“ Nous avons essayé de montrer:
1 Qu’une certaine forme de religion est parfaitement compatible avec les affirmations de la pensée moderne, de l’aveu même des philosophes le plus décidément attachés à la méthode expérimentale;
2 Que la religion concerne sa valeur propre éminente, en ce qu’elle répond à des besoins profonds et indestructibles de l’esprit et du cœur humains;
3 Que le judaïsme, en ne proposant aucune croyance que l’intelligence la plus libre ne puisse accepter, en faisant porter tout l’effort vers le plus haut développement de la’”humanité” à la fois individuelle, sociale et cosmique, satisfait aux exigences les plus sévères de la science et de la conscience contemporaine.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 99
Dès lors le judaïsme peut et doit devenir la religion du XXe siècle. Il lui suffira de se dépouiller de celle entre les pratiques, institutions et coutumes, qui ont eu leur raison d’être en d’autres temps et sous d’autres latitudes, mais qui, aujourd’hui, sont fossilisées, et, partant, sont une encombre et une entrave. Le judaïsme ainsi débarrassé de tout ce qui est bois mort présentera les caractères nécessaires à toute religion en général et à la religion moderne en particulier: il sera une religion munie de tous les organes essentiels, positives et historiques. En même temps qu’en religion rationnelle et laïque.“
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 100
La Science et la Morale ne suffisent pas à remplir toute la capacité de l’âme humaine:elles n’apaisent pas la soif logique de la raison,elles ne calment pas les inquiétudes de la conscience , elles ne satisfont pas intégralement les aspirations du cœur.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 109
La Science s’enferme dans le phénoménal et dans les rapports entre phénomènes.elle ne nous dit rien sur les principes et les fins de l’ordre universel.Or, ces questions s’imposent à nous et veulent une réponse:dans les grandes alternatives de l’existence , aux heures tragiques,notre attitude variera avec notre solution du problème.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 109
La Morale a besoin d’un fondement intelligible, elle est suspendue à une conception générale du monde.Pour passer,par exemple, de la solidarité-fait à la solidarité-devoir, il faut un principe supérieur,un principe de générosité et de sacrifice , que la physique des mœurs,qui se borne à la constatation des faits et des relations, ne saurait fournir.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 109
Le supplément de lumière que demande notre intelligence , le complément de chaleur que réclame notre cœur, la Religion essaie de nous les procurer.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 110
La Religion est l’effort de l’être humain pour saisir,dans la mesure de ses moyens, l’essence absolue et l’ordonnance totale des choses et pour accorder son action avec cette réalité et cet ordre universels.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 110
L’essence absolue, je ne puis l’atteindre que par la connaissance de l’être qui m’est la plus immédiate , par la connaissance de ma propre essence.Or,mon essence propre c’est l’Esprit qui est à la fois pensée, vouloir et amour.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 110
le semblable ne pouvant être engendré que par le semblable et le plus ne pouvant sortir du moins,l’Esprit ne peut venir que de l’Esprit.Donc éternellement il y a eu de l’Esprit.Car,supposé qu’à un moment donné l’Esprit n’eut pas existé , jamais il n’aurait existé.l’Esprit éternel qui informe toutes choses, c’est ce que nous appelons Dieu.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 110
Donc, nous admettons un principe éternellement vivant d’ordre, de beauté et d’amour.en tant que je suis moi-même Esprit, je suis éternel.seule la forme particulière de l’Esprit que je représente est éphémère.la mort n’est que le passage d’une modalité.comme rien ne se perd,pas plus dans l’ordre moral que dans l’ordre physique , les efforts accomplis entrent dans la nature vivante de l’âme et contribuent par là-même à déterminer la configuration de ses destinées futures.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 111
Donc, éminente dignité de la personne humaine,sanction immanente et destinées ultra terrestres.l’Esprit est activité éternellement productive.étant activité libre,il se manifeste sous les créations infiniment variés.c’est dans les grands génies qu’il s’affirme avec le plus d’intensité et d’éclat.il s’est révélé profondément et sous une forme particulière chez les prophètes hébreux.d’où la valeur propre de la Bible, et l’originalité et la vocation d’Israel.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 111
Par sa double nature physique et spirituelle, l’homme tient à la fois de Dieu et de la nature;il est le point de jonction du divin et du sensible.a chacun de nous donc est dévolu un rôle d’ennoblissement, d’éducation universelle, s’il est vrai qu’éducation c’est élévation du plus bas vers le plus haut, spiritualisation graduelle.à nous il appartient de pénétrer en plus en plus la force obscure qui s’agite en nous-même et chez les autres de pensée , de liberté et d’amour,à nous il appartient d’amener progressivement l’identification de l’ordre du monde avec l’ordre divin, de promouvoir la cité terrestre à la dignité du royaume des cieux.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 112
