Chercher le courant

film canadien

Chercher le courant est un documentaire québécois de Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere sorti en 2010.

La rivière Romaine telle qu'on ne la verra plus jamais ?

À l'été 2008, à un an du début d'un chantier hydroélectrique de 8 milliards de dollars prévu par Hydro-Québec, les réalisateurs décident de parcourir la rivière Romaine en canot avec deux environnementalistes... un « river trip » de 500 km qui les amènera de sa source au Labrador à son embouchure dans le Golfe du Saint-Laurent.

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Narrateur : Selon le plan d'ensemble de l'Agence de l'efficacité énergétique du Québec, les programmes d'efficacité énergétique coûtent en moyenne 3 ¢ / kWh, soit trois fois moins que de construire les barrages de la rivière Romaine. Le potentiel est énorme. En 2005, même Hydro-Québec reconnaissait, devant la Régie de l'énergie, un potentiel équivalent à trois fois le projet de la Romaine.
  • Les Films du Rapide-Blanc., Chercher le courant (2010), écrit par Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere


Luce Asselin, pdg, Agence de l'efficacité énergétique du Québec : On a effectivement un taux d'ensoleillement aussi important que Barcelone où — en Espagne aussi — on fait beaucoup de solaire. Alors, au Québec, il ne faut pas penser que, à cause de l'hiver... C'est une question de luminosité, c'est une question de lumière disponible, et on est donc sur la même ligne que les villes qui en font le plus sur la planète.
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Brendan O'Neill, chercheur, technologies solaires, Université Concordia : Plusieurs pensent que le climat nordique du Canada n'est pas assez ensoleillé pour ce genre de technologie. Pourtant, par rapport aux leaders mondiaux que sont le Japon et l'Allemagne, nous recevons plus d'ensoleillement […] La quantité d'énergie reçue du soleil est extraordinairement élevée.
  • Les Films du Rapide-Blanc., Chercher le courant (2010), écrit par Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere


