN 978-2-0812-8949-9), p. 82
Battre un jeune enfant est toujours une maltraitance, avec de lourdes conséquences dont, souvent, il portera le poids toute sa vie. La violence dont il a été victime reste emmagasinée dans son corps, et l'adulte qu'il deviendra la dirigera sur d'autres personnes, voire un peuple tout entier, ou la retournera contre lui-même, et cela le conduira à la dépression ou à une pratique toxicomaniaque, à de graves maladies, au suicide ou à une mort prématurée.
  • Notre corps ne ment jamais (2004), Alice Miller (trad. Flammarion), éd. Flammarion, coll. « Champs essais », 2013  (ISBN 978-2-0812-8949-9), p. 191

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