Marie-Josephte Corriveau
Marie-Josephte Corriveau (1733-1763), mieux connue sous le surnom de « la Corriveau », est l’une des figures les plus populaires du folklore québécois. Habitante de Nouvelle-France au moment de la Conquête de la colonie en 1759-1760 par les Britanniques, elle est condamnée à mort par une cour martiale anglaise pour le meurtre de son second époux et pendue à Québec le 18 avril 1763. La « cage » de fer, dans laquelle son corps est exposé et laissé à pourrir à Pointe-Lévy durant cinq semaines, marque fortement l'imaginaire de la population et engendre de nombreuses légendes qui seront véhiculées par la tradition orale.
La redécouverte de la cage en 1851 ravive les souvenirs et les imaginations, tout en inspirant romans et contes fantastiques aux écrivains du temps, dont Philippe Aubert de Gaspé (Les Anciens Canadiens, 1863), James MacPherson Le Moine, William Kirby (The Golden Dog, 1877) et Louis Fréchette. Depuis, la Corriveau n'a cessé d'inspirer les artistes, d'Alfred Laliberté à Mes Aïeux, en passant par Gilles Vigneault, Pauline Julien, Anne Hébert et Victor-Lévy Beaulieu, suscitant romans, chansons, pièces de théâtre, films, séries télévisées, sculptures et peintures.
Dépeinte jusqu'aux années 1950 comme une sorcière ou une meurtrière ayant tué jusqu'à sept maris, la Corriveau a ensuite vu son image réhabilitée depuis la montée des mouvements nationaliste et féministe dans les décennies 1960 et 1970 : elle est depuis quelques décennies souvent présentée comme une victime de l'oppression anglaise, du système patriarcal ou de la violence anglaise.
Citations de Marie-Josephte Corriveau
modifierCitations sur Marie-Josephte Corriveau
modifierLittérature
modifier— Une affreuse chose [...], un sombre témoin de la barbarie d’un autre âge, une relique éloquente d’un de ces terribles drames judiciaires qui passent à l’état de légende dans la mémoire du peuple.
- « Une touffe de cheveux blancs (II) », Louis Fréchette, L'Opinion publique, vol. III nº 17, 25 avril 1872, p. 202 (lire en ligne)
Louky Bersianik, L'Euguélionne, 1976
modifier- Dans ce premier grand livre féministe écrit au Québec, les journalistes rendant compte de l'arrivée de la visiteuse extraterrestre et protagoniste (L'Euguélionne) la compare à plusieurs figures féminines québécoises (la Manikoutai, Pauline Archange...), dont la Corriveau.
- L'Euguélionne, Louky Bersianik, éd. La Presse, 1976, p. 19
je m'appelle Hadewyck, la Flamande, brûlée en 1310.
je m'appelle du nom de chacune des huit millions de sorcières brûlées vives jusqu'en 1782, je m'appelle du nom de chacune des héritières de ces sorcières et je viens de leur révolte masquée pour apparaître aujourd'hui au grand jour, non moins sorcière, mais plus puissante de nous toutes.
je m'appelle la Corriveau et je cherche mon histoire.- Texte rédigé par Denise Boucher, lu par Odette Gagnon lors de la célébration de la Journée internationale des femmes du 8 mars 1976.
- « Je m'en vais vous raconter mon histoire parce que ça me soulage... », Denise Boucher, Les Têtes de Pioche, vol. 1 nº 2, avril 1976, p. 4 (lire en ligne)
- Cyprine, Denise Boucher, éd. Éditions de l’Aurore, 1978, p. 95
- « Le plus-que-parfait du subjonctif », Andrée Ferretti, L'Action nationale (ISSN 0001-7469), vol. XCI nº 6, juin 2001, p. 97-98 (lire en ligne)
- Mon désir de révolution : essai, Andrée Ferretti, éd. Éditions XYZ, 2015 (ISBN 9782892619454), p. 34-36
- Poème soumis dans le cadre du Prix de poésie Radio-Canada 2015
- « Exposition », Mélissa Verreault, Radio-Canada, 2015 (lire en ligne)
Histoire et ethnographie
modifierLuc Lacourcière, 1968
modifier- « Le triple destin de Marie-Josephte Corriveau », Luc Lacourcière, Les Cahiers des Dix (ISSN 0575-089X), vol. 33 1968, p. 213 (lire en ligne)
En 1763, Marie-Josephte Corriveau qui, selon son propre témoignage, refuse de continuer à se faire battre par son mari est condamnée à mort pour le meurtre de celui-ci et pendue. Au début du XIXe siècle, le romancier Philippe Aubert de Gaspé fait d'elle un spectre horrible qui hante les voyageurs nocturnes. Les folkloristes et historiens des XIXe et XIXe siècles amplifieront la légende de la Corriveau, la rendant plus horrifiante à chaque nouvelle version.