De là l’idée d’optimisme moral ou messianisme,avec pour terme idéal , la justice et la fraternité universelles.l’Esprit en se développant au sein du monde,se soumet aux conditions du temps,de l’espace et de l’individualisation. C’est dire qu’il reçoit l’empreinte des époques,des milieux et des mentalités.la forme dont il s’enveloppe est donc relative, elle doit se modifier avec les conditions nouvelles et à mesure que l’Esprit prend une conscience plus claire de lui-même.dès lors,d’un côté, il faut des formules symboles et institutions où l’Esprit s’incarne et par où nous l’exprimons pour mieux communiquer avec lui et avec les autres hommes;d’un autre côté,ces formules,symboles et institutions ne sont que des moyens d’expression qui doivent être révisés et rénovés lorsqu’ils sont reconnus périmés où inadaptés. D’où est la nécessité d’un culte et la nécessité de mettre continuellement ce culte en harmonie avec les aspirations et les besoins en voie d’évolution.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 112
Israel qui jadis à niche parmi les aigles semble avoir désappris les routes du ciel.il serait temps qu’il sortit d’un sommeil qui, s’il devait se prolonger , s’achèverait dans la mort.il serait temps qu’agité à nouveau du frémissement prophétique il secouât de se ailes la poussière des siècles, et que,reprenant son essor vers les espaces de pure clarté,il rapportât aux hommes le message de lumière et de salut.alors la voix annonciatrice de bonne nouvelle retentirait de colline en colline et ce serait partout l’hymne d’allégresse de la pacification dans les esprits et dans les cœurs.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 105
Après avoir établit que le judaisme ne peut entrer en conflit avec la science puisqu’il reconnaît les exigences légitimes de la raison,nous pouvons montrer que le judaisme favorise le développement de la science , du fait qu’il admet le libre examen, la libre spéculation.le judaisme a compter dans son sein des groupes de nuances très accentuées , sadducéenns, pharisiens,esséniens,alexandrins allégoristes,karaïtes, cabbalistes,etc.;ce qui dénote un exercice large de la pensée.nous n’avons pas de dogmatique,pas de théologie officielle , et, si nous avons des théologiens , ils sont loin d’être d’accord sur les croyances obligatoires.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 59
La conscience moderne réclame l’autonomie de la Morale:la morale doit avoir elle-même son principe et sa fin,elle doit se conférer à elle-même sa loi et sa valeur, elle ne doit dépendre d’aucune autorité extérieure et n’avoir en vue que, sa propre satisfaction,elle ne doit être ni par la crainte ni par le calcul.
une religion rationnelle et laïque La religion du XXe Siècle,
Louis Germain Lévy, éd. Librairie critique Émile Mourry, 1908, p. 67
Quand on considère la place que Maimonide occupe dans l’histoire de la pensée juive et, en général, dans l'histoire de la philosophie au Moyen Age, on est stupéfait de constater qu'il n'existe pas de grand travail d'ensemble embrassant la philosophie de l'illustre docteur dans sa totalité. Sans doute, on a beaucoup écrit sur Maimonide, des analyses et des articles ont mis en lumière ses principales idées, de solides monographies nous ont permis de pénétrer plus avant dans telle particularité de sa doctrine; mais une étude complet et lice des conceptions de celui qu'on appelle « l'Aigle de la Synagogue »
reste à faire. Une pareille étude était pour tenter une jeune témérité. Mais elle eût de beaucoup dépassé les limites d'une seconde thèse. Nous nous sommes done borné à une partie de la philosophie maimonidienne et nous avons choisi la métaphysique. Ce qui nous a determiné dans notre choix, c'est la constalation que la métaphysique de Maimonide, qui pourtant tient chez lui un rôle si considérable, n'a pas fait jusqu'ici la matière d'un travail approfondi. Tandis que la psychologie et l'éthique de Maimonde se sont vu consacrer d'importantes monographies.
la métaphysique de Maimonide,
Louis Germain Lévy, éd. imprimerie Barbier-Marilier, 1905, p. 1
Notre œuvre se doit à elle-même de ne pas laisser passer cet anniversaire sans donner un souvenir de reconnaissance émue à Alphonse Pereyra qui fut un des promoteurs les plus ardents de notre Union, à Mme Anatole Dreyfus qui fut une des ouvrières les plus convaincues et les plus généreuses, et au rabbin Léonard Lévy de Pittsburgh qui porta dans sa chaire sa chaude parole d’apôtre du judaïsme libéral. Enfin nous avons des obligations particulières à notre cher et vénéré président M. Salvador Lévy pour l’admirable dévouement qu’il n’a cessé de prodiguer en ces trois années de guerre, grâce à quoi nos offices ont pu se célébrer tous les dimanches dans une haute tenue de ferveur et de dignité.
