Demoiselles du téléphone
L'expression « demoiselle du téléphone » désigne familièrement la catégorie de personnel (composé uniquement de jeunes filles) chargée dans les centraux téléphoniques de prendre les demandes d'appel des abonnés.
Nous n’avons, pour que ce miracle s’accomplisse, qu’à approcher nos lèvres de la planchette magique, et à appeler — quelquefois un peu trop longtemps, je le veux bien — les Vierges Vigilantes dont nous entendons chaque jour la voix sans jamais connaître le visage, et qui sont nos Anges gardiens dans les ténèbres vertigineuses dont elles surveillent jalousement les portes ; les Toutes Puissantes par qui les absents surgissent à notre côté, sans qu’il soit permis de les apercevoir ; les Danaïdes de l’invisible qui sans cesse vident, remplissent, se transmettent les urnes des sons ; les ironiques Furies qui, au moment que nous murmurions une confidence à une amie, avec l’espoir que personne ne nous entendait, nous crient cruellement : « J'écoute » ; les servantes toujours irritées du mystère, les ombrageuses prêtresses de l’Invisible, les Demoiselles du téléphone.
- À la recherche du temps perdu (1920), Marcel Proust, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, t. II, partie Le Côté de Guermantes, p. 432 (texte intégral sur Wikisource)