Laïcité

principe de séparation de l'État et de la religion

La laïcité désigne la séparation du civil et du religieux. Le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l'État du pouvoir religieux en est une application. L'adjectif « laïque » qualifie l'indépendance par rapport à toute confession religieuse. La laïcité implique un enseignement public d'où la formation religieuse (dans le sens « enseignement de la foi ») est absente. Pour autant, l'enseignement des religions n'est pas incompatible avec la laïcité, tant qu'il ne s'agit que de décrire des us et coutumes, et si l'on présente chaque religion d'un point de vue extérieur (historique et géographique).

La laïcité devient un cache-sexe pour dissimuler l’islamophobie.
  • « Jean Baubérot : “La laïcité devient un cache-sexe pour dissimuler l’islamophobie” », Entretien réalisé par Oihana Gabriel, 20minutes.fr, 6 août 2013 (lire en ligne)


Ce qu'on a appelé "liberté de conscience", au long de l'Histoire, c'est la liberté, pour les insatisfaits du culte officiel massivement majoritaire dans un certain pays, de pratiquer une religion différente, généralement simple version légèrement déviante du culte officiel, à proprement parler : une hérésie. Il n'a jamais été question de liberté de conscience pour les non-croyants. Quand le protestantisme version Calvin se fut imposé à Genève comme religion dominante, le simple soupçon d'athéisme vous conduisait au bûcher plus sûrement que la persistance dans la religion catholique, devenue à son tour "hérésie". Aujourd'hui encore, surtout hors de France, ne pas croire en une version quelconque de Dieu est proprement impensable. L'athée est regardé avec une certaine répugnance, comme une espèce de monstruosité, d'ébauche humaine inachevée à qui il manque une faculté essentielle.


Cela m’amène à vous parler de la laïcité et de ce beau projet constitutionnel tout récemment lancé. Nous ne sommes ici ni en France ni au Royaume-Uni, mais à mon humble avis, nous sommes dans un contexte idéal beaucoup plus proche du modèle français. Vu notre histoire législative particulière et notre configuration politico-juridique spécifique, nous allons devoir trouver et créer un système propre, un équilibre entre une grande liberté religieuse et une structure étatique laïque digne de ce nom. À cette fin, comme je l’ai signalé, il ne suffit pas de s’autoproclamer «laïque».

Les religions vont et viennent; certaines ont disparu et il en naît tous les jours. L’homme a tout à fait le droit de se créer un ou plusieurs dieux; l’État par contre fera bien de s’en garder.

La laïcité qui unit au lieu de séparer, voilà un choix judicieux pour l’avenir de notre pays.


La laïcité, c'est la disponibilité universelle du patrimoine humain, c'est la loi qui veut que chaque homme soit maître de son bien et que son bien se trouve partout où il y a des hommes.
  • École laïque, école du peuple, Robert Escarpit, éd. Calmann-Lévy, 1961, p. 218


Bref, notre référence inaugurale à la laïcité, conçu non comme une fade asepsie de la pensée, mais comme l'espace polémique où s'organise le libre déploiement de contradictions soumises à l'arbitrage rationnel, n'a rien d'une concession opportuniste faite au « pluralisme » d'apparat dont se targue la démocratie bourgeoise, d'ailleurs de plus en plus rabougrie, quand elle n'est pas déjà en voie de fascisation ici ou là : ...


... : dans une perspective révolutionnaire, la laïcité dynamiquement conçue fournit au contraire l'élément, le milieu psycho-institutionnel indispensable à l'approche construite, collective et contradictoire de la vérité pour tous ceux qui ont pris la ferme résolution d'être toujours attentifs aux exigences de la raison et du dialogue démocratique.


La laïcité est un mode d'organisation des pouvoirs qui postule la séparation de l'État et de la religion, pas une valeur «républicaine» dans laquelle peuvent croire les citoyens.


