Jacques Bainville

journaliste, historien et académicien français

Jacques Bainville (9 février 1879, Vincennes - 9 février 1936, Paris) est un journaliste et historien français. Il est une figure majeure de l'Action française, mouvement politique nationaliste et royaliste d'extrême droite.

Jacques Bainville

Citations

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Histoire de France

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On a voulu expliquer Bonaparte par ses origines corses et italiennes. Mais d'éducation toute française, c'était avant tout un homme du dix-huitième siècle. Il en avait les idées, les tours littéraires, celui de la déclaration et de Rousseau, celui de la maxime et de Chamfort. Dans ses monologues de Sainte-Hélène, que retrouve-t-on toujours ? L'homme qui avait eu vingt ans en 1789. Formé sous l'ancien régime, il a reconnu lui-même ce qu'il devait à ceux qui l'avaient instruit.


[…] la fusion des races a commencé dès les âges préhistoriques. Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation.


Supposons chez les descendants de Hugues des morts imprévues et prématurées, qui auraient remis la couronne au hasard de l’élection, supposons de trop longs règnes achevés dans la faiblesse sénile, le roi vieillard perdant le contact avec ses contemporains et sa longévité troublant l’ordre régulier des générations : la maison capétienne disparaissait. En tout cas elle n’eût pas déployé ses qualités. À tous les égards, son succès tient à ce qu’elle a été d’accord avec les lois de la nature.


L’écroulement de la monarchie carolingienne avait produit les effets d’une révolution. Presque tout le capital de la civilisation s’y était englouti. Les famines, les épidémies se prolongèrent jusqu’au siècle suivant. […] La vie ne fut interrompue nulle part. Mais les hommes avaient beaucoup souffert. Il en resta un grand mouvement mystique, tout un renouveau de l’esprit religieux. […] Bientôt ce renouveau de la vie spirituelle donnera naissance aux Croisades, dérivatif puissant, par lequel l’Occident, depuis trop longtemps replié sur lui-même, enfermé dans les horizons bornés de sa misère matérielle et politique, préparera sa renaissance en reprenant contact avec le monde méditerranéen et l’Orient, avec les vestiges de l’antiquité et d’une civilisation qui ne s’oubliait pas.


Un très petit nombre d’hommes suffisait à ces campagnes où la prise d’un château décidait d’une province. Ne se battaient, d’ailleurs, que des chevaliers, militaires par le statut féodal et par état. Quand des levées de milices avaient lieu, elles étaient partielles, locales et pour un temps très court. Rien qui ressemblât, même de loin, à notre conscription et à notre mobilisation. Les hommes de ce temps eussent été bien surpris de savoir que ceux du vingtième siècle se croiraient libres et que, par millions, ils seraient contraints de faire la guerre pendant cinq années.


Le siècle de Saladin et de Lusignan, celui qui a vu Baudouin empereur de Constantinople, a paru plat aux contemporains. Ils se sont réfugiés, pour rêver, auprès de Lancelot du Lac et des chevaliers de la Table Ronde. Il faudra quatre cents ans pour qu’à son tour, fuyant son siècle, celui de la Renaissance, le Tasse découvre la poésie des croisades.


La société du Moyen Âge, qui allait s’épanouir avec saint Louis, est déjà formée sous Philippe Auguste. […] Déjà cet allié de l’Église n’aime pas plus la théocratie que la féodalité. S’il trouve fort bon que le pape fasse et défasse des empereurs en Allemagne, il ne souffre pas d’atteintes à l’indépendance de sa couronne. À l’intérieur, il se défend contre ce que nous appellerions les empiétements du clergé. Il y a déjà chez le grand-père de saint Louis quelque chose qui annonce Philippe le Bel.


Le règne de saint Louis succède à ce qu’on pourrait appeler, en forçant un peu les mots, le rationalisme du temps de Philippe Auguste. […] Il est en harmonie avec son temps, celui de saint Thomas d’Aquin, marqué par un renouveau de foi chrétienne. Toutes proportions gardées, c’est ainsi qu’après les encyclopédistes, le début du dix-neuvième siècle verra le Génie du christianisme et une renaissance religieuse.


On a remarqué que la plupart des autres maisons royales ou impériales de l’Europe avaient pour emblèmes des aigles, des lions, des léopards, toutes sortes d’animaux carnassiers. La maison de France avait choisi trois modestes fleurs. Saint Louis a été la pureté des lys.


[…] l’anarchie des Pastoureaux : c’était encore un de ces mouvements révolutionnaires compliqués de mysticisme qui revenaient périodiquement.


