Dalila Kerchouche

journaliste française
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Dalila Kerchouche, née en 1973, est une journaliste et écrivaine française.

Citations

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Mon père, ce harki, 2003

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Depuis mon adolescence, j’occulte cette histoire, gênée par le passé trouble de mes parents. « Fille de harkis… » Le dire, le taire, je ne sais plus quelle attitude adopter. Honte, révolte, injustice, colère, larmes, désir de crier, de cogner… Je suis une fille de harkis, j’en pleure et j’enrage parce que je n’ai pas choisi de l’être. Je traîne une rancœur contre mon père, contre mon pays d’origine, contre celui dans lequel je vis… et contre moi-même, d’éprouver tout cela. C’est ma fêlure intime, mon chagrin secret. Un jour humiliée, un autre révoltée, sûrement paumée, je me suis tue trop longtemps.
  • Mon père, ce harki (2003), Dalila Kerchouche, éd. Seuil, coll. « Points », 2004  (ISBN 978-2-02-068539-9), chap. Un petit « h », comme « honte », p. 14


Les harkis n’ont jamais été traités comme des hommes. Mais comme des indigènes par les colons, des traîtres par les Algériens, des soldats fidèles dévoués corps et âme à leur patrie par la France, des marginaux par les sociologues, des dépressifs chroniques par les psychiatres... Jamais personne, au fond, n’a vu en eux des jeunes gens, des pères et des mères, avec leurs émotions, leurs peurs, leurs angoisses, leurs espoirs, leurs déceptions, leur résignation, leurs déchirements, leurs illusions et leur fatalisme...
  • Mon père, ce harki (2003), Dalila Kerchouche, éd. Seuil, coll. « Points », 2004  (ISBN 978-2-02-068539-9), chap. Un petit « h », comme « honte », p. 17


« Li fat met », me dit souvent mon père : le passé est mort. Ils veulent tous oublier. Sauf moi. Je suis la plus jeune, et pourtant la seule à y penser. Accoudée à la rambarde du balcon comme au bastingage d'un navire, j'observe, un peu absente, toutes ces scènes empreintes d'un bonheur inopiné. Dans ma tête, je vois la mer. Elle devait être d'un bleu éclatant, le 30 juin 1962, quand mon père, ma mère et leurs cinq enfants, éblouis par le cagnard de Marseille et hébétés d'avoir la vie sauve, sont sortis des cales d'un cargo de marchandises. Ils arrivent d'Alger. Ils fuient la guerre. Ils sont harkis.
  • Mon père, ce harki, Dalila Kerchouche, éd. Seuil, coll. « Points », 2022  (ISBN 978-2-7578-9764-5), partie 1. France. La traversée des camps, chap. Midi. Triste anniversaire, p. 22-23


Tant de séjours insouciants à Marseille et jamais je n'ai pensé une seule seconde que mes parents avaient débarqué ici, qu'ils avaient posé le pied pour la première fois en France sur ces trottoirs que je foule maintenant. Brusquement, je vois Marseille autrement. A quarante ans d'intervalle, cette ville sert de décor à deux changements de vie. Ici, mes parents se sont coupés de l'Algérie avec la promesse d'une existence nouvelle en France. Ici, je dis adieu à la jeune femme insouciante que j'étais avec la promesse d'une identité neuve à redessiner.
  • Mon père, ce harki, Dalila Kerchouche, éd. Seuil, coll. « Points », 2022  (ISBN 978-2-7578-9764-5), partie 1. France. La traversée des camps, chap. Marseille. La galette oubliée, p. 34


Destins de harkis, 2003

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Leurs époux en poste à la caserne, les femmes se retrouvent seules, sans ressources. Elles cultivent les champs, s'occupent des enfants, nourrissent les bêtes, travaillant jour et nuit. La guerre ne les épargne pas. À la merci des fellagas, des soldats français et des harkis eux-mêmes, combien d'entre elles furent violées ? Personne ne le sait, elles n'ont jamais rien dit. Et pourtant, tout au long de notre enquête, elles n'ont cessé de murmurer à voix basse : « Les hommes, fellagas, harkis ou légionnaires, entraient dans les mechtas, cassaient notre vaisselle et violaient les jeunes filles. »
  • « Femmes de harkis », dans Destins de harkis : aux racines d'un exil, Dalila Kerchouche, éd. Autrement, 2003  (ISBN 2-7467-0364-5), p. 85-86 (lire en ligne)


Outre les harkis, désarmés par l'armée française puis sauvagement torturés et massacrés, nombre de femmes et d'enfants ont souvent subi le même sort. Leur tort : faire partie du mauvais camp, celui des vaincus.
  • « Femmes de harkis », dans Destins de harkis : aux racines d'un exil, Dalila Kerchouche, éd. Autrement, 2003  (ISBN 2-7467-0364-5), p. 86-87 (lire en ligne)


Certaines familles, horrifiées de vivre dans des camps grillagés, tentent de s'enfuir. Elles sont vite rattrapées et ramenées manu militari au hameau. Les harkis et leurs femmes sont bel et bien prisonniers. Dans ces conditions hostiles, les chefs de camps écrasent les harkis, qui à leur tour oppriment les femmes, qui de leur côté emprisonnent les jeunes filles. La violence conjugale et les mariages forcés sont légion. Coupés de leurs racines et du reste de la société, les harkis s'accrochent à leurs traditions et se figent dans le passé. Enfermées, les femmes n'apprennent pas le français ; même aujourd'hui, quarante ans après leur rapatriement, la majorité ne le parle toujours pas.
  • « Femmes de harkis », dans Destins de harkis : aux racines d'un exil, Dalila Kerchouche, éd. Autrement, 2003  (ISBN 2-7467-0364-5), p. 89 (lire en ligne)


Quarante ans après, les femmes portent toujours leur foulard sur les cheveux, malgré les chefs de camps qui le leur arrachaient de force. Le visage tatoué, elles vivent toujours au rythme traditionnel du bled, s'accrochent aux traditions (henné, fêtes musulmanes, baptêmes...), quand tant de femmes immigrées se sont émancipées. Elles n'ont pas changé, ou si peu. Comme si, pour elles, le temps s'était figé à l'année 1962.
  • « Femmes de harkis », dans Destins de harkis : aux racines d'un exil, Dalila Kerchouche, éd. Autrement, 2003  (ISBN 2-7467-0364-5), p. 91 (lire en ligne)


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