Maître Eckhart
théologien et philosophe dominicain
Maître Eckhart, né aux environs de 1260 à Hochheim (Thuringe), dans le Saint-Empire romain germanique, et mort aux environs de 1328, probablement à Avignon dans le Comté de Provence, est un philosophe, théologien, dominicain, mystique (mystique rhénan) et hérétique allemand.
Conseils spirituels, 1294-1298
modifierEn vérité, avec la volonté, je peux tout faire. Je peux porter la peine de tous les hommes, nourrir tous les pauvres, accomplir toutes les œuvres de tous les hommes, et tout ce que tu peux imaginer.
- Conseils spirituels, Maître Eckhart (trad. Wolfgang Wackernagel), éd. Rivages poche, 2003 (ISBN 2-7436-1064-6), p. 71
Traités et sermons (Meister Eckharts deutshe Predigten und Traktate), xiiie ou xive siècles
modifierComment pourrait-il jamais se consoler et oublier son chagrin, celui qui n'a que les yeux fixés sur sa perte et son chagrin, qui le fixe en lui et se fixe en lui et le regarde sans trêve, et cause avec son mal et son mal avec lui, tous deux se contemplant face à face !
- « Le livre de la consolation divine », dans Traités et sermons (1927), Maître Eckhart (trad. Alain de Libera), éd. Flammarion, 1993 (ISBN 978-2-0807-0703-1), p. 135
En bref : pour recevoir et se remplir, il faut nécessairement être vide. Les maîtres nous disent : si l'œil, quand il perçoit, possédait la couleur en lui-même, il ne reconnaîtrait ni la couleur qu'il a ni celle qu'il n'a pas ; mais comme il n'est pas coloré, il reconnaît toutes les couleurs. Le mur, lui, est coloré, et c'est pourquoi il ne connaît ni sa propre couleur ni aucune couleur quelle qu'elle soit.
- « Le livre de la consolation divine », dans Traités et sermons (1927), Maître Eckhart (trad. Alain de Libera), éd. Flammarion, 1993 (ISBN 978-2-0807-0703-1), p. 144
S'il était au pouvoir de l'homme de faire le vide complet dans une coupe et de la maintenir vide de tout ce qui peut la remplir, même l'air, il est hors de doute que la coupe renierait et oublierait toute sa nature, et sa vacuité l'emporterait jusqu'au ciel. De même être dénuée, pauvre et vide de toute créature élève l'âme jusqu'à Dieu.
- « Le livre de la consolation divine », dans Traités et sermons (1927), Maître Eckhart (trad. Alain de Libera), éd. Flammarion, 1993 (ISBN 978-2-0807-0703-1), p. 145
Mais, si elle vient à savoir et à connaître qu'elle contemple, connaît et aime Dieu, c'est une sortie et un reflux sur ce qui est premier dans l'ordre naturel. Car personne ne se sait blanc sauf celui qui est réellement blanc. C'est pourquoi celui qui se sait blanc édifie sur et ajoute quelque chose à l'être-blanc. En effet, il ne tire pas son savoir, immédiatement et sans encore rien savoir, de la couleur ; au contraire, il tire sa connaissance et son savoir de ce qui autour de lui est blanc ; il ne tire pas sa connaissance de la couleur seule prise en elle-même, il tire cette connaissance et ce savoir de ce qui est coloré ou de ce qui est blanc. Le mur diffère totalement des fondations sur lesquelles il est construit.
Les maîtres enseignent qu'autre est la puissance par laquelle l'œil voit, et autre la puissance par laquelle il connaît qu'il voit. Le premier fait, celui de voir, vient à l'œil purement et simplement de la couleur, et non pas de ce qui est coloré. Peu importe donc en soi que ce qui est coloré soit de la pierre ou du bois, un homme ou un ange ; la seule chose qui importe, c'est qu'il ait une couleur.
- « De l'homme noble », dans Traités et sermons (1927), Maître Eckhart (trad. Alain de Libera), éd. Flammarion, 1993 (ISBN 978-2-0807-0703-1), p. 180-181