Le grand paradoxe, l'ironie suprême de l'histoire, c'est que l'avènement moderne de la laïcité, des droits de l'homme, de la liberté de conscience, de tout ce qui s'est fait au XVIè, XVIIe et XVIIIe siècle contre la volonté des clercs, s'est produit par un recours implicite ou explicite au message originel des Évangiles. Autrement dit, ce que j'appelle ici "la philosophie du Christ", ses enseignements éthiques les plus fondamentaux, ne parvenait plus aux hommes par la porte de l'Église... alors elle est revenue par la fenêtre de l'humanisme de la Renaissance et des Lumières! Pendant ces trois siècles, alors même que l'institution ecclésiale crucifie l'enseignement du Christ sur la dignité humaine et la liberté de conscience par la pratique inquisitoriale, celui-ci ressuscite par les humanismes.


La pensée laïque n'est pas une pensée déchristianisée, mais chrétienne immanente. Avec un langage rationnel, sur le registre décalé du concept, la quintessence de l'éthique judéo-chrétienne persiste. Dieu quitte le ciel pour descendre sur terre. Il ne meurt pas, on ne le tue pas, on ne l'économise pas, on l'acclimate sur le terrain de la pure immanence. Jésus reste le héros des deux visions du monde, on lui demande seulement de ranger son auréole, d'éviter le signe ostentatoire... D'où une définition relativiste de la laïcité : pendant que l'épistémè demeure judéo-chrétienne, on fait comme si la religion n'imprégnait pas, n'imbibait pas les consciences, les corps et les âmes. On parle, pense, vit, agit, on rêve, on imagine, on mange, souffre, dort, on conçoit en judéo-chrétien, construit par deux mille ans de formatage du monothéisme biblique. Dès lors la laïcité se bat pour permettre à chacun de penser ce qu'il veut, de croire à son dieu, pourvu qu'il n'en fasse pas état publiquement. Mais publiquement, la religion laïcisée du Christ mène le bal...


A l'heure où se profile un ultime combat – déjà perdu… – pour défendre les valeurs des Lumières contre les propositions magiques, il faut promouvoir une laïcité post-chrétienne, à savoir athée, militante et radicalement opposée à tout choix de société entre le judéo-christianisme occidental et l'islam qui le combat. Ni la Bible, ni le Coran.


La Laïcité doit […] se comprendre comme l'édification d'un monde commun aux hommes sur la base de leur égalité et de leur liberté de conscience, assurée par la mise à distance de tous les groupes de pression. C'est pourquoi l'affirmation de la Laïcité ne se construit pas contre le seul cléricalisme religieux, mais aussi contre toute captation ou mise en cause de la chose publique par des intérêts idéologiques ou économiques particuliers. C'est pourquoi également elle ne peut se réduire à une « neutralité d'accueil », mais appelle une culture du jugement rationnel, gage d'autonomie personnelle.
  • Dieu et Marianne : Philosophie de la laïcité, Henri Peña-Ruiz, éd. PUF, 2005, p. 232


La laïcité consiste à faire du peuple tout entier, sans privilège ni discrimination, la référence de la communauté politique. Celle-ci mérite dès lors son nom de République, bien commun à tous. Le clergé d'une religion particulière n'est pas contesté, tant qu'il se contente d'administrer les choses de la foi pour ceux qui lui reconnaissent librement un tel rôle. Mais dès qu'il entend exercer un pouvoir sur l'ensemble des êtres humains, et capter à son profit la puissance publique, il fait violence à ceux qui ont d'autres options spirituelles. […] Liberté de conscience, égalité juridique de toutes les options spirituelles — qu'elles impliquent ou non une croyance religieuse —, visée, par-delà les différences, d'un monde commun qui unit sans lier ; émancipation en chaque homme de la puissance de jugement qui fonde l'autonomie éthique et rationnelle de la personne. L'ensemble de ces principes organise, dans la république laïque, les conditions d'une concorde authentique, n'excluant ni le désaccord, ni le débat, ni l'expression des différences, mais permettant de transcender celles-ci par la conscience vive de la valeur du bien commun, de l'espace civique qui rend possible l'accomplissement simultané de la liberté et de l'égalité. […] La laïcité institutionnelle promeut une loi commune qui laisse les hommes libres de définir leur éthique de vie et leur démarche spirituelle, et un dispositif d'instruction qui dispense une culture ouverte à l'universel, susceptible d'émanciper la capacité de jugement autonome en l'exerçant méthodiquement et en lui fournissant des références non partisanes. Droit républicain et école laïque sont à cet égard décisifs.
  • « L'Europe a besoin de laïcité », Henri Peña-Ruiz, Le Monde diplomatique, juin 2000, p. 11 (lire en ligne)


