Jules Barbey d'Aurevilly

romancier, nouvelliste, poète, critique littéraire, journaliste et polémiste français

Jules Amédée Barbey d'Aurevilly, habituellement appelé Jules Barbey d'Aurevilly, né à Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche) le 2 novembre 1808 et mort le 23 avril 1889 à Paris est un écrivain français et un journaliste au style polémique. Surnommé le « Connétable des lettres », il contribua à animer la vie littéraire française de la seconde moitié du XIXe siècle.

Barbey d'Aurevilly par Émile Lévy.

Citations

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Le Chevalier des Touches

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Cette femme avait un grotesque si supérieur qu'on l'eût remarquée même en Angleterre, ce pays des grotesques, où le spleen, l'excentricité, la richesse et le gin travaillent perpétuellement à faire un carnaval de figures auprès desquelles les masques du carnaval de Venise ne seraient que du carton vulgairement badigeonné.

  • Le Chevalier des Touches (1864), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. CreateSpace Independent Publishing Platform, 2014  (ISBN 978-1500509774), p. 16, 17


Qui, sur les âmes élevées, aurait eu plus d'empire que cette Aimée de quarante ans, la femme de son nom autrefois, - car personne n'avait jamais inspiré plus de sentiments ardents et tendres… Richesse et conquêtes inutiles ! Don de grâce ironique et cruel ! qui n'avait jamais rien pu pour son bonheur, mais qui avait fait de sa vie manquée quelque chose de plus beau que la vie réussies des autres.

  • Le Chevalier des Touches (1864), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. CreateSpace Independent Publishing Platform, 2014  (ISBN 978-1500509774), p. 48


- Il n'est pas à plaindre, - dit M. de Fierdrap, qui crut répondre à la pensée secrète de mademoiselle de Percy. - Il est mort de la mort d'un Chouan, sa vrai place ! tandis que Des Touches, que l'abbé vient de voir sur la place des capucins, est probablement fou, errant, misérable, et que Jean Cottereau, le grand Jean Cottereau, qui a nommé la Chouannerie et qui est resté seul de six frères et sœurs, tués à la bataille ou à la guillotine, est mort le cœur brisé par les maîtres qu'il avait servis, auxquels il a vainement demandé, pauvre grand cœur romanesque, le simple droit, ridicule maintenant, de porter l'épée ! L'abbé a raison : ils mourront comme les Stuarts.

  • Le Chevalier des Touches (1864), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. CreateSpace Independent Publishing Platform, 2014  (ISBN 978-1500509774), p. 156, 157


Mais l'enfant dont j'ai parlé grandit, et la vie, la vie passionnée avec ses distractions furieuses et les horribles dégoûts qui les suivent, ne purent jamais lui faire oublier cette impression d'enfance, cette histoire faite, comme un thyrse, de deux récits entrelacés, l'un si fier et l'autre si triste ! et tous les deux, comme tout ce qui est beau sur la terre et qui périt sans avoir dit son dernier mot, n'ayant pas eu de dénoûment ! Qu'est devenu le chevalier Des touches ?... Le lendemain, sur lequel le baron de Fierdrap comptait pour avoir de ses nouvelles, n'en donna point. Nul dans Valognes n'avait connaissance du chevalier Des Touches, et cependant l'abbé n'était pas un rêveur qui voyait à son coude ses rêves, comme mesdemoiselles de Touffedelys et Couyart. Il avait vu Des Touches.

