James Salter

écrivain américain (1925-2015)

James Salter, né James Arnold Horowitz le 10 juin 1925 à Passaic dans le New Jersey et mort le 19 juin 2015 à Sag Harbor dans l'État de New York, est un écrivain américain.

James Salter


Pour la gloire (The hunters), 1957 modifier

– Oui bien sûr, il était un peu au dessus de la moyenne comme pilote, aussi.
– Oh sûrement. C’était un bon. L’important cependant c’est cette petite once de courage et de fierté qu’il avait en plus. C’est ça qui fait la différence.
– Je suppose.
– « J’en suis convaincu », affirma Imil. Il s’interrompit un moment puis : « Parfois ceux qui possèdent ça ne sont pas conscients de l’importance qu’ils ont, ils ne se rendent pas compte que tout dépend du fait d’avoir assez d’hommes de leur trempe, avec juste ce petit extra. Sérieusement , Cleve. »
– Oui Sir.

  • Pour la gloire, James Salter (trad. Philippe Garnier), éd. Édition de l'Olivier, 2015  (ISBN 978-2-87929-832-0), p. 153


C’était comme quitter un amour de longue date. Il y avait tellement plus qu’il ne pourrait jamais se le rappeler. Il observa le bout de terre de la taille d’une main qui avait défilé si lentement sous lui, toutes les autres fois. A présent il semblait la survoler à grande vitesse, comme à contre-courant du temps. Les rubans de route couleur ocre, les plateaux et les villages défilaient rapidement sous l’aile, hors de vue. Il était accablé de tristesse, d’une tristesse captive. C’était son adieu. Il se tortilla sur le siège pour regarder derrière lui, pour voir une dernière fois le fleuve dans le coin flou de son champs de vision, le silencieux et boueux Yalou. Il était déjà loin derrière et s’éloignait encore plus à chaque minute, un reflet languide parmi les collines et les plaines. Il n'en avait jamais entendu parler avant de venir, et une distance de plusieurs mille à la verticale l’en avait toujours au moins séparé, pourtant il avait le sentiment de le connaître aussi bien qu’une rue familière — ses bases de boue et son large estuaire, ses ponts, ses villes, ses rives nues, ses îlots, et la façon solitaire dont il apparaissait de l’intérieur des terres. Il lui paraissait incroyable de ne plus jamais le revoir.

  • Pour la gloire, James Salter (trad. Philippe Garnier), éd. Édition de l'Olivier, 2015  (ISBN 978-2-87929-832-0), p. 194


Vous viviez et mourriez seul, en particulier dans une unité de chasse. Pilotes de chasse. En dépit de tout, cependant, ce mot n’était pas devenu vide de sens. Vous vous glissiez dans le creux du cockpit, attachiez les sangles et vous branchiez dans la machine. La verrière se refermait et vous isolait du monde. Votre oxygène, votre propre souffle, vous les emportiez dans un vide glacial, dans une bouteille en acier. Si vous vouliez parler, vous utilisiez la radio. Vous étiez aussi isolé qu’un plongeur sous l’eau, sauf que vous vous éleviez dans le néant, au lieu d’y descendre. Vous étiez accompagné. Ils volaient avec vous en formations héraldiques et combattaient à vos côtés, parfois avec talent, toujours au moins deux appareils ensemble, mais en réalité, ils ne vous aidaient en rien. Vous étiez seul. Au bout du compte, il n’y avait personne que vous pouviez toucher. Vous pouviez appeler, comme ce type qu’il avait entendu crier, un jour, en s’écrasant, une imploration à faire pitié, « Oh Jésus », mais vous toucher, ça, ils ne le pouvaient pas.

  • Pour la gloire, James Salter (trad. Philippe Garnier), éd. Édition de l'Olivier, 2015  (ISBN 978-2-87929-832-0), p. 199


Et rien d'autre (All That Is), 2013 modifier

Toute la nuit, dans le noir, la mer avait défilé.

Sous le pont, dans leurs lits métalliques étagés les uns au-dessus des autres par rangées de six, des centaines d'hommes, silencieux, gisant pour la plupart sur le dos, n'avaient toujours pas trouvé le sommeil alors que le jour allait poindre. Les lampes étaient en veilleuse, les moteurs vrombissaient inlassablement, les ventilateurs brassaient l'air humide : quinze cents soldats, chacun avec des armes et un paquetage assez lourds pour le faire couler à pic, comme une enclume jetée dans l'océan, rien qu'une fraction de l'immense armée en route vers Okinawa, la grande île située à la pointe sud du japon.

  • Incipit
  • Et rien d'autre, James Salter (trad. Marc Amfreville), éd. Éditions de l'Olivier, 2014  (ISBN 978-2-8236-0290-6), p. 9


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