Jean de Rotrou
Jean de Rotrou, né à Dreux, est un dramaturge et poète français, né le 21 août 1609 à Dreux et mort de la peste le 28 juin 1650, également à Dreux. Il est le frère de Pierre de Rotrou (1615-1702). Il a composé une quarantaine de pièces, comédies, tragédies et tragi-comédies, sur des sujets historiques, mythologiques ou religieux. On le rattache à l'esthétique baroque.
Antigone, 1639
modifierAntigone (à Polynice venu assiéger Thèbes) : Vous vous plaignez, armez et frappez à la fois :
Est-ce de la façon qu'on demande ses droits ?
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte II, scène 2, p. 280, vers 357-359 (texte intégral sur Wikisource)
Ætéocle : Thèbes sur qui jamais nul ne régna sans crime,
Le sort va te donner un Prince légitime.
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte II, scène 3, p. 284, vers 439-440 (texte intégral sur Wikisource)
Jocaste (à ses fils qui s'apprêtent à s'entretuer) : Adieu, non plus mes fils, mais odieuses pestes,
Et détestables fruits de meurtres et d'incestes :
Vous ne mourrez pas seuls et je suivrai vos pas
Pour vous persécuter, même après le trépas.
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte II, scène 4, p. 296, vers 641-644 (texte intégral sur Wikisource)
Hémon (rapportant les dernières paroles de Polynice) : Quoi, ta rage, dit-il, n'est donc pas assouvie,
Et tes déloyautés ont survécu ta vie ?
Ta perfidie arrête où ton âme n'est pas :
Attends-moi, traître, attends, je vais suivre tes pas ;
Et plus ton ennemi que je ne fus en terre,
Te porter chez les morts une immortelle guerre ;
Là nos âmes feront ce qu'ici font nos corps,
Nous nous battons vivants, et nous nous battrons morts.
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte III, scène 2, p. 303, vers 759-766 (texte intégral sur Wikisource)
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte III, scène 5, p. 308, vers 835 (texte intégral sur Wikisource)
- Antigone se justifie d'avoir enterré son frère Polynice en dépit de Créon qui l'avait interdit sous peine de mort.
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte IV, scène 3, p. 330, vers 1181 (texte intégral sur Wikisource)
Créon : Qui m'a désobéi mérite le trépas.
Hémon : Le peuple, toutefois, ne le confesse pas.
Créon : Lui-même est criminel, s'il censure son Prince.
Hémon : Faites donc le procès à toute la Province !
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte IV, scène 6, p. 344, vers 1411-1414 (texte intégral sur Wikisource)
Hémon : Allons, unis d'esprit sans commerce de corps,
Achever notre hymen en l'empire des morts !
- Théâtre choisi (1639), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Antigone, acte V, scène 9, p. 366, vers 1782-1783 (texte intégral sur Wikisource)
Venceslas, 1648
modifier- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte I, scène 1, p. 78, vers 20 (texte intégral sur Wikisource)
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte I, scène 1, p. 81, vers 112 (texte intégral sur Wikisource)
Le Prince Ladislas : Ne sais-je pas qu'un Roi qui veut qu'on le révère
Doit mêler à propos l'affable et le sévère ?
Et selon l'exigence, et des temps, et des lieux,
Savoir faire parler, et son front, et ses yeux !
Mettre bien la franchise et la feinte en usage,
Porter tantôt un masque et tantôt un visage,
Quelque avis qu'on lui donne, être toujours pareil
Et se croire, souvent, plus que tout son conseil ?
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte I, scène 1, p. 84, vers 175-182 (texte intégral sur Wikisource)
Le Roi Venceslas : Changez ces différends en des vœux mutuels ;
Et quand je suis en paix avec toute la Terre,
Dans ma maison, mes fils, ne mettez point la guerre.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte I, scène 3, p. 90, vers 298-300 (texte intégral sur Wikisource)
Le Prince Ladislas (à Cassandre) : Car enfin, si l'on pèche, adorant vos appas,
Et si l'on ne vous plaît qu'en ne vous aimant pas,
Cette offense est un mal que je veux toujours faire,
Et je consens plutôt à mourir qu'à vous plaire.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte II, scène 2, p. 101, vers 510-512 (texte intégral sur Wikisource)
Cassandre (au Prince Ladislas) : Je pris en telle horreur vous et votre service,
Que si je vous offense en ne vous aimant pas,
Cette offense est un mal que je veux toujours faire,
Et je consens plutôt à mourir qu'à vous plaire.