  • Le Chevalier des Touches (1864), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. CreateSpace Independent Publishing Platform, 2014  (ISBN 978-1500509774), p. 189


Les Diaboliques

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Cependant, les crimes de l'extrême civilisation sont, certainement, plus atroces que ceux de l'extrême barbarie par le fait de leur raffinement, de la corruption qu'ils supposent, et de leur degré supérieur d'intellectualité.
  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 2003  (ISBN 2-07-030275-X), p. 296


Jamais, à aucune heure de la journée, les églises de province ne sont plus hantées par ceux qui les fréquentent qu’à cette heure vespérale où les travaux cessent, où la lumière agonise, et où l’âme chrétienne se prépare à la nuit, — à la nuit qui ressemble à la mort et durant laquelle la mort peut venir. A cette heure-là, on sent vraiment très bien que la religion chrétienne est la fille des catacombes et qu’elle a toujours quelque chose en elle des mélancolies de son berceau. C’est à ce moment, en effet, que ceux qui croient encore à la prière aiment à venir s’agenouiller et s’accouder, le front dans leurs mains, en ces nuits mystérieuses des nefs vides, qui répondent certainement au plus profond besoin de l’âme humaine, car si pour nous autres mondains et passionnés, le tête-à-tête en cachette avec la femme aimée nous paraît plus intime et plus troublant dans les ténèbres, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les âmes religieuses avec Dieu, quand il fait noir devant ses tabernacles, et qu’elles lui parlent, de bouche à oreille, dans l’obscurité ?

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 217, 218


Elle parlait avec une vibration inouïe, malgré les tremblements saccadés de sa mâchoire qui claquait à briser ses dents. Je la reconnaissais, mais je l’apprenais encore ! C’était bien la fille noble qui n’était que cela, la fille noble plus forte, en mourant, que la femme jalouse. Elle mourait bien comme une fille de V…, la dernière ville noble de France ! Et touché de cela plus peut-être que je n’aurais dû l’être, je lui promis et je lui jurai, si je ne la sauvais pas, de faire ce qu’elle me demandait.

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 150


Toi, Rançonnet, toi, Mautravers, toi, Sélune, et moi aussi, nous avons tous eu l’Empereur sur la poitrine, puisque nous avions sa Légion d’Honneur, et cela nous a parfois donné plus de courage au feu de l’y avoir. Mais elle, ce n’est pas l’image de son Dieu qu’elle a sur la sienne ; c’en est, pour elle, la réalité. C’est le Dieu substantiel, qui se touche, qui se donne, qui se marge, et qu’elle porte, au prix de sa vie, à ceux qui ont faim de ce Dieu-là ! Eh bien, ma parole d’honneur ! je trouve cela tout simplement sublime…

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 253


Le respect des peuples ressemble un peu à cette sainte Ampoule, dont on s’est moqué avec une bêtise de tant d’esprit. Lorsqu’il n’y en a plus, il y en a encore. Le fils du bimbelotier déclame contre l’inégalité des rangs ; mais, seul, il n’ira point traverser la place publique de sa ville natale, où tout le monde se connaît et où l’on vit depuis l’enfance, pour insulter de gaieté de cœur le fils d’un Clamorgan-Taillefer, par exemple, qui passe donnant le bras à sa sœur. Il aurait la ville contre lui. Comme toutes les choses haïes et enviées, la naissance exerce physiquement sur ceux qui la détestent une action qui est peut-être la meilleure preuve de son droit. Dans les temps de révolution, on réagit contre elle, ce qui est la subir encore ; mais dans les temps calmes, on la subit tout au long.

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 173


Il était profondément aristocrate. Il ne l’était pas seulement de naissance, de caste, de rang social ; il l’était de nature, comme il était lui, et pas un autre, et comme il l’eût été encore, aurait-il été le dernier cordonnier de sa ville. Il l’était encore, comme dit Henri Heine, « par sa grande manière de sentir », et non point bourgeoisement, à la façon des parvenus qui aiment les distinctions extérieures. Il ne portait pas ses décorations. Son père, le voyant à la veille de devenir colonel, quand s’écroula l’Empire, lui avait constitué un majorat de baron ; mais il n’en prit jamais le titre, et sur ses cartes et pour tout le monde, il ne fut que « le chevalier de Mesnilgrand ».

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 229


-Ah ! dit passionnément Mlle Sophie de Revistal, il en est également de la musique et de la vie. Ce qui fait l’expression de l’une et de l’autre, ce sont les silences bien plus que les accords.