Narrateur : Selon l'Association européenne du photovoltaïque, les coûts par kilowattheure (kWh) de l'électricité solaire diminuent grandement chaque année. Au Québec, les coûts augmentent pour chaque nouveau projet hydroélectrique et atteindront peut-être, d'ici quelques années, le point où même le solaire-photovoltaïque sera plus rentable financièrement.
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Jean-Thomas Bernard, professeur d'économique, Université Laval : On est rendus à l'étape de l'histoire du Québec où ce que l'on développe est certainement concurrencé, de façon très forte, par d'autres modes... Parce que nos coûts sont croissants. Puis ça, ça ne s'est pas encore « enregistré » auprès des décideurs publics. Ils se comportent encore comme si on avait un avantage inné à produire de l'hydroélectricité. Non ! On a eu une dotation exceptionnelle à l'échelle du monde, mais c'est comme un fermier qui a une belle terre, bien quand il a développé toute sa terre...
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Narrateur : Selon les agences d'efficacité énergétique fédérale et provinciale, 90 % des chauffe-eau québécois sont électriques et 60 % de cette électricité pourrait être économisée de façon rentable par des chauffe-eau solaires. Si on utilisait le budget du projet Romaine pour remplacer tous les chauffe-eau au Québec, on pourrait libérer plus d'électricité à un moindre coût.
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Narrateur : Selon Hydro-Québec, le poisson le plus abondant de la rivière Romaine – la truite mouchetée – disparaîtra complètement des 240 kilomètres affectés par les barrages. Elle ne peut pas survivre dans les réservoirs d'eau stagnante.
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Narrateur : À la campagne comme en ville, l'immense potentiel énergétique des biogaz commence à peine à inspirer des initiatives de développement durable […] Selon un document interne d'Hydro-Québec, le potentiel est tel que si on exploitait les déchets organiques de l'agriculture et des activités humaines, nous pourrions en retirer deux à quatre fois plus d'énergie que le projet de la Romaine, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
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Nicolas Boisclair, coréalisateur : Ça prend deux choses pour faire tourner une éolienne. Principalement, c'est la vitesse du vent et la densité de l'air. Ce qui est intéressant, c'est que c'est l'hiver que la densité de l'air est la plus lourde. Et c'est l'hiver aussi qu'il vente le plus fort. Comme nous on est des consommateurs d'électricité pour le chauffage, c'est en plein hiver qu'on a le plus besoin d'électricité, puis c'est en hiver que les éoliennes produisent le plus.
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Réal Reid, chercheur retraité, Hydro-Québec : Quand on regarde les vents dans le monde — les sites habités — le Québec, avec l'Angleterre, sont les deux meilleurs sites au monde. La ressource éolienne québécoise est à peu près cent fois la quantité hydraulique qu'on a déjà harnachée au Québec. Ça fait que la ressource, elle est immense ! Elle serait suffisante pour alimenter le Canada et les États-Unis, dans leur ensemble, trois fois !
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Réal Reid, chercheur retraité, Hydro-Québec : Si on regarde [le plan] qu'on a fait pour la Romaine — à 2200 mégawatts (MW) — [un projet éolien] couvrirai[t] 400 à 450 km2. Par contre, l'éolien utiliserait seulement de 1 à 2 % de ce terrain-là pour les routes, les lignes de raccordement et les bases des éoliennes. Donc l'utilisation du terrain — pour fournir les huit térawattheures (tWh) que la Romaine pourrait fournir — serait seulement de 4 à 9 km2, alors qu'avec la Romaine on va inonder 279 km2 et complètement changer la vocation du terrain. Avec l'éolien, le terrain garderait sa vocation première ; ce serait la forêt, la faune, la flore. Puis on arrive avec un service équivalent, le même support en puissance, le même support en énergie que la centrale de la Romaine, et à meilleur coût.
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Narrateur : Selon Hydro-Québec, il faut inonder la Romaine pour combler nos besoins futurs d'électricité. En période de grand froid, nos systèmes de chauffage électrique consomment 50 % de l'électricité au Québec. Pourtant, Hydro-Québec soutient qu'on peut économiser 60 % de chauffage en captant la chaleur du sol avec la géothermie. En quelques heures au moyen d'une foreuse, on creuse un trou d'une centaine de mètres dans lequel des tuyaux sont insérés pour capter et transporter la chaleur dans le bâtiment. C'est ce qu'on appelle la boucle géothermique.
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Narrateur : En Suède, 75 % des habitations neuves sont chauffées à la géothermie. Au Québec, selon la Coalition canadienne de la géothermie, on n'a pas encore atteint 1 %. La plinthe électrique domine. Hydro-Québec est prête à produire de l'électricité à 10 ¢ / kWh lorsqu'il s'agit d'hydroélectricité. Quand il s'agit de géothermie, elle est beaucoup plus frileuse. La société d'État, dans son programme d'incitatifs, refuse d'investir plus de 1 ¢ / kWh. Rien pour que le marché ne décolle vraiment.
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Narrateur : Le caribou forestier est rare ; c'est une espèce classée vulnérable, au Québec, depuis 2005. Le projet de la Romaine va évidemment fracturer son territoire […] Pour le Secrétariat des Nations unies sur la diversité biologique, le fractionnement du territoire occasionné par les barrages et réservoirs est un impact majeur. [Hydro-Québec] admet que, malgré tous les efforts déployés, des ours, des caribous entre autres, mourront pendant l'inondation des réservoirs.
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Nicolas Boisclair, coréalisateur : Cette idée-là qu'on a — que on fait un barrage, on fait de l'argent, ça paye les soins de santé, ça paye l'éducation — ce n'est plus vrai parce que les meilleurs sites hydroélectriques ont été exploités : la Manic, le complexe la Grande, Churchill, le fleuve Saint-Laurent... Donc ça c'est bien incrusté dans nos cerveaux que si on fait un barrage, on fait de l'argent. Pour le cas de la Romaine, c'est moins clair parce que c'est un projet extrêmement coûteux.
Jean-Thomas Bernard, professeur d'économique, Université Laval : C'est certain qu'en développant un projet moins rentable, qui n'est pas rentable, on aura moins d'argent que si on faisait rien. Alors présentement, ce développement-là, il est précipité, et ça risque de faire augmenter la dette du Québec plutôt que de la réduire. Alors c'est certain que ça ne contribuera pas à d'autres activités normales du gouvernement, en particulier les secteurs de la santé et de l'éducation.
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Narrateur : Le Québec dispose déjà de surplus d'électricité équivalents à près de trois projets Romaine. Les centrales de la Romaine sont donc destinées à l'exportation. Mais les États américains sont-ils ouverts à l'idée d'acheter cette coûteuse électricité ?

Paul A. De Cotis, Secrétaire d'État à l'Énergie, État de New York : New York s'est doté d'un plan d'énergies propres. Nous cherchons à satisfaire une grand part des besoins électriques de l'État grâce à l'efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Donc, le but à New York est d'atteindre 45 % d'énergies propres d'ici 2015. Le portefeuille d'énergies renouvelables de New York exclut les grands projets hydroélectriques.