Son vœu, sa croisade, son échec, avaient encore épuré son âme. Il fut alors lui-même et mit la justice et la moralité à la base de son gouvernement.
  • À propos de saint Louis, après son retour des croisades


À peine arrivé à l’endroit où avait été Carthage, le saint roi, comme l’appelait déjà la renommée, mourut de la peste en répétant le nom de Jérusalem, que personne n’entreprendrait plus de délivrer après lui.


À beaucoup d’égards, il y a une curieuse ressemblance entre le règne de Philippe le Bel et celui de Louis XIV. Tous deux ont été en conflit avec Rome. Philippe IV a détruit les puissances d’argent, celle des Templiers surtout, comme Louis XIV abattra Fouquet. Philippe le Bel enfin, a été attiré par la Flandre comme le sera Louis XIV, et cette province, d’une acquisition si difficile, l’engagera aussi dans de grandes complications. Il y a comme un rythme régulier dans l’histoire de notre pays, où les mêmes situations se reproduisent à plusieurs centaines d’années de distance.


Charles VIII, devenu majeur, était à la tête d’un État pacifié, prospère, et de la plus belle armée d’Europe. La France le poussait à agir. Elle s’était ennuyée sous Louis XI. Comme il lui est arrivé maintes fois, elle était lasse d’une vie prosaïque. Une autre génération était venue. Les maux de la guerre étaient oubliés. On aspirait au mouvement, à la gloire.


Sans doute, quand la France ne court pas de grand péril extérieur, quand il n’y a pas au dedans de factions qui la déchirent, elle se gouverne aisément. Elle a tout ce qu’il faut pour être heureuse.


[…] la vie des peuples a comme des lois fixes. Pour l’Europe, c’est de ne pas supporter une grande domination : cela s’est vu depuis la chute de l’Empire carolingien. Pour l’Allemagne, c’est d’envahir ses voisins dès qu’elle est forte : cela s’est vu toujours. Et pour la France, c’est d’avoir des frontières moins incertaines à l’Est, dans les territoires que le germanisme ne cesse de lui contester.


Il est curieux que l’histoire, au lieu d’enregistrer les résultats, se laisse impressionner, même à longue distance, par des hommes qui n’ont pris la plume, comme c’est presque toujours le cas des auteurs de mémoires, que pour se plaindre ou se vanter.


En somme, le gouvernement, par sa nouvelle politique favorable aux protestants, s’était mis dans une de ces situations fausses dont on ne sort plus que par la violence.
  • À propos de la Saint-Barthélemy


Le roi n’était plus le maître en France. La Ligue gouvernait à sa place, lui laissait à peine de quoi vivre dignement. […] D’un moment à l’autre, le duc de Guise pouvait s’emparer de lui, le forcer à abdiquer, l’enfermer dans un cloître comme un obscur Mérovingien.
  • À propos d’Henri III


La politique des agrandissements reprenait, la politique traditionnelle, patiente, mesurée, observant la loi de l’utile et du possible, celle que Richelieu définira : « Achever le pré carré. »
  • Sous le règne d’Henri IV


On reconstruisit, comme on reconstruit toujours, avec du bon sens, par le travail et l’épargne, avec des principes paysans et bourgeois.
  • Sous le règne d’Henri IV


Richelieu, appuyé sur le roi, avait exercé une véritable dictature que le peuple français avait supportée impatiemment, mais sans laquelle l’œuvre nationale eût été impossible.


Il est rare qu’on puisse fixer des moments où la politique a obtenu ce qu’elle cherchait, où elle l’a réalisé, dans la mesure où les choses humaines comportent des réalisations. Le traité de Westphalie est un de ces moments-là.


Versailles symbolise une civilisation qui a été pendant de longues années la civilisation européenne, notre avance sur les autres pays étant considérable et notre prestige politique aidant à répandre notre langue et nos arts. Les générations suivantes hériteront du capital matériel et moral qui a été amassé alors, la Révolution en héritera elle-même et trouvera encore, pour répandre ses idées, une Europe qu’un homme du dix-huitième siècle, un étranger, l’Italien Caraccioli, appelait « l’Europe française ».


Cosmopolite et humanitaire, le jacobinisme, moyennant quelques précautions oratoires, devenait guerrier : il suffisait de dire qu’on ne combattrait que la tyrannie.


Mais, à ces débuts de la deuxième République, un souci commençait à dominer les autres. Il ne suffisait pas d’avoir proclamé le droit de tous au suffrage. Il fallait consulter le suffrage universel, et, à mesure que l’heure approchait, c’était chez les révolutionnaires que les appréhensions étaient les plus vives. On commençait à se demander si toute la France était à l’image de Paris, si elle n’allait pas élire une majorité modérée, peut-être réactionnaire, paralyser la République, sinon la détruire. Alors ce furent les plus avancés qui réclamèrent l’ajournement des élections et la « dictature du progrès ».