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 216


Avec l’esprit et les manières de son nom, la baronne de Mascranny a fait de son salon une espèce de Coblentz délicieux où s’est réfugiée la conversation d’autrefois, la dernière gloire de l’esprit français, forcé d’émigrer devant les mœurs utilitaires et occupées de notre temps. C’est là que chaque soir, jusqu’à ce qu’il se taise tout à fait, il chante divinement son chant du cygne. Là, comme dans les rares maisons de Paris où l’on a conservé les grandes traditions de la causerie, on ne carre guère de phrases, et le monologue est à peu près inconnu. Rien n’y rappelle l’article du journal et le discours politique, ces deux moules si vulgaires de la pensée, au dix-neuvième siècle.

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 164


C’était une de ces femmes de vieille race, épuisée, élégante, distinguée, hautaine, et qui, du fond de leur pâleur et de leur maigreur, semblent dire : « Je suis vaincue du temps, comme ma race ; je me meurs, mais je vous méprise ! » et, le diable m’emporte, tout plébéien que je suis, et quoique ce soit peu philosophique, je ne puis m’empêcher de trouver cela beau.

  • Les Diaboliques (1874), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Paleo, coll. « La collection de sable », 2007  (ISBN 2-84909-315-7), p. 126


Les Œuvres et les hommes

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Mahomet est une des trois ou quatre figures qui dominent l'humanité et son histoire.
  • Les Œuvres et les hommes (1860-1909), Jules Barbey d'Aurevilly, éd. Slatkine Reprints, 1968, t. 17, les Philosophes et les écrivains religieux, p. 316


Cet Hercule souillé qui remue le fumier d'Augias et qui y ajoute !
  • Les Œuvres et les hommes (1860-1909), Jules Barbey d’Aurillac, éd. Lemerre, 1902, t. 18, Le roman contemporain, p. 231


Citations sur Barbey d’Aurevilly

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Olympe Audouard

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Pauvres bas-bleus, tremblez ; si jamais un pape infaillible nous ramenait à la sainte inquisition, vous pouvez être sûres que M. Barbey d'Aurevilly en sera, et qu'il ne manquera pas de faire brûler sur un bûcher toutes les femmes qui auront commis le crime irrémissible d'avoir trempé leurs doigts roses dans de l'encre.


Charles Dantzig

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Quand il n’aime pas un de ses trucs consiste à dire qu’on n’en parlera bientôt plus. Autres trucs de critiques : « Il écrit trop » (dit par des gens qui écrivent chaque semaine dans les journaux) ; « telle phrase est nulle et telle autre est ridicule », la première étant extraite des premières pages, la seconde des dernières, pour faire croire qu’on a tout lu ; écrire en « on », autorité supposée objective.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 72


Jean-Pierre Thiollet

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L'image de Barbey écrivain spontané est fausse. Les nombreuses ratures sur ses manuscrits le prouvent. S'il aimait l'extraordinaire, l'excessif, le "Walter Scott normand" redevenait humble dès qu'il s'agissait d'Art, dès qu'il était aux prises avec les mots. Sa technique romanesque n'est donc pas facile, ou bien alors l'impression de facilité résulte d'un travail patient, méticuleux.


Il y a toujours eu, dans le comportement de Barbey, davantage de rébellion et de résistance que de frivolité pure et de simple soumission à une mode.
  • Carré d'Art : Byron, Barbey d'Aurevilly, Dali, Hallier, Jean-Pierre Thiollet, éd. Anagramme éditions, 2008, p. 107


Les efforts de Barbey d'Aurevilly pour extraire certaines de ses œuvres du néant et finir par s'imposer comme l'un des plus grands noms de la littérature ont (...) été répétés et tenaces. Inscrits dans la longue durée comme autant de leçons d'humilité et révélateurs d'une conscience d'artiste très haute et exigeante.
  • Carré d'Art : Byron, Barbey d'Aurevilly, Dali, Hallier, Jean-Pierre Thiollet, éd. Anagramme éditions, 2008, p. 131


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