- Fin de la réponse de Cassandre au Prince, dont elle reprend et retourne les derniers mots.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte II, scène 2, p. 102, vers 5129-532 (texte intégral sur Wikisource)
Alexandre (à l'Infante Théodore) : D'où vous vient ce chagrin ? et quel mal vous l'excite
L'Infante Théodore : Un léger mal de cœur qui ne durera pas.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte II, scène 6, p. 111-112, vers 732-733 (texte intégral sur Wikisource)
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte III, scène 1, p. 114, vers 783 (texte intégral sur Wikisource)
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte III, scène 2, p. 116, vers 815 (texte intégral sur Wikisource)
Cassandre : D'assassin de son frère, il peut être le vôtre ;
Un crime pourrait bien être un essai de l'autre.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte IV, scène 6, p. 147, vers 1399-1400 (texte intégral sur Wikisource)
Le Roi Venceslas : O Ciel, ta providence, apparemment prospère,
Au gré de mes soupirs, de deux fils m'a fait père ;
Et l'un d'eux, qui par l'autre aujourd'hui m'est ôté
M'oblige à perdre encor celui qui m'est resté !
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte IV, scène 6, p. 151, vers 1487-1490 (texte intégral sur Wikisource)
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte V, scène 2, p. 155, vers 1534 (texte intégral sur Wikisource)
Le Prince Ladislas : S'il est temps de partir, mon âme est toute prête.
Le Roi Venceslas : L'échafaud l'est aussi, portez-y votre tête.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte V, scène 4, p. 159, vers 1599-1600 (texte intégral sur Wikisource)
Le Prince Ladislas : C'est peu pour satisfaire et pour plaire à Cassandre
Qu'une tête à donner et du sang à répandre,
Et forcé de l'aimer jusqu'au dernier soupir,
Sans avoir pu, vivant, répondre à son désir,
Suis ravi de savoir que ma mort y réponde,
Et que, mourant, je plaise aux plus beaux yeux du monde.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Venceslas, acte V, scène 4, p. 160, vers 1631-1636 (texte intégral sur Wikisource)
Le Véritable Saint Genest, 1647
modifierDioclétian (à Genest) : Le Théâtre aujourd'hui fameux par ton mérite
À ce noble plaisir puissamment sollicite ;
Et dans l'état qu'il est ne peut, sans être ingrat,
Nier de te devoir son plus brillant éclat ;
Avec confusion j'ai vu cent fois tes feintes,
Me livrer malgré moi de sensibles atteintes ;
En cent sujets divers, suivant tes mouvements,
J'ai reçu de tes feux de vrais ressentiments ;
Et l'empire absolu que tu prends sur une âme
M'a fait cent fois de glace, et cent autres de flamme ;
Par ton art les héros, plutôt ressuscités
Qu'imités en effet, et que représentés,
Des cent et des mille ans après leurs funérailles,
Font encor des progrès et gagnent des batailles,
Et sous leurs noms fameux établissent des Lois ;
Tu me fais en toi seul Maître de mille Rois ;
Le Comique, où ton Art également succède,
Est contre la tristesse un si présent remède,
Qu'un seul mot (quand tu veux), un pas, une action,
Ne laisse plus de prise à cette passion,
Et par une soudaine et sensible merveille,
Jette la joie au cœur, par l'œil ou par l'oreille.
- Tirade de l'empereur Dioclétien faisant l'éloge du théâtre et complimentant l'acteur Genest.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Le véritable Saint Genest, acte I, scène 5, p. 479-480, vers 225-250 (texte intégral sur Wikisource)
Dioclétian (à Genest) : Mais on vante surtout l'inimitable adresse
Dont tu feins d'un Chrétien le zèle et l'allégresse
Quand, le voyant marcher du Baptême au trépas,
Il semble que les feux soient des fleurs sous tes pas.
- Dioclétien complimentant l'art d'acteur de Genest, qui a joué souvent des martyres chrétiens.
- Théâtre choisi (1648), Jean de Rotrou, éd. Société des textes français modernes, 2007, Le véritable Saint Genest, acte I, scène 5, p. 483, vers 293-296 (texte intégral sur Wikisource)