Malheureusement, un démon jaloux, ma mauvaise santé, est venu se jeter à la traverse. Depuis trois ans, mon ouïe est toujours devenue plus faible. Cela doit avoir été causé par mon affection du ventre, dont je souffrais déjà autrefois, comme tu sais, mais qui a beaucoup empiré.
Au docteur Wegeler, 29 juin 1801
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. Romain Rolland), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 142
Je puis dire que je mène une vie misérable. Depuis presque deux ans, j'évite toute société, parce que je ne puis dire aux gens : « Je suis sourd ». Si j'avais quelque autre métier, cela serait encore possible ; mais dans le mien, c'est une situation horrible. Que diraient mes ennemis, dont le nombre n'est pas petit !
Au docteur Wegeler, 29 juin 1801
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. Romain Rolland), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 143
O vous qui pensez que je suis un être haineux, obstiné, misanthrope, ou qui me faites passer pour tel, combien vous êtes injustes ! Vous ignorez la raison secrète de ce qui vous paraît ainsi. Dès l'enfance, mon cœur, mon esprit inclinaient à ce sentiment délicat : la bienveillance. J'étais toujours disposé à accomplir de grandes actions ; mais n'oubliez pas que depuis bientôt six ans je suis atteint d'un mal pernicieux, que l'incapacité des médecins est venue aggraver encore. […]
Aussi, pardonnez-moi si, comme vous le voyez, je me retire aujourd'hui du monde, alors qu'auparavant je m'y mêlais volontiers. Je suis d'autant plus sensible à mon infortune qu'elle me fait méconnaître de tous.
A ses deux frères.
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. M.V. Kubié), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 131-132
Pour un peu, j'aurais mis fin à mes jours...
C'est l'art, et lui seul, qui m'a retenu. Ah, il me paraissait impossible de quitter ce monde avant d'avoir donné tout ce que je sentais germer en moi […]. Ma résolution sera durable, je l'espère ; je tiendrai jusqu'à ce qu'il plaise aux Parques inexorables de trancher le fil de ma vie.
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. M.V. Kubié), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 133
Pour rapprocher du passé le « devenir », il faut dire que le passé a engendré le présent. Prophéties effroyables, vous êtes devenues « terrestres » et avez été sauvées par la poésie et par votre signification.
1815
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. M.V. Kubié), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 79
Ne confie pas ton secret, même à l'ami le plus éprouvé. Peux-tu lui demander fidélité et discrétion quand toi-même tu en as manqué ?
1815
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. M.V. Kubié), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 83
On estime que nous vivons sur notre planète depuis 5818 années.
1818
Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland (trad. M.V. Kubié), éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. 115
Comme à son endroit [Beethoven] la renommée publique est injuste! On le reconnaît comme souverain dans le gigantesque et le douloureux; on borne là son royaume; on ne lui accorde pour domaine qu'une lande déserte, battue d'ouragans, désolée et grandiose, pareille à celle où vit Dante. Il la possède, cette solitude, et nul autre musicien que lui n'y entre; mais il habite encore ailleurs. Ce qu'il y a de plus riche et de plus magnifiquement épanoui dans la campagne regorgeante,ce qu'il y a de plus suave et de plus souriant dans les vallées ombreuses et fleuries, ce qu'il y a de plus frais et de plus virginal dans la timidité de la première aube, lui appartient comme le reste. Seulement, il n'y porte point une âme tranquille; la joie l'ébranle tout entier comme la douleur.
Notes sur Paris: vie et opinions de Frédéric-Thomas Graindorge, Hippolyte Taine, éd. Hachette, 1867, p. 360-361
Beethoven est fastidieux lorsqu’il développe, Bach pas, parce que Beethoven fait du développement de forme, et Bach du développement d’idée.
Beethoven dit : « Ce porte-plume a une plume neuve — il y a une plume neuve à ce porte-plume — neuve est la plume de ce porte-plume » ou « Marquise, vos beaux yeux... »
Bach dit : « Ce porte-plume a une plume neuve pour que je la trempe dans l’encre et que j’écrive, etc... » ou « Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour, et cet amour, etc... »
Voilà toute la différence.
Le Coq et l'Arlequin, Jean Cocteau, éd. Ed. De la Sirène, 1918, p. 16
Beethoven a vicié la musique : il y a introduit les sautes d'humeur, il y a laissé entrer la colère.
« Les écrivains et la musique : E. M. Cioran », James Dillon, Symphonia, nº 2, Janvier 1996, p. 20
Chez Mozart, les deux thèmes jouent, flirtent, ou simplement s'exposent l'un après l'autre, se juxtaposent, chez Beethoven, ils luttent jusqu'à l'épuisement. Chaque sonate, chaque quatuor, chaque symphonie, est un combat de forces antagonistes.
« Introduction », Edmond Buchet, dans Vie de Beethoven, suivie de ses carnets intimes et d'un choix de textes, Romain Rolland, éd. Le Club Français du Livre, 1949, p. IV
Stansfield : Toi, tu n'aimes pas Beethoven. Tu sais pas ce que tu perds, des ouvertures comme ça, ça me donne une énergie folle. C'est puissant. Mais après les ouvertures, faut être honnête, il a tendance à devenir un petit peu chiant. C'est pour ça que je zappe !
Gary Oldman, Léon (1994), écrit par Luc Besson
[Sur Beethoven] : Il aura fallu qu’un très grand génie devînt sourd pour entendre sourdre d’aussi près les variations, la musique et la foi que le rapport à l’Essentiel fait surgir en l’âme.
Pages - Le Sens, la musique et les mots, Maxence Caron, éd. Séguier, 2009 (ISBN978-2-84049-589-5), p. 156
La Pastorale et la Cinquième sont une même pensée, un diptyque préfigurant l’accomplissement de l’œuvre beethovenien en cet autre diptyque, aux incalculables proportions internes et historiques, la Neuvième Symphonie et la Missa Solemnis (dont Beethoven disait qu’elle était sa plus grande œuvre). Une pensée : celle de la réconciliation avec Dieu. Il faudra attendre la Missa Solemnis pour que les motifs de l’Incarnation, de la Résurrection et de la Rédemption, déjà présents en filigrane, soient pleinement exprimés comme le lieu de la complète résolution où s’origine toute future quête de Joie et de confiance en la Sagesse qui a toute initiative pour conduire Elle-même et sacramentellement au saint giron de son Eternité.
Pages - Le Sens, la musique et les mots, Maxence Caron, éd. Séguier, 2009 (ISBN978-2-84049-589-5), p. 240
Un être hybride, à plusieurs têtes. Les couleurs de certaines mélodies viennent du monde de Haydn mais on entend chez Beethoven un langage en train de changer. C’est pour cela que je dis souvent que plus on se rapproche de ce que le compositeur voulait dire, plus la résonnance avec notre époque est forte. Cette dichotomie entre vivre dans le monde ancien et chercher le monde nouveau apparaît dans l’harmonie par exemple, ou quand on sent que l’instrument se transforme. C’est ce qui est intéressant : l’instrument sera obligé de s’adapter à cette nouveauté d’écriture. J’aime beaucoup cette période : politiquement et musicalement, les choses sont en train d’évoluer, et c’est ce monde changeant que j’adore faire entendre dans Beethoven. Parce qu’avant le Beethoven sévère, enfermé dans sa surdité, il y a eu un jeune homme ardent, un jeune homme amoureux.
Propos recueillis par Didier Lamare
« Laurence Equilbey : J'aime faire entendre la juvénilité de Beethoven », Didier Lamare, Département des Hauts-de-Seine, 2020 (lire en ligne)
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