Les femmes qui tuent leurs maris ou leurs enfants remettent en question l’autorité masculine. Deux des seules explications acceptées par les hommes pour justifier cette révolte subversive menaçant les fondements de leur autorité sont celles de la sorcière, la mauvaise femme qui connaît les secrets du diable, et de la folie. La rébellion féminine est ainsi niée et nommée de telle manière que les hommes ne se sentent plus menacés.
- À propos de la croyance en la sorcellerie dans la population de ce qui allait plus tard devenir le Québec, au cours de la période 1701-1832.
- L'Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles (1982), Collectif Clio (Micheline Dumont, Michèle Jean, Marie Lavigne et Jennifer Stoddart), éd. Le Jour, éditeur, 1992 (ISBN 2-8904-4440-6), chap. 4. L'Ancien Régime au féminin, « Croyances de toutes sortes », p. 128-129
- À propos de la criminalité féminine dans ce qui allait plus tard devenir le Québec, au cours de la période 1701-1832.
- L'Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles (1982), Collectif Clio (Micheline Dumont, Michèle Jean, Marie Lavigne et Jennifer Stoddart), éd. Le Jour, éditeur, 1992 (ISBN 2-8904-4440-6), chap. 4. L'Ancien Régime au féminin, « Vivre en marge », p. 134-136
Autres
modifierLori Saint-Martin, 1998
modifierLori Saint-Martin: Vous avez raison de parler de mythe, car la Corriveau a joué chez nous le rôle d’une figure mythique de première importance. Elle fut un temps le prototype de la mauvaise femme, de la sorcière. Puis elle est devenue pour les féministes une représentation de la femme rebelle et indépendante qui se révolte contre la domination masculine. Les féministes d’Europe et des États-Unis ont retracé l’histoire de centaines de milliers de femmes qui ont été portées au bûcher. Nous avons notre Corriveau. Le plus fort de l’histoire, c’est que les recherches ont démontré que le mari qu’on l’accusait d’avoir tué la battait. On aurait voulu l’inventer qu’on n’aurait pas fait mieux.
Pierre De Billy: Mais elle a existé précisément. Que devient la véracité historique dans tout ça?
Lori Saint-Martin: La Corriveau révoltée, anti-patriarcale des féministes, n’a pas plus de réalité historique que celle de Philippe Aubert de Gaspé qui, dans Les Anciens Canadiens, en faisait une femme qui pactise avec le diable. C’est bien pour cela qu’elle est devenue un mythe.
Pierre De Billy:Et presque une martyre de la cause féministe.
- Extrait d'une entrevue avec Lori Saint-Martin, à propos du mythe féministe de la Corriveau
- « Ras-le-bol de la nostalgie : place au métaféminisme! », Pierre De Billy, La Gazette des femmes, vol. 20 nº 1, mai-juin 1998, p. 8-10 (lire en ligne)
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Chloé Sainte-Marie: J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour Marilyn Monroe, cette icône de tous les aspects de la femme. Elle revêtait tous les archétypes de la féminité avec grâce, humour et désinvolture. Elle était la mère, la sainte, la pute. En avance sur son temps, elle a vécu sans enfant dans la liberté et dans l’image qu’elle s’était créée d’elle-même.
J’ai aussi la même admiration pour La Corriveau, la première femme moderne du Québec.
Deux femmes qui ont fait un sacrifice absolu pour la liberté d’être ce qu’elles voulaient être.- Extrait d'une entrevue avec Chloé Sainte-Marie
- « Chloé Ste-Marie : une femme sans enfant par choix », Catherine-Emmanuelle Delisle, Femme sans enfant, 28 mars 2014 (lire en ligne)
Chloé Sainte-Marie: Marilyn Monroe! C’est la plus grande. Une actrice de talent! Elle avait tout. Elle était belle, elle était brillante, elle était autant mâle que femelle. Après La Corriveau, c’est la première femme libérée d’Amérique, libérée au sens de toutes les restrictions mentales qu’un cerveau peut avoir dans un monde judéo-chrétien.
- Extrait d'une entrevue avec Chloé Sainte-Marie
- « Des choix classiques pour Chloé Sainte-Marie! », Isabelle Hontebeyrie, TVA Nouvelles, 1er septembre 2018 (lire en ligne)
Nathalie Duhamel
modifier- À propos du choix du nom du Collectif La Corriveau, destiné à aider les détenues, dont Nathalie Duhamel était alors la présidente. Citation rapportée par Anne-Marie Lapointe
- « La Corriveau pour aider les détenues », Anne-Marie Lapointe, La Gazette des femmes, 1er mars 2004, p. 7 (lire en ligne)