Ce que nous sommes / allocution de M. Théodore Reinach,.... Cherchez-moi et vous vivrez : sermon / par M. Louis-Germain [...],
Louis Germain Lévy, éd. Union Libéral Israélite, 1917, p. 13
La prophétie ne dit point: « Possédez-moi », mais « chercher moi ». Comment la créature humaine prétendrait elle embrasser l’infinie réalité, tenir la pleine et totale vérité. Donc, mouvement perpétuel de l’esprit toujours en action, jamais achevé, continuellement poussée en profondeur. Plus vous me chercher, plus vous faites entrer quelque chose de ma vertu divine dans la réalité humaine, et plus vous vivrez en force, en sincérité, en exhalation, en bénédiction.
On ne saurait mettre la vie d’un côté et la doctrine de l’autre; elles se rencontrent nécessairement, elles doivent se concilier et se soutenir. Voici l’affirmation essentielle, voilà le point de vue du Judaïsme libéral. Le Judaïsme libéral est la religion d’Israël dans son mouvement de vie, dans son esprit, dans son énergie active
Ce que nous sommes / allocution de M. Théodore Reinach,.... Cherchez-moi et vous vivrez : sermon / par M. Louis-Germain [...],
Louis Germain Lévy, éd. Union Libéral Israélite, 1917, p. 13-14
Mais la religion n’est pas seulement une doctrine philosophique et morale, elle est un corps d’institutions, d’usages et de pratiques. Pour les tenants de la stricte observance les rîtes et les coutumes constituent un bloc auquel il est interdit de toucher, les formes extérieures sont aussi sacrées que le fond, attendues qu’elles sont prescrites par la Torah, laquelle est une dictée de Dieu.
Et d’abord, à nos yeux la Bible est un livre extrêmement vénérable pour ce qu’elle renferme d’intuition divine, d’intense moralité, de profonde sagesse, de vaste expérience humaine, d’affirmation originale du génie d’Israel. Mais nous ne saurions admettre qu’elle est l’ouvrage direct de Dieu, car au milieu de tant de pages sublimes. Elle offre des imperfections et des contradictions.
Ensuite, nous proclamons, nous aussi, la nécessité d’exercices et de symboles qui rendent l’idée plus concrète, organisent et réchauffent l’émotion, disciplinent et stimulent l’activité, encadrent et font communier le groupe humain. Cependant les formes et les cadres n’ont qu’une valeur d’emprunt et de circonstance. Ils ne doivent pas dégénérer en une réglementation éperdument étroite, qui comprime tout souffle, toute spontanéité, toute abondance de l’esprit et du cœur. Ce sont des moyens qu’il convient de conserver tant qu’ils ont une vertu de promotion spirituelle, qu’il faut laisser tomber quand ils ont perdu leur qualité éducatrice ou édifiante. Nous reprenons donc la tradition à la lumière de l’histoire et de la critique, à la lumière des nouvelles conditions d’existences et de pensée, à la lumière de la raison qui dissipe la superstition, qui épure la lettre, approfondit l’esprit, sépare l’accidentel du substantiel, élimine ce qui n’a plus d’écho dans notre conscience, ce qui est d’un ordre de civilisation périmé.
Lorsque le temple de Jérusalem fut détruit, des gens pieux vinrent trouver R.Josué ben Hanania et lui dirent: « Malheur! le temple a disparu. Comment consommerions-nous la chair d’animaux que nous ne pouvons plus apporter en sacrifices? » Le docteur répondit: « Donc, ne manger plus de viande. Mais vous ne sauriez davantage goûter aux fruits, car on en présentait des prémices; non plus que du pain, puisque avec la farine on en faisait des oblations. Vous ne pouvez même plus boire d’eau, attendu qu’on offrait des libations. » C’est alors que ce docteur posa ce principe: « En gôzrin ghezéra al ha-tsibbour éla im kèn tov tsibbour yekôlin laamod bô, « On n’impose à une communauté de mesures qu’autant qu’elles ne compromettent pas son existence » (Aboda zara, 36 a).
Ce sont de pareilles préoccupations qui ont donné naissance aux congrégations libérales, principalement en Amérique où elles sont nombreuses et florissantes. Dans notre pays des voix s’élevèrent également au cours du siècle passé pour réclamer des modifications, tels Joseph Salvador, Orly Terquem, Gerson-Lévy, le rabbin Nordmann, James Darmesteter, S.Munk, Alexandre Weill, les grands rabbins Astruc et Zadoc-Kahn. Cependant le mouvement ne prit tournure et consistance qu’il y a une quinzaine d’années sous l’impulsion d’un petit groupe de personnes, pieusement zélées pour la sauvegarde de la religion, noblement soucieuses de l’avenir de notre jeunesse. Enfin, après la séparation des Églises et de l’État, l’Union libérale se constitue en association; elle inaugure son temple le 1er décembre 1907.
Ce que nous sommes / allocution de M. Théodore Reinach,.... Cherchez-moi et vous vivrez : sermon / par M. Louis-Germain [...],
Louis Germain Lévy, éd. Union Libéral Israélite, 1917, p. 17-18
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