Bourgeoisie

classe sociale

La bourgeoisie est la classe sociale des personnes ayant un certain capital culturel et financier, et appartenant aux couches supérieures voire intermédiaires d'une société.

Le mécanisme de la justification est la pièce centrale de l’œuvre bourgeoise, sa signification, sa motivation. Pour arriver (à ses fins), le bourgeois se construit un monde réel mais aussi un monde imaginaire qu'il fait prévaloir sur tous les autres dans le mécanisme de la conscience fausse. Car le bourgeois se sait, inconsciemment, un exploiteur, mais il ne peut pas se supporter pour ce qu'il est. (En cela,) il exprime une tendance propre à tout homme [...], celle d’être à la fois en accord avec son milieu [...] et avec lui-même. [...] Et pour ne pas reconnaître ce qu'il est en réalité, le bourgeois ne peut pas voir les motivations réelles de son action. Il ne peut pas discerner les forces motrices qui le poussent à être ce qu'il est en agissant comme il le fait. Ce n'est pas l'hypocrisie au sens courant : le bourgeois le voudrait-il, il ne le peut pas. [...] Comme il ne peut pas non plus agir sans motivation, il se crée un système explicatif, un système de motifs imaginant des forces motrices pour légitimer son action. Bien entendu, ces forces motrices ne sont pas seulement imaginaires, théoriques, [sinon], elles ne feraient illusion sur personne : elles sont apparentes. L'un des jeux permanents de la conscience bourgeoise consiste à éviter le profond pour tout [ramener] à l'évident. [...] Les évidences sont les plus sûrs atouts de la conscience fausse. [...] Il y a ainsi déguisement de la condition réelle, mais déguisement plus réel que le réel parce qu'investi d'évidence.
  • Métamorphose du bourgeois (1967), Jacques Ellul, éd. La Table Ronde, coll. « La petite vermillon », 1998, p. 47-48


Un exemple des facteurs qui constituent la « constellation de l'idéologie du bonheur » nous est donné par le progrès. [...] Georges Sorel a bien montré à quel point toute l'idée du progrès est un phénomène bourgeois, lié à cette classe, indissociable d'elle, si bien que tout se qui se réfère au progrès porte la marque de la bourgeoisie. [...] L'idée de progrès précède le véritable développement logique et universel des sciences. [...] Bien avant paraissait la conviction irraisonnée que l'histoire de l'homme était (en soi) un progrès. [...] Comment alors ne pas comprendre que cette absolutisation du terme par la validation de ce qui augmente est strictement liée à ce qui est justement quantitatif, c'est-à-dire la production économique ? C'est sur le modèle de la croissance de la production que le progrès est construit. [...] Le progrès est fait de cette addition incessante de valeurs matérielles et de richesses.
  • Métamorphose du bourgeois (1967), Jacques Ellul, éd. La Table Ronde, coll. « La petite vermillon », 1998, p. 118-120


Le monde qui se fait sous nos yeux [...] obéit à la même idéologie que (celle du bourgeois du XVIIIe siècle), celle du bonheur. [...] [Mais] le bonheur a changé de rôle et de signification. [Il était à l’origine] une vision plus ou moins claire d’un [monde] souhaitable. [...] Mais depuis, un phénomène est apparu : le bourgeois a partiellement réalisé son objectif par la création du bien-être, au moyen d'une prolifération d'utilités. Et voici que cette multiplication d’objets à consommer produit un effet singulier : elle exige de celui qui les produit un sacrifice de plus en plus accentué, le travail ; elle entraîne pour celui qui les consomme une abstraction de l’être [...]. Ainsi cet homme heureux, plongé dans le bien-être, est réifié.
  • Métamorphose du bourgeois (1967), Jacques Ellul, éd. La Table Ronde, coll. « La petite vermillon », 1998, p. 294-295
Mais la bourgeoisie d'aujourd'hui est plus intelligente que celle d'hier car elle a compris qu'il fallait rester dans le brouillage de classes, et officiellement le concept de classes n'existe pas. La nouvelle bourgeoisie n'assume pas sa position de classe. Elle est excellente dans la promotion de la société ou de la ville ouverte, alors que ce sont les gens qui sont le plus dans les stratégies d'évitement, de renforcement de position de classe, mais avec un discours d'ouverture. Et quand le peuple conteste ce modèle, on l'ostracise. C'est pour cela que je dis que l'antifascisme est devenu une arme de classe, car cette arme n'est utilisée que par la bourgeoisie. Ce n'est pas un hasard si les antifascistes dans les manifestations sont des enfants de la bourgeoisie. Et tout cela dit un mépris de classe. Parce que personne ne va être pour le racisme et pour le fascisme. En réalité, derrière tout cela, il s'agit d'ostraciser le peuple lui-même, les classes populaires. C'est aussi une façon de délégitimer leur diagnostic, parce qu'en réalité, le "populisme", c'est le diagnostic des gens d'en bas, et la bourgeoisie s'en démarque en se voyant en défenseur de la démocratie.
  • « Christophe Guilluy : "La France d'en haut s'est structurée autour d'Emmanuel Macron pour protéger ses intérêts, le monde d'en bas, lui, est complètement dispersé" », Christophe Guilluy, Atlantico, 23 Septembre 2017 (lire en ligne)


Il n'y a pas de complot, mais il y a des comportements qui sont économiques. Les bobos entendent préserver une position sociale, jouir de leur patrimoine immobilier, conserver leurs revenus et en faire profiter leurs enfants. S'ils peuvent ne pas scolariser leur progéniture dans le collège du coin fréquenté par des immigrés, ils le feront, sans le dire, en contournant la carte scolaire. C'est pour cette raison que je les qualifie de « Rougon-Macquart déguisés en hipster ». Ils adoptent les schémas classiques de la bourgeoisie avec en plus le discours « cool » sur l'ouverture à l'altérité.

