Jean-Louis Pedinielli

Pedinielli, Jean-Louis (1949-....)

Jean-Louis Pedinielli est professeur de psychopathologie et de psychologie clinique à l'Université d'Aix-Marseille et psychologue clinicien. Ses recherches portent sur les addictions, la psychosomatique et sur les émotions.

Les Perversions sexuelles et narcissiques, 2005 modifier

Introduction modifier

Classiquement, la perversion sexuelle est [...] une conduite sexuellle déviante dans laquelle le partenaire n'est pas considéré comme une personne mais simplement comme un objet nécessaire à la satisfaction sexuelle, et vis-à-vis duquel une vive hostilité est ressentie comme dans le sadisme, le masochisme, le voyeurisme, le fétichisme...
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), Introduction, p. 7


Pour le psychopathologue, le terme « perversion » recouvre à la fois un type d'acte, une conduite sexuelle (perversion sexuelle), un caractère pathologique, un mode de relation à l'autre teinté de manipulation. Par extension, le terme « perversion » peut concerner aussi des sujets qui n'ont pas de comportements sexuels inhabituels, mais un mode de jouissance reposant sur la souffrance, l'humiliation, l'instrumentation de l'autre : registre de la perversion « morale » ou « narcissique » qui procéderait d'un noyau commun à toutes les perversions. Ce sont alors la domination et la disqualification du moi d'autrui qui sont cherchées.


Histoire des perversions modifier

Les mœurs romaines étaient [...] strictes : certaines relations étaient admises mais la fellation et la passivité anale étaient infâmes. A Rome, l'homophilie d'un citoyen libre avec son esclave ou son « mignon » n'était pas condamnée, mais la relation passive d'un homme libre avec un subalterne ou un esclave était réprouvée [...]. Cette étrange géographie des plaisirs et des infamies relève d'une société machiste où la femme, l'esclave, le mignon sont au service de l'homme viril actif ayant la haine de la mollesse et de la défaite militaire, mais les conduites réprouvées ne sont pas des maladies.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie I. Histoire des perversions, chap. 1. Avant la psychiatrie, p. 14


A côté de l'avènement des Lumières et de la Raison, le XVIIe siècle français est marqué par une tentative d'exclusion de ce qui ne correspond pas à la raison et la morale sociale. Cette politique du Grand Renfermement vise tous les indésirables : mendiants, vagabonds, voleurs, fous, simples d'esprits, débauchés et filles de joie sont réunis dans des lieux de détention (Hôpitaux Généraux) où la question du médical et du soin est secondaire. Petit à petit la médecine s'introduit dans ces prisons où le péché, la folie, la misère et la dangerosité des pauvres sont imaginairement et matériellement associés. Il y a bien une différence entre ces catégories (folie et débauche ne sont pas synonymes), mais elles sont associées dans des représentations négatives. La folie, comme Foucault l'a relevé, est pensée comme synonyme de Déraison, menace intérieure à la Raison, et provenant de l'animalité perverse.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie I. Histoire des perversions, chap. 1. Avant la psychiatrie, p. 14


La conception de la névrose comme négatif de la perversion est liée à l'hypothèse de composantes excessives subissant le refoulement, détournées de leur but, et dirigées « sur d'autres voies jusqu'au moment où elles s'extériorisent sous la forme de symptômes morbides » dans la névrose. Sa formule ne signifie pourtant pas que la perversion soit le positif de la névrose : le névrosé refoule ce que le pervers met en acte. Elle révélerait donc une sexualité « déculturée » puisque non marquée par le refoulement, non « névrotisée » par l'éducation et la culture. L'acte pervers est ainsi un « acte partiel » par où l'objet est rabaissé au rang « d'objet partiel » sur lequel s'exerce une « pulsion d'emprise », non sexuelle, archaïque, proche du besoin d'étayage et qui ne s'unit que secondairement à la sexualité.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie I. Histoire des perversions, chap. 4. La rupture freudienne, 4.1 Le point de vue psychogénétique, p. 14


Caractéristiques des perversions modifier

La perversion sexuelle est un comportement sexuel 1) inhabituel (insolite, bizarre, en fait, rompant avec les pratiques sexuelles admises), 2) partiel (ne vise qu'une jouissance limitée), 3) exclusif (le sujet ne peut obtenir de plaisir autrement), 4) réduisant le (la) partenaire à un objet (instrumentalisation).
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 1. Critères cliniques psychiatriques des pervers, 1.1 Critères psychiatriques usuels, p. 31


