Max Weber

philosophe, sociologue, historien et économiste allemand

Max Weber (né le 21 avril 1864 et mort le 14 juin 1920) est sociologue et économiste allemand. Il est considéré, avec Vilfredo Pareto, Émile Durkheim, Georg Simmel et Karl Marx, comme l'un des fondateurs de la sociologie moderne.

Max Weber (1894).
Pour le reste, les réserves des puritains contre le sport, y compris celles des quakers, n'en interdisaient pas la pratique. Il fallait seulement qu'il soit mis au service d'une fin rationnelle: la détente nécessaire à de bonnes performances physiques. Lorsqu'il n'était qu'un moyen de donner libre cours, en toute naïveté, à des pulsions incontrôlées, les puritains le tenaient en revanche pour suspect, et il était évidemment tout à fait condamnable lorsqu'il devenait un simple moyen de jouissance ou éveillait l'esprit de compétition, les bas instincts ou le désir irrationnel. La jouissance instinctive de la vie, qui détournait également du travail du métier et de la piété, était le premier adversaire de l'ascèse rationnelle, qu'il s'agisse du sport "aristocratique" ou de la fréquentation des bals et des tavernes par l'homme du commun.


Les notions d'"idle talk" (bavardages oiseux), de "superfuities" (superfluités), de "vain ostentation" (vaine ostentation) - toutes renvoient à une attitude irrationnelle, dépourvue de finalité et, par suite, non ascétique, qui sert de surcroît la gloire de l'homme et non la gloire de Dieu - étaient sans cesse invoquées pour prôner résolument l'adéquation pragmatique à certaines fins contre le recours à des motifs artistiques. Cela s'appliquait tout particulièrement aux ornements directs de la personne, par exemple au vêtement.


L'exclusion de la communion par faute d'un résultat à l'examen de moralité (encore pratiqué à l'époque avec le pasteur, et non avec la communauté) avait été imposée pour la première fois par Calvin dans la paroisse des émigrés français de Strasbourg. Selon sa doctrine primitive, l'excommunication (...) n'était censée frapper que des réprouvés, mais elle fut aussi utilisée comme un moyen de "correction". En Amérique, l'excommunication formelle est aujourd'hui très rare chez les baptistes, du moins dans les grandes villes, et elle est remplacée en pratique par le "dropping": le nom du fidèle est tacitement rayé des listes. Dans les sectes et chez les indépendants, les laïcs ont toujours été les vecteurs typiques de la discipline ecclésiastique; chez les calvinistes et les presbytériens, en revanche, cette discipline avait explicitement pour fin le gouvernement et l'organisation de l'Etat et de l'Eglise.


D'une part, on donnait pour un devoir de se considérer comme élu, et d'écarter le moindre doute comme une tentation du démon, puisque le manque de certitude résultait d'un manque de foi, et donc d'une action insuffisante de la grâce. L'exhortation de l'apôtre à "fortifier" sa propre vocation était ainsi interprétée comme le devoir de gagner dans un combat de chaque jour la certitude subjective de son élection et de sa justification. Les humbles pécheurs auxquels Luther promettait la grâce s'ils se confiaient à Dieu dans le repentir et la foi avaient fait place aux "saints" disciplinés et pleins d'assurance qui s'incarnent pour nous dans les marchands puritains rigides de l'époque héroïque du capitalisme et même dans quelques figures de notre temps. D'autre part, le travail d'un métier exercé sans répit était présenté comme le moyen le plus probant d'accéder à cette certitude de soi. Le travail et lui seul était censé dissiper le doute religieux et donner la certitude de l'état de grâce.


Etant donné que ses décrets sont immuable, la grâce de Dieu ne peut être perdue par ceux à qui il l'accorde et reste inaccessible à ceux à qui il la refuse. Dans son inhumanité pathétique, cette doctrine devait influencer l'état d'esprit d'une génération qui se rendit à sa logique implacable: elle fit naître en particulier un sentiment de solitude intérieure inouïe de l'individu. Pour ce qui était la grande affaire de leur vie, la question du salut éternel, les hommes du temps de la Réforme en étaient réduits à suivre la voie solitaire qui les conduisait à un destin fixé de toute éternité. Nul ne pouvait leur venir en aide. Ni un prédicateur - puisque seul l'élu pouvait comprendre la parole de Dieu spiritualiter ("En son esprit").


Etant donné que ses décrets sont immuable, la grâce de Dieu ne peut être perdue par ceux à qui il l'accorde et reste inaccessible à ceux à qui il la refuse. Dans son inhumanité pathétique, cette doctrine devait influencer l'état d'esprit d'une génération qui se rendit à sa logique implacable: elle fit naître en particulier un sentiment de solitude intérieure inouïe de l'individu. Pour ce qui était la grande affaire de leur vie, la question du salut éternel, les hommes du temps de la Réforme en étaient réduits à suivre la voie solitaire qui les conduisait à un destin fixé de toute éternité. Nul ne pouvait leur venir en aide. Ni un prédicateur - puisque seul l'élu pouvait comprendre la parole de Dieu spiritualiter ("En son esprit").


Je demandais encore pourquoi et comment et il me répondit que l'admission dans la communauté baptiste locale, encore strictement attachée aux traditions religieuses, n'était possible qu'au terme d'une "mise à l'épreuve" minutieuse et d'une enquête extrêmement tatillone sur la "transformation" du fidèle depuis sa plus tendre enfance ("disordelry conduct?" [conduite désordonnée] fréquentation des tavernes? danse? théâtre? cartes? retards de paiements? autres marques de légèreté?) et était considérée comme une garantie absolue des qualités éthiques d'un gentleman, et surtout de ses qualités commerciales, de sorte que le nouveau baptisé était certain de recevoir les dépôts de toute la région et de bénéficier d'un crédit illimité, sans craindre la moindre concurrence. C'était un "homme accompli".