[…] la doctrine républicaine enseignait alors que le régime parlementaire était d’essence conservatrice et monarchique, et que le pouvoir exécutif, pour ne pas dépendre d’une Assemblée toujours capable de restaurer la Monarchie, devait s’appuyer sur le suffrage universel : ce qui prouve que les théories politiques sont changeantes comme les circonstances qui les déterminent.
  • Sous la deuxième République


Victorieux par le ministère Waldeck-Rousseau, par la Haute-Cour qui jugea les nationalistes et les royalistes, tandis que le procès de Dreyfus était revisé, le parti républicain, qui avait été en 1871 celui du patriotisme ardent et même exalté, inclinait tout au moins à négliger la défense nationale, sous l’influence de son extrême-gauche internationaliste.


Ainsi le traité de paix n’avait rien terminé par sa propre vertu. Il exige encore de nous des efforts et notre compte avec l’Allemagne est loin d’être réglé. Les travaux continuent avec les jours et les jours des peuples sont longs.
  • À propos du traité de Versailles


Napoléon

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Dès son entrée en campagne, il se montre tel qu'il est, un esprit supérieur qui saisit d'un coup d’œil les situations et qui les domine. Il a le génie militaire et le don de la politique. L'Italie, il la comprend dans sa diversité qui lui présentera un nouveau problème à chacune de ses victoires. L'ennemi, il le déconcerte par un art de combattre aussi audacieux et nouveau que son art de négocier est subtil. Cette conquête de tout un pays avec une poignée d'homme est un chef-d'œuvre de l'intelligence. C'est pourquoi, comprenant à peine comment tout cela se faisait, les contemporains y ont vu quelque chose de « surnaturel ».

  • Napoléon (1931), Jacques Bainville, éd. Gallimard, 2005  (ISBN 2-07-071050-5), p. 84


C'était un serment. Ce sera celui du sacre. Napoléon le tiendra, même quand l'ennemi sera aux portes de Paris. L'histoire de l'Empire est celle de la lutte pour la conservation de la Belgique, et la France ne pouvait conserver la Belgique sans avoir subjugué l'Europe pour faire capituler l'Angleterre. Ici encore tout s'enchaîne. Mais, avec la rupture du traité d'Amiens, la grande illusion de la paix se dissipe. le « lion endormi » est tiré de son rêve. La poursuite de l'impossible recommence.

  • Napoléon (1931), Jacques Bainville, éd. Gallimard, 2005  (ISBN 2-07-071050-5), p. 227


Car ce qui a fait sa fortune politique, c'est la rencontre en sa personne de deux idées, la paix avec l'ordre pour les sentiments et les intérêts conservateurs, la grandeur nationale, les conquêtes pour la France révolutionnaire. Ces contraires, il s'épuisera à les concilier.

  • Napoléon (1931), Jacques Bainville, éd. Gallimard, 2005  (ISBN 2-07-071050-5), p. 276


Lectures

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Gobineau est à la source du racisme. Le ministre hitlérien de l'instruction publique a cité l'autre jour comme une Bible le livre d'un professeur d'anthropologie à la Faculté de Rennes, Vacher de Lapouge. Je me rappelle très bien que ce livre, L'Aryen, son rôle social, avait paru dans les environs de l'année 1900, et que Charles Maurras avait mis le très jeune lecteur que j'étais en garde contre ces rêveries de race pure.
  • Lectures (1929), Jacques Bainville, éd. Fayard, 1929, p. 220


Citations sur Jacques Bainville

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— Qu'est-ce que Bainville aimait le plus ?
— Le vrai.
— Après le vrai ?
— La langue française.
— Et qu'est-ce que Bainville mettait au-dessous de rien ?
— Le faux.
— Et immédiatement au niveau de rien ?
— La démocratie.


L'histoire de Jacques Bainville n'en est donc pas une. Il ne cherche pas à comprendre les événements, les sociétés, les hommes, mais à les faire rentrer, de force si possible, dans un récit au service de thèses bien précises.


Insister ainsi sur la grandeur de la monarchie et d'un pouvoir fort n'a rien de gratuit durant l'entre-deux-guerres. Bainville affichera des sympathies envers les régimes fascisants.


Un simple coup d'œil à la bibliographie du journaliste de l'Action française [Bainville] suffit pour voir qu'il a rédigé en 1923 l'avant-propos de la traduction française du livre de Pietro Gorgolini intitulé Le Fascisme dont l'édition italienne avait été préfacée par Mussolini lui-même. L'édition française à laquelle participe Bainville ne prête à aucune ambiguïté. Outre un portrait du Duce, le journaliste de l'Action française ne cache pas son admiration pour les Chemises noires.


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