Jean-Thomas Bernard, professeur d'économique, Université Laval : Le gouvernement, lui, présentement, tient le discours que ce développement-là va être rentable. Qu'il y aura un marché pour de l'énergie à 10 ¢. Présentement, à la frontière, il n'y a personne qui se présente avec un carnet de chèques et qui dit : « moi, j'achète de l'électricité à 10 ¢ / kWh. » L'entente qu'on a eue avec le Vermont, il n'y a pas un prix fixe qui est prévu là-dedans. C'est une formule de prix, là, mais ça va s'apparenter à peu près aux coûts d'une centrale au gaz : bien ça va être de 5 à 6 ¢. Puis on a signé pour 20 ans.
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Narrateur : Puisque Hydro-Québec ne s'intéresse qu'à la production d'hydroélectricité, et que ni la Régie de l'énergie, ni le BAPE, ni aucun cadre réglementaire n'a le mandat de comparer et d'imposer les choix de développement énergétique en se basant sur des faits, l'écosystème de la Romaine va y passer parce qu'on n'aura pas su utiliser d'autres filières énergétiques moins coûteuses comme la biomasse, la géothermie, le solaire thermique, l'éolien et l'efficacité énergétique à la place de l'hydroélectricité. Il n'y a aucune planification intégrée des ressources.
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Christian Simard, directeur, Nature-Québec : C'est vraiment de tuer un écosystème ; c'est-à-dire justement, les points où s'est asséché, là, à plusieurs endroits, on va faire disparaître un écosystème qui est essentiel à la vie marine et même aux conditions de vie de la population locale. Et pour le Saint-Laurent, c'est dramatique ; le Golfe est malade, il n'y a plus d'oxygène, il est surpêché, il y a des problèmes avec les changements climatiques et la pollution... Et là, les rivières de la Côte-Nord, c'est comme le soluté. Ça permet au Golfe de se regénérer. Et là, c'est comme si on arrachait le soluté à un malade — un des solutés — puis on en a arraché pas mal.
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Narrateur : Le rapport du BAPE sur le projet de la Romaine a documenté que le nombre de rivières harnachées a quadruplé en 15 ans. Toutes les grandes et moyennes rivières qui se jettent dans le Saint-Laurent, entre l'Ontario et Sept-Îles, sont harnachées. Seule la Moisie, une des plus grandes rivières à saumons au monde, échappe encore au rouleau compresseur de la grande machine hydraulique. Toutes les rivières sont harnachées, sauf les rivières microscopiques. Quand les porte-parole d'Hydro-Québec parlent des 4600 rivières de la province pour se déculpabiliser, ils ne mentionnent jamais leur taille. D'ailleurs le projet de la Romaine, selon l'étude d'impacts d'Hydro-Québec, ne touchera pas l'écosystème d'une seule rivière, mais aussi d'une vingtaine d'autres rivières ; ce sont les tributaires de la Romaine.
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André Bélisle, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique : Quand on aura harnaché la dernière rivière, va bien falloir faire quelque chose d'autre ! Mais qu'est-ce qu'on va faire, à ce moment-là, qu'on ne saurait pas faire aujourd'hui ? Ça n'a pas de bon sens ! On sait qu'on peut faire autrement, on sait que c'est encore plus payant — pour la société québécoise — mais là, les joueurs les plus importants ne veulent pas apprendre, ne veulent pas changer. Pourquoi changer une recette payante ? C'est comme ça qu'ils pensent ces gens-là.
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Nicolas Boisclair, coréalisateur : L'hydroélectricité « vache à lait du gouvernement » c'est fini. Maintenant, c'est des projets qui sont faits pour satisfaire l'appétit des constructeurs de barrages, qui doivent avoir de puissants lobbys auprès du gouvernement, parce que ces projets-là sont plus chers que l'efficacité énergétique, plus chers que l'éolien, plus chers peut-être que des alternatives énergétiques qu'on va trouver en Europe.
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Jean-Thomas Bernard, professeur d'économique, Université Laval : Lorsque Hydro-Québec fait une opération qui n'est pas rentable — comme développer la Romaine à 10 ¢ / kWh — et vendre cette électricité-là aux Américains de 5 à 6 ¢ — ou encore aux alumineries, ici, à 4,2 ¢ — il y a un manque à gagner. Donc, l'implication, c'est que Hydro aura moins de profits, et ça voudra dire, naturellement, moins d'argent versé au gouvernement. Par contre, si le gouvernement veut qu'Hydro maintienne ses versements, bien la seule alternative, pour Hydro, c'est de se tourner vers ses clients. Et là, on pourra augmenter les tarifs au Québec. Alors on va payer à travers nos factures.
Narrateur : Ce n'est pas surprenant que le ministre des Finances du Québec ait annoncé, en 2010, que l'électricité patrimoniale augmentera de 37 % entre 2014 et 2018. C'est 1,6 milliard de plus, par année, qui sortira de nos poches. Dès 2014, tous les Québécois vont payer leur électricité plus chère et, indirectement, subventionner la consommation de nos clients américains. Sommes-nous toujours « maîtres chez nous » ? L'esprit de la nationalisation, grande fierté d'un peuple, nous glisse entre les doigts, à nous, les Québécois. La démocratie même nous glisse entre les doigts. On est redevenus un peuple mené par les désirs d'une poignée de corporations qui partent avec nos richesses en nous disant que c'est pour notre bien.
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Roy Dupuis, narrateur et président de la Fondation Rivières : Prenons un grand respir et continuons à bâtir ce pays avec l'audace et la folie de notre ingéniosité. Mais à la façon XXIe siècle...
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