C'est là une espèce d'hommes qui soumettent leur félicité à quatre conditions: 1) se faire petit, être méprisé, être calomnié; 2) négliger tous les sens qui ne leur sont pas utiles pour servir le Seigneur; 3) ne rien posséder ou donner à autrui ce qu'on a reçu; 4) travailler comme journaliers, non pour s'enrichir, mais pour le métier et pour servir la cause du Seigneur et de son prochain".


Sans pouvoir exposer ici plus en détail les influences que le puritanisme exerça dans tous ces domaines, nous devons penser que le plaisir procuré par les biens culturels voués à la pure jouissance esthétique ou sportive n'était en tout cas licite que s'il remplissait une condition caractéristique: il de devait rien coûter. L'homme n'était que l'intendant des biens qui lui étaient échus par la grâce de Dieu et, tel le serviteur de la Bible, il devait rendre des comptes pour chaque sou qui lui avait été confié; il aurait été pour le moins blâmable de dépenser une partie de cet argent pour une fin qui n'était pas la gloire de Dieu, mais la jouissance personnelle. Pour peu qu'on ait les yeux ouverts, qui n'a pas rencontré de nos jours encore des tenants de cette conception? L'idée que l'homme a des devoirs vis-à-vis de la fortune qui lui est confiée, qu'il doit lui être soumis comme un intendant dévoué, voire une "machine à profit", pèse sur la vie comme une chape glacée. Plus la fortune augmente, plus l'homme est pénétré - si la mentalité ascétique résiste à cette épreuve - du sentiment de sa responsabilité, qui lui impose de conserver intact son bien pour la gloire de Dieu, et de le multiplier en travaillant sans relâche.
  • À propos des implications sociales de l'ascèse


(…) l'ascèse semble ici interdire toute aspiration à l'acquisition de biens matériels. (…) Ces interdits n'avaient rien de factice ~ il faut seulement les examiner plus attentivement pour saisir leur signification éthique décisive et le contexte dans lequel ils s'inscrivaient. La faute vraiment condamnable d'un point de vue moral était de se reposer sur ses possessions, de jouir de ses richesses et de tomber ainsi dans l'oisiveté et les plaisirs charnels , et surtout d'être détourné de l'aspiration à une vie "sainte". Ce n'est que dans la mesure où la possession recelait un tel péril qu'elle était réprouvée. Le "repos éternel du saint" était dans l'au-delà; sur terre, en revanche, l'homme devait, pour s'assurer de son état de grâce, "exécuter jusqu'à la tombée du jour les œuvres de celui qui l'avait envoyé". Seule l'action, et non l'oisiveté et la jouissance, permettait d'augmenter la gloire de Dieu, selon la volonté qu'il avait révélée sans équivoque possible. Dilapider son temps était donc le premier et le plus grave des péchés.
  • À propos des implications sociales de l'ascèse


La perte de temps induite par la sociabilité, les "vains bavardages", le luxe, et même par un sommeil plus long qu'il n'était nécessaire pour être en bonne santé -entre six et huit heures tout au plus-, étaient absolument répréhensibles d'un point de vue moral. Il ne disait pas encore, comme Franklin, que "le temps c'est de l'argent", mais ce principe s'appliquait déjà en un sens spirituel: le temps était infiniment précieux parce que toute heure de travail perdue était une heure de moins au service de la gloire de Dieu. Par suite, du moins lorsqu'elle s'exerçait aux dépens du travail du métier, la contemplation inactive était elle aussi dénuée de valeur, voire immédiatement répréhensible.


Abraham ou les paysans d'autrefois sont morts "vieux et comblés par la vie" parce qu'ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce que celle-ci leur avait apporté au déclin de leurs jours tout le sens qu'elle pouvait leur offrir et parce qu'il ne subsistait aucune énigme qu'ils auraient encore voulu résoudre. Ils pouvaient donc se dire "satisfaits" de la vie. L'homme civilisé au contraire, placé dans le mouvement d'une civilisation qui s'enrichit continuellement de pensées, de savoirs et de problèmes, peut se sentir "las" de la vie et non pas "comblé" par elle. En effet il ne peut jamais saisir qu'une infime partie de tout ce que la vie de l'esprit produit sans cesse de nouveau, il ne peut saisir que du provisoire et jamais du définitif. C'est pourquoi la mort est à ses yeux un événement qui n'a pas de sens.
  • « Le métier et la vocation de savant », Max Weber (1919), dans Le Savant et le Politique, Max Weber (trad. Julien Freund, Eugène Fleischmann, Éric de Dampierre), éd. Union générale d’éditions, coll. « 10/18 », 1963  (ISBN 2-264-00209-3), p. 91


Il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé […], revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime.
  • (de) Staat ist diejenige menschliche Gemeinschaft, welche innerhalb eines bestimmten Gebietes […] das Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit für sich (mit Erfolg) beansprucht.
  • « Le métier et la vocation de savant », Max Weber (1919), dans Le Savant et le Politique, Max Weber (trad. Julien Freund, Eugène Fleischmann, Éric de Dampierre), éd. Union générale d’éditions, coll. « 10/18 », 1963  (ISBN 2-264-00209-3), p. 125


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