La personnalité ou le caractère pervers ne constitue pas une catégorie nosologique clairement reconnue et définie. Sur le plan clinique, les psychiatres ont décrit, classiquement, des traits de caractère chez les pervers, traits proches de ceux retrouvés chez les psychopathes : impulsivité, cruauté, inaffectivité, amoralité, asociabilité, inéluctabilité. Ces traits ne constituent ni un critère scientifique ni une caractéristique commune. Si, au niveau médicolégal, certains pervers peuvent ressembler aux psychopathes, ils s'en différencient par le fait qu'ils évitent de faire parler d'eux, qu'ils contournent et détournent la loi avec plus de ruse et de sang-froid.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 1. Critères cliniques psychiatriques des pervers, 1.1 Critères psychiatriques usuels, p. 31


La perversion correspond à une mise en actes dans laquelle : a) une composante partielle du plaisir préliminaire devient le moteur de l'orgasme et non pas ce qui permet l'augmentation de l'excitation, b) un acte est séparé de son enchaînement et prend la place du tout (le fait de voir le partenaire par exemple). L'acte pervers se caractérise donc par son aspect partiel (par rapport à l'acte sexuel dit normal), aspect que l'on retrouve à propos de l'objet et de la pulsion.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.1 Les conceptions freudienne, p. 39


La perversion est en relation avec une fixation exclusive à un mode de satisfaction sexuelle infantile que le sujet devrait dépasser. Tout se passe comme si le pervers ne pouvait atteindre un stade de développement sexuel dans lequel les pulsions sont unifiées et visent un objet sexuel total, c'est-à-dire l'Œdipe dont les effets normativants n'existent pas chez lui. Mais dans certains textes (Pour introduire le narcissisme), Freud évoque la notion de « choix d'objet narcissique » (sur le modèle de soi-même) à propos du pervers.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.1 Les conceptions freudienne, p. 39


Le processus pervers est en relation avec le fantasme de castration. Dans toutes les perversions, il y a déni de l'absence de pénis de la mère, c'est-à-dire de la différence des sexes et, donc, du fantasme de castration. Ce déni entraîne un clivage, séparation du moi entre deux attitudes opposées, l'une admet la réalité de la différence des sexes, l'autre l'ignore.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.1 Les conceptions freudienne, p. 40


Comme le remarquent Hurni et Stoll, le profil de la personnalité perverse est assez redoutable. Dénué de valeurs autres que celles se rattachant à son propre intérêt, le pervers se présente comme un véritable rapace dans la relation. Il peut se nourrir d'un malheur qu'il parvient à instiller aux autres ; soit en eux, dans leur psychisme, soit dans de nombreux conflits qu'il parvient à tisser entre différents partenaires. Pour combler son vide intérieur, il agit en authentique « vampire » de la libido sexuelle ou narcissique des autres, en semant la confusion, par la séduction et l'emprise qu'il mettra dans chaque relation.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.2 Les conceptions post-freudiennes a) Différences entre personnalités névrotiques et narcissiques, p. 48


Même si Lacan n'a pas consacré de séminaire ou de texte à la « structure perverse », son œuvre a représenté une des sources de cette formule. Par « structure perverse », il faut concevoir un type de discours totalement distinct de celui de la névrose (hystérie ou obsessionnelle) et celui de la psychose (délirante principalement). Cette structure est intelligible à partir de l'Œdipe, pivot de la conception lacanienne du Sujet. La structure perverse est caractérisée par l'affirmation et la démonstration (cf. notamment les textes de Sade) par le sujet, que seule la loi impérative de son désir propre importe et qu'elle prime sur la loi du désir de l'autre.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot]]/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.2 Les conceptions post-freudiennes b) Structure perverse ?, p. 49


La structure perverse a pour particularité une reconnaissance de la loi et de la castration, mais sur le mode original du déni de la réalité du sexe de l'autre ou de son narcissisme (la loi existe puisque le pervers la transgresse et jouit de cette transgression). Cette position de contestation relève d'un clivage du moi qui permet la coexistence de deux représentations psychiques contradictoires qui fonctionnent sans s'influencer mutuellement : l'absence et la présence du phallus chez la femme.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.2 Les conceptions post-freudiennes b) Structure perverse ?, p. 49


Pour Lacan, le pervers oppose à la castration une face qui reconnaît le manque structurel de l'objet du désir, mais aussi, et simultanément, une face, relevant de l'imaginaire, qui affirme l'existence de cet objet que le sujet ne peut que vouloir. C'est l'importance accordée par le pervers au fantasme et à l'imaginaire en général, au détriment du symbolique, qui constitue la source de l'acte pervers et de la quête de jouissance, position psychique qui tient à l'échec de la structuration œdipienne. En effet, l'accès à l'Œdipe fait que le sujet renonce à l'objet primordial, renoncement qui inaugure la possibilité du désir supposant l'existence du désir de l'autre. La perversion, avatar de l'angoisse de la castration, réalise par le déni de la castration maternelle un fragile équilibre entre une reconnaissance de la différence des sexes et une jouissance, dans le défi et la transgression, qui s'affranchit du désir de la mère pour le père.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 2. Critères psychopathologiques, 2.2 Les conceptions post-freudiennes b) Structure perverse ?, p. 49


