Laurence Sterne

écrivain ecclésiastique britannique

Laurence Sterne (24 novembre 1713, Clonmel, Irlande - 18 mars 1768, Londres) est un écrivain anglais.

Laurence Sterne par Joshua Reynolds (1760).

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À mon sens, lorsque mes parents m'engendrèrent, l'un ou l'autre aurait dû prendre garde à ce qu'il faisait : et pourquoi pas tous deux puisque c'était leur commun devoir ? S'ils avaient à cet instant pesé le pour et le contre, s'ils s'étaient avisés que de leurs humeurs et dispositions dominantes allaient dépendre non seulement la création d'un être raisonnable mais peut-être l'heureuse formation de son corps, sa température, son génie, le moule de son esprit et (si douteux que cela leur parût), jusqu'à la fortune de leur maison — s'ils avaient mûrement examiné tout cela, je suis persuadé que j'aurais fait dans le monde une tout autre figure et serais apparu au lecteur sous des traits sans doute fort différents de ceux qu'il va voir. Croyez-moi, bonnes gens, la chose n'est pas une bagatelle comme beaucoup d'entre vous le pensent. Vous n'êtes certes pas sans avoir entendu parler des esprits, vitaux, de leur transmission de père en fils, etc., et de bien d'autres merveilles. Eh bien, je vous donne ma parole que le bon sens ou la folie d'un homme, ses succès ou ses mésaventures dans le monde dépendent pour les neuf dixièmes des mouvements de ces esprits, de leurs activités et des voies où on les engage ; une fois lâchés, bien ou mal l'affaire est conclue ; les voilà partis pêle-mêle à tous les diables ; foulant et refoulant le même chemin, ils le rendent aussi uni et lisse qu'une allée de jardin ; quand ils y sont une fois accoutumés le Démon lui-même ne saurait les en divertir.

— Pardon mon ami, dit ma mère, n'avez-vous pas oublié de remonter la pendule ?
— Grand Dieu ! s'exclama mon père, non sans un effort pour étouffer sa voix,
depuis la création du monde, une femme a-t-elle jamais interrompu un homme par une question aussi sotte ?
— Pardon, que disait votre père ?

— Rien.
  • Tristram Shandy, Laurence Sterne (trad. Charles Mauron), éd. Robert Laffont, 1961, p. 7


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