Charles Loyseau
jurisconsulte français
Charles Loyseau, né en 1566 à Nogent-le-Roi et mort en 1627 à Paris, est un jurisconsulte français.
Traité des ordres et simples dignitez
modifierCar nous ne pourrions pas vivre en égalité de condition, ainsi il faut par nécessité que les uns commandent, et les autres obéissent. Ceux qui commandent ont plusieurs degrés : les souverains seigneurs commandent à tous ceux de leur État, adressant leur commandement aux grands, les grands aux médiocres, les médiocres aux petits, et les petits au peuple. Et le peuple qui obéit à tous ceux-là, est encore séparé en plusieurs ordres et rangs, afin que sur chacun d’iceux il y ait des supérieurs, qui rendent raison de tout leur ordre aux magistrats, et les magistrats aux seigneurs souverains. Ainsi par le moyen de ces divisions et subdivisions multipliées, il se fait, de plusieurs ordres un ordre général, et de plusieurs États un État bien réglé, auquel il y a une bonne harmonie et consonance, et une correspondance et rapport du plus bas au plus haut : de sorte qu’enfin un nombre innombrable aboutit à son unité.
- (fr1835) Car nous ne pourrions pas viure en egalité de condition, ains il faut par neceſſité que les vns commandent, & les autres obeiſſent. Ceux qui commandẽt ont pluſieurs degrez : les ſouuerains Seigneurs cõmandẽt à tous ceux de leur Eſtat, addreſſans leur cõmandemẽt aux grãds, les grãds aux mediocres, les mediocres aux petits, & les petits au peuple. Et le peuple qui obeit à tous ceux là, eſt encor ſeparé en pluſieurs Ordres & rangs, afin que ſur chacun d’iceux il y ait des ſuperieurs, qui rendent raiſon de tout leur Ordre aux Magiſtrats, & les Magiſtrats aux Seigneurs ſouuerains. Ainſi par le moyen de ces diuiſions & ſubdiuiſions multipliées, il ſe fait, de pluſieurs Ordres vn Ordre general, & de pluſieurs Eſtats vn Eſtat bien reglé, auquel il y a vne bonne harmonie & conſonance, & vne correſpondance & rapport du plus bas au plus haut : de ſorte qu’en fin vn nombre innombrable aboutit à ſon vnité.
- (fr1835) Traité des ordres et simples dignitez (1610), Charles Loyseau, éd. Abel L'Angelier, 1610, Avant-propos, p. 1 (texte intégral sur Wikisource)
Les uns sont dédiés particulièrement au service de Dieu ; les autres à conserver l’État par les armes ; les autres à le nourrir et maintenir par les exercices de la paix. Ce sont nos trois ordres ou états généraux de France, le clergé, la noblesse et le tiers état. Mais chacun de ces trois ordres est encore subdivisé en degrés subordonnés, ou ordres subalternes, à l’exemple de la hiérarchie céleste.
- (fr1835) Les vns ſont dediez particulierement au ſervice de Dieu : les autres à conſerver l’Eſtat par les armes : les autres à le nourrir & maintenir par les exercices de la paix. Ce ſont nos trois Ordres ou Eſtats generaux de France, le clergé, la nobleſſe & les tiers Eſtat. Mais chacun de ces trois Ordres eſt encor ſubdiuiſé en degrés ſubordinez, ou Ordres ſubalternes, à l’exemple de la hierarchie celeſte.
- (fr1835) Traité des ordres et simples dignitez (1610), Charles Loyseau, éd. Abel L'Angelier, 1610, Avant-propos, p. 2 (texte intégral sur Wikisource)
Parmi quelques-unes des plantes et des bêtes, nature a fait d’elle-même cette distinction, que d’une même espèce aucunes sont franches et domestiques, autres agrestes et sauvages ; qualités qu’elles retiennent infailliblement de leur génération : si que les sauvages n’engendrent point les domestiques, ni au contraire. Aussi est-ce naturellement, que les plantes et bêtes retiennent la qualité de leur semence, pour ce que leur âme végétative ou sensitive procède absolument a potestate materiæ, disent les philosophes. Mais l’âme raisonnable des hommes, venant immédiatement de Dieu, qui la crée exprès lors qu’il l’envoie au corps humain, n’a point de participation naturelle aux qualités de la semence générative du corps, où elle est colloquée.
- (fr1835) Parmy quelques vnes des plantes & des beſtes, nature a fait d’elle meſme cette diſtinction, que d’vne meſme eſpece aucunes ſont franches & domeſtiques, autres agreſtes & ſauuages : qualitez, qu’elles retiennent infailliblement de leur generation : ſi que les ſauuages n’engendrent point les domeſtiques, ni au contraire. Auſſi eſt-ce naturellement, que les plantes & beſtes retiennent la qualité de leur ſemence, pour ce que leur ame vegetatiue ou ſenſitiue procede abſolument a poteſtate materiæ, diſent les Philoſophes. Mais l’ame raiſonable des hommes, venant immediatement de Dieu, qui la crée expres lors qu’il l’enuoye au corps humain, n’ha point de participation naturelle aux qualitez de la ſemence generatiue du corps, oú elle eſt colloquée.
- (fr1835) Traité des ordres et simples dignitez (1610), Charles Loyseau, éd. Abel L'Angelier, 1610, chap. IIII (De l’ordre de noblesse en general), p. 37 (texte intégral sur Wikisource)