Sur le plan clinique, le pervers se signale par son absence de conflictualisation apparente, de culpabilité, la faiblesse de l'élaboration psychique (capacité de mettre en mots), la difficulté d'utiliser la parole comme voie de décharge de l'excitation, l'importance de la décharge des pulsions, la mise en acte, le fonctionnement par clivage, le fait que les scénarios de mise en acte sont infiltrés d'éléments de scènes primitives violentes et sadiques où la mère est ressentie comme ayant un rôle actif.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 3. Invariants psychopathologiques, p. 50


Le Surmoi du pervers n'a pu être formé, laissant fonctionner le sujet avec, essentiellement, un Idéal du moi narcissique, maternel. Faute d'avoir pu réparer son narcissisme très tôt blessé, d'avoir élaboré des processus secondaires suffisamment efficaces, d'avoir rencontré la confiance d'un objet total, le pervers ne peut résister à ses impulsions (y compris sexuelles) et prend du plaisir dans l'usage d'objets partiels et de zones érogènes électives.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 3. Invariants psychopathologiques, 3.1 L'Œdipe et la castration a) Evitement de l'angoisse de castration, p. 51


L'échec de l'élaboration de l'angoisse de castration relève d'une incapacité à élaborer la position dépressive et celle de la découverte de l'altérité, ce qui conduit le pervers à la quête d'un objet extérieur qui remplace le « manque », synonyme de vide, qui habite son monde interne et qu'il hait.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 3. Invariants psychopathologiques, 3.1 L'Œdipe et la castration b) Problématiques pré-œdipiennes du pervers, p. 52


Pour R.J Stoller (1975), la perversion est une forme érotique de la haine. Elle est liée à un trouble de l'identité sexuelle (du développement de la masculinité) issu de trois formes d'hostilité : la colère de devoir abandonner le bien-être primordial (dyade mère-enfant, prime enfance), la peur de ne pas arriver à échapper à l'emprise maternelle, et le besoin de vengeance vis-à-vis de la mère qui a provoqué cette situation. Pour lui la première identification de l'homme est féminine, l'identification masculine se faisant dans un second temps ; l'homme abandonne la position protoféminine au moment de la séparation-individuation. Aussi, la perversion est-elle un des aléas de cette phase, l'enjeu étant la projection de la haine. Il établit la perversion comme meurtre de la mère perçue comme une menace à l'identité sexuelle de l'homme. L'acte place alors le pervers dans une position triomphale de vainqueur, « triomphe illusoire à répéter à l'infini », qui explique la compulsion de répétition.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 3. Invariants psychopathologiques, 3.1 L'Œdipe et la castration b) Problématiques pré-œdipiennes du pervers, p. 51


« L'appareil d'emprise », décrit par Freud (1905), est un moyen de domination dont l'activité est intermédiaire entre le sexuel et le non-sexuel. L'emprise serait donc indépendante de la sexualité et, dans l'ordre de l'ontogenèse, antérieure à la libido sexuelle (Trois essais), ce qui ferait d'elle un moyen de défense du narcisisme via les pulsions d'autoconservation.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 3. Invariants psychopathologiques, 3.2 Acte partiel et pulsion d'emprise, p. 53


Le pervers – sexuel ou narcissique – ravale au rang d'objet partiel celui qui ne rejette pas son emprise et réduit l'autre à un instrument privé de désir propre.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie II. Caractéristiques des perversions, chap. 3. Invariants psychopathologiques, 3.3 L'autre instrumentalisé, p. 54


Perversions narcissiques modifier

Si les perversions sexuelles visent à « détourner », à des fins de jouissance, les pratiques sexuelles, les perversions narcissiques opèrent, dans une société à dominante narcissique (Lipovetski, Ehrenberg), des détournements visant l'identité et la personnalité de l'autre.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, p. 101