  • « Christophe Guilluy : “Nous allons vers une période de tensions et de paranoïa identitaire” », Propos recueillis par Saïd Mahrane, Le Point, 23 septembre 2016 (lire en ligne)


Car on ne saurait trop le redire. Tout le mal est venu de la bourgeoisie. Toute l'aberration, tout le crime. C'est la bourgeoisie capitaliste qui a infecté le peuple. Et elle l'a précisément infecté d'esprit bourgeois et capitaliste.
Je dis expressément la bourgeoisie capitaliste et la grosse bourgeoisie. La bourgeoisie laborieuse au contraire, la petite bourgeoisie est devenue la classe la plus malheureuse de toutes les classes sociales, la seule aujourd'hui qui travaille réellement, la seule qui par suite ait conservé intactes les vertus ouvrières, et pour sa récompense la seule enfin qui vive réellement dans la misère. Elle seule a tenu le coup, on se demande par quel miracle, elle seule tient encore le coup, et s'il y a quelque rétablissement, c'est que c'est elle qui aura conservé le statut.


J'ai consacré dix-huit ans de ma vie à écrire une histoire de la bourgeoisie. Cette dernière a pris le pas sur les seigneurs des temps précédents, en achetant et en vendant. Ceux qui, aux États généraux, prétendaient représenter le peuple, représentaient en fait la classe bourgeoise. Celle qui vend et qui achète. Dorénavant, vendre et acheter va vous donner le droit d'exister et d'être quelqu'un.
  • Histoire et lumière, Régine Pernoud, éd. Cerf, 1998  (ISBN 2-204-05932-3), p. 24


D'un point de vue petit-bourgeois quelque chose de normal et naturel est "quelque chose" de bien. ce type de pensée ne fait pas de différence entre l'appréciation subjective des phénomènes et leur qualités objectives.
  • Le Communisme comme réalité, Alexandre Zinoviev (trad. Jacques Michaut), éd. Julliard/L'Âge d'Homme, 1981  (ISBN 2-260-00252-8), partie Pensée Petite-bourgeoise et pensée scientifique, p. 35


L'homme qui pense en petit bourgeois remarque les faits directement observables et en tire aussitôt sans la moindre analyse des généralisations hâtive. Ses jugements sont subjectifs, c-à-d, qu'ils portent la marque de ses penchants personnels.
  • Le Communisme comme réalité, Alexandre Zinoviev (trad. Jacques Michaut), éd. Julliard/L'Âge d'Homme, 1981  (ISBN 2-260-00252-8), partie Pensée Petite-bourgeoise et pensée scientifique, p. 35


La pensée petite-bourgeoise prétend voir ses résultats directement confirmés par les faits observables. La pensée scientifique au contraire sait que ses résultats ne coïncident pas directement avec les faits observables. Ils ne fournissent que des moyens à l'aide desquels on peut expliquer les faits concrets et les prédire.
  • Le Communisme comme réalité, Alexandre Zinoviev (trad. Jacques Michaut), éd. Julliard/L'Âge d'Homme, 1981  (ISBN 2-260-00252-8), partie Pensée Petite-bourgeoise et pensée scientifique, p. 35-36


Le petit-bourgeois est enclin à faire passer ce qu'il ressent pour la vérité.
  • Le Communisme comme réalité, Alexandre Zinoviev (trad. Jacques Michaut), éd. Julliard/L'Âge d'Homme, 1981  (ISBN 2-260-00252-8), partie Pensée Petite-bourgeoise et pensée scientifique, p. 36


Cette façon qu'ont les esprits petits-bourgeois de confondre leurs appréciations subjectives avec la situation objective va tellement loin que la majorité des notions utilisés dans les conversations roulant sur des problèmes sociaux ont actuellement perdu leur caractère scientifique pour devenir de simples expressions d'estimation.
  • Le Communisme comme réalité, Alexandre Zinoviev (trad. Jacques Michaut), éd. Julliard/L'Âge d'Homme, 1981  (ISBN 2-260-00252-8), partie Pensée Petite-bourgeoise et pensée scientifique, p. 37


L'esprit petit-bourgeois considère la vie des autres comme s'il se trouvait dans leur situation, transposant sur eux son attitude, ses critères de jugement, ses sentiments.
  • Le Communisme comme réalité, Alexandre Zinoviev (trad. Jacques Michaut), éd. Julliard/L'Âge d'Homme, 1981  (ISBN 2-260-00252-8), partie Pensée Petite-bourgeoise et pensée scientifique, p. 37