Mélanie Vincelette

romancière, éditrice et universitaire canadienne

Mélanie Vincelette est une écrivaine québécoise née à Montréal en 1975. En plus d'écrire des romans, elle est la fondatrice des Éditions Marchand de feuilles et elle dirige également la revue littéraire Zinc. En 2007, elle s'est vu remettre le prix Anne-Hébert pour Crimes horticoles (2006).

Mélanie Vincelette.


Polynie (2011)

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Vincelette campe l'action de Polynie dans l'Arctique canadien.
Des cargos, des avions et des civilisations entières disparaissent régulièrement dans l'Arctique, ne laissant que des murmures et des questions irrésolues dans la blancheur laiteuse du paysage. [I]l était presque impossible de s'échapper de l'île de Baffin. La route la plus longue ne fait que soixante-dix kilomètres et s'arrête en face d'un énorme glacier de soixante-cinq mètres de hauteur.
  • Polynie, Mélanie Vincelette, éd. Robert Laffont, 2011, chap. Vesse-de-loup, p. 11


Il était né à Grise Fiord, « là où la neige ne fond jamais » en inuktitut. Un hameau de cent quarante et un habitants, le plus nordique du Canada. Sa famille, qui vivait jadis à Inukjuak, dans la toundra fertile, avait été déplacée comme tant d'autres par le gouvernement pour peupler le désert arctique et renforcer la présence du Canada dans le Nord. On leur avait promis des maisons, mais on ne leur avait donné que des tentes. On leur avait fait miroiter l'abondance du gibier pour la chasse et ils se sont retrouvés sans ressources. On leur avait promis qu'il serait possible de retourner à Inukjuak s'ils n'aimaient pas l'endroit, mais on les avait abandonnés à leur propre survie.
  • Polynie, Mélanie Vincelette, éd. Robert Laffont, 2011, chap. Le nouveau Klondike, p. 43


Dans la langue inuit, le mot perlerorneq signifie « le poids de la vie ». Il désigne une dépression profonde engendrée par la noirceur de l'hiver. Les manifestations en sont diverses : par exemple, une femme peut se rouler nue dans la neige ou s'emparer d'un couteau et menacer son mari dans leur igloo sans raison. Les anthropologues qui avaient étudié la question disaient qu'il n'y avait pas un été assez long pour effacer les effets de l'hiver et le manque d'activités extérieures.
  • Polynie, Mélanie Vincelette, éd. Robert Laffont, 2011, chap. Perlerorneq ou le poids de la vie, p. 81


On dit que les femmes peuvent tomber amoureuses plusieurs fois dans une vie, mais que pour un homme, un seul amour véritable est possible. Cet amour serait pour eux plus difficile à trouver et surviendrait généralement plus tard dans leur existence. Ce qui précède n'est souvent qu'amitiés, jeux et convenances qu'on prend pour de l'amour.
  • Polynie, Mélanie Vincelette, éd. Robert Laffont, 2011, chap. Vieille fille, p. 86-87


Trop peu de gens comprennent que lorsqu'ils font du mal à leur voisin, ça leur revient automatiquement sous d'autres formes : grippes virulentes, infections, varicelles qui laissent des marques, mariages empoisonnés. Ou tout simplement le goût du désespoir qui reste au fond de la gorge pour l'éternité. Un goût métallique dont même l'alcool ne peut vous débarrasser.
  • Polynie, Mélanie Vincelette, éd. Robert Laffont, 2011, chap. Ho ! hisse !, p. 164


— Un jour, un œnologue californien m'a expliqué que, pour un Européen, l'élément le plus important est l'origine. Si un saint-émilion est bon c'est parce qu'il provient d'une région riche. Le terroir crée une réaction presque limbique. En Europe, il faut savoir d'où l'on vient et où l'on se situe dans la hiérarchie. Dans notre Nouveau Monde égalitaire, nos origines sont moins importantes. C'est ce que tu es aujourd'hui qui te donne ta valeur. On vit dans une méritocratie. Les vins du Nouveau Monde sont des vins d'effort, et non pas des vins de terroir.
  • Polynie, Mélanie Vincelette, éd. Robert Laffont, 2011, chap. Nous avons bu trop de vin de glace, p. 178-79