La laïcité est une valeur essentielle, avec ce souci de la liberté de conscience et de l'égalité de tous les hommes, qu'ils soient croyants, athées ou agnostiques. L'idéal laïc n'est pas un idéal négatif de ressentiment contre la religion. C'est le plus grand contresens que l'on puisse faire sur la laïcité que d'y voir une sorte d'hostilité de principe à la religion. C'est un idéal positif d'affirmation de la liberté de conscience, de l'égalité des croyants et des athées et de l'idée que la loi républicaine doit viser le bien commun et non pas l'intérêt particulier. C'est ce qu'on appelle le principe de neutralité de la sphère publique. […] Si la laïcité est un idéal de liberté, d'égalité et d'universalité, alors elle vaut pour tous les hommes. […] L'esprit critique va de pair avec la liberté de conscience. C'est une valeur essentielle de la laïcité. […] Trop souvent les hommes ont tendance à privilégier ce qui les divise. Avec la laïcité, il faut apprendre à vivre avec ses différences dans l'horizon de l'universel, sans jamais oublier qu'on a des intérêts communs en tant qu'homme.
  • « 100 ans après sa création, que devient l'école laïque ? — Henri Pena-Ruiz : interview », s.n., maif.fr, septembre 2003 (lire en ligne)


La laïcité est l'union de trois principes : la liberté de conscience, l'égalité de traitement de tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions spirituelles, et l'idée selon laquelle la loi commune ne doit viser que l'intérêt commun. Il me semble légitime de dire que ces principes ont une portée universelle. Ceux qui disent, à propos de la laïcité, que la France veut imposer son particularisme sont en réalité des antilaïques qui déguisent leur hostilité à la laïcité en un respect de la particularité des autres pays. L'universalité d'un principe est indépendante du lieu où il a été reconnu pour la première fois. La laïcité n'est pas un particularisme accidentel de l'histoire de France, elle constitue une conquête de portée universelle, à préserver et à promouvoir.
  • « « La laïcité, une conquête de portée universelle » Henri Pena-Ruiz », Entretien réalisé par Rosa Moussaoui, humanite.fr, 16 février 2005 (lire en ligne)


La laïcité, sans adjectif, ni positive ni négative, ne saurait être défigurée par des propos sans fondements. Elle ne se réduit pas à la liberté de croire ou de ne pas croire accordée avec une certaine condescendance aux « non-croyants ». Elle implique la plénitude de l'égalité de traitement, par la République et son président, des athées et des croyants. Cette égalité, à l'évidence, est la condition d'une véritable fraternité, dans la référence au bien commun, qui est de tous.
  • « Laïcité : les cinq fautes du président de la République », Henri Peña-Ruiz, lefigaro.fr, 3 janvier 2008 (lire en ligne)


Parler d'une laïcité positive revient par antinomie à signifier qu'il existe à contrario une laïcité négative. Celle-ci dispose de tout un réseau associatif et militant. Parmi les innombrables reproches que ses militants adressent aux religions, trois reviennent de façon récurrente: elles seraient par nature sectaires, intolérantes et agressives: On leur devrait la plupart des conflits qui ont déchiré la planète. Il est aisé de rétorquer que les conflits les plus meurtriers de l'histoire humaine ont été engendrés, au XXe siècle, par les idéologies les plus hostiles aux religions révélées et au Dieu de la Bible, et que ces mêmes conflits ont entraîné dans la tourmente des populations qui étaient d'ores et déjà, du fait des partisans de la laïcité négative, en voie de déchristianisation. Tous les grands potentats modernes: Lénine, Staline, Hitler étaient animés d'une furieuses haine du christianisme et judaïsme. Et dans la lointaine Chine, Mao ne tolérait pas davantage les religions.


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