On désigne par [le terme de perversion transitoire] des pratiques perverses qui apparaissent pendant des périodes comme l'adolescence, lors de réorganisations ou de moments pathologiques : après des phases délirantes ou dissociatives, des moments d'errances et de passages, voire d'une thérapie... A l'adolescence, par exemple, la pulsion sexuelle, qui s'accompagne d'une quête objectale, représente un réel enjeu anti-narcissique : après la puberté, l'érotisme passe en effet de l'auto-érotisme à l'amour d'objet (sexuel), ce qui oblige l'adolescent à certaines « négociations » avec son narcissisme. De ce fait, la « perversion transitoire » peut représenter une régression à partir de points de fixation permettant de retrouver une omnipotence (déni de castration) (Ladame, 1992). [...] dans une autre logique, il est envisageable que la relation amoureuse puisse momentanément engager un fonctionnement pervers défensif contre le risque d'aliénation produit par le désir et l'investissement affectif de l'autre.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, 1.1 Perversion « transitoire », p. 101


Les termes « perversion » et « perversité » portent à confusion. Si la perversion renvoie, en clinique, à des conduites agies, la perversité a trait à un contenu moral, comme la cruauté d'un sujet, son plaisir à faire, consciemment, du mal à autrui. Ainsi la perversité est associée à la perfidie, à la malignité, autant d'attitudes qui impliquent une dimension de profit narcissique et évoquent tant la perversion sexuelle que la perversion narcissique.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, 1.2 Perversion/perversité ; séduction sexuelle/narcissique, p. 102


Bergeret distingue les « perversion de caractère » (correspondant aux pervers atteints de perversité) des perversions sexuelles. Pour lui, « l'aménagement caractériel » provient de l'intensité des formations réactionnelles (précoces) face à des angoisses dépressives devant la perte d'objet (perte d'étayage). Ce mode de défense, coûteux en énergie, permet une bonne adaptation au réel. Dans ce cadre, la « perversion de caractère » relève de personnalités ayant un besoin de restauration phallique et de reconnaissance narcissique au point de se manifester comme des « petits paranoïaques » (se sentant toujours agressés pour se faire respecter, ou admirer). On ne trouve pas chez eux de culpabilité ni de souffrance mais une volonté de « tourner » les choses à leur avantage sans jamais se mettre en cause. Comme le pervers sexuel, le pervers de caractère utilise le déni, mais un déni très focalisé et partiel de la réalité : non de la réalité sexuelle de la femme, mais de la réalité « identitaire » et narcissique de l'autre perçu comme une entrave à son propre narcissisme.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, 1.3 Perversion de caractère, p. 104


« Dérive » manipulatoire de la séduction narcissique, la perversion narcissique appartient à un registre plus public (familial, social) que la perversion sexuelle, d'ordre plus privé. Les manœuvres semant la confusion dans l'esprit de l'autre relèvent d'un registre de disqualification des sensations, des émotions ou des pensées de l'autre, victime de la séduction perverse qui « l'enferme » dans la toute-puissance du pervers. Chez la victime, cette disqualification des émotions et de la pensée crée une « dé-fantasmatisation », une « désymbolisation » et détruit les différences entre les registres psychiques, créant une confusion sur laquelle « joue » le pervers narcissique.
Ces disqualifications apparaissent volontiers dans le champ de la communication, de l'omission de qualification (une mère se plaint que son enfant ne fait pas de sport, s'il en fait, elle dit alors qu'il ferait mieux de faire de la musique), de la surestimation narcissique mensongère de l'objet (flatterie) qui a pour but de contrôler celui-ci... Un autre procédé est l' induction (Eiguer, 1996) : la victime se laisse abuser, parce qu'elle peut se trouver dans une situation de faiblesse, de fragilité. Le pervers le perçoit et va alors faire éprouver à la victime des sentiments inhabituels pour elle mais qui appartiennent au sujet pervers. Utilisant l'identification projective, il délègue et dépose dans l'autre des affects et des idées dont il souhaite se débarrasser. Pousser la victime parfois jusqu'à la faute pour ensuite la critiquer et la mettre à sa merci, tel est le but pervers du « détournement » de toute relation.

  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, 1.4 Perversion narcissique a) Pathologie de l'agir de parole, p. 105


L'attraction de l'objet (l'autre) étant vécue comme dangereuse, le pervers narcissique en fait un « objet non-objet », chosifié, sur qui les souffrances et douleurs internes, déniées, sont largement projetées. Pour lui, toujours en quête de reconnaissance, l'autre n'existe en effet que comme miroir, reflet de lui-même.
  • Les Perversions sexuelles et narcissiques, Gérard Pirlot/Jean-Louis Pedinielli, éd. Armand Colin, coll. « 128 Psychologie », 2005  (ISBN 2-200-34042-7), partie IV. Perversions narcissiques, chap. 1. Pourquoi l'extension du terme ?, 1.4 Perversion narcissique b) Pathologie du narcissisme, p. 105