Philipp von Boeselager

Le Baron Philipp von Boeselager (né le 6 septembre 1917 à Heimerzheim et mort le 1er mai 2008, à Altenahr) fut l'avant-dernier survivant des conjurés de l'opération Walkyrie ayant participé à la tentative d'assassinat du 20 juillet 1944 contre Hitler, dirigé par von Stauffenberg.

Philipp von Boeselager

Nous voulions tuer Hitler, 2008

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Désormais, j'avais devant les yeux la preuve de l'abominable. Il ne s'agissait donc pas de faits isolés commis par des individus dévoyés. C'était un plan rigoureux avalisé par les plus hautes instances. Il fallait se rendre à l'évidence : L'État, dans son ensemble, était vermoulu de vice et de crime. Et l'armée, par son silence, par son obéissance, se rendait complice du système. Cet état de chose nous paraît aujourd'hui aveuglant de clarté. Il ne l'était nullement pour les contemporains, persuadés que l'Allemagne était un modèle de civilisation, qu'elle ne pouvait être tombée non seulement sous une dictature, mais dans un totalitarisme meurtrier.


Au dessert, certains de ces messieurs se plaignirent qu'il n'y eût plus de fraises au quartier général du Führer, et que l'on dût se rabattre sur des cerises — ce qui était désagréable à cause du noyau. Pour finir, quelques-uns, échauffés par la boisson, demandèrent tout haut qui irait le soir venu s'occuper galamment des demoiselles du groupe Kraft Durch Freude en séjour à Winniza.
C'en était trop pour moi. A la gravité du sort de la IXe armée répondait un univers d'une pauvreté, d'une futilité déconcertantes. Sans un mot, bouillonnant, je quittai la table et sortis fumer une cigarette pour reprendre mon calme. Quelques instants plus tard, un aide de camp passa une tête dehors et m'interpella : « Le Reichsleiter Bordmann vous demande. »


J'étais obsédé par une question : était-il encore bien nécessaire d'exécuter cet attentat ? Cette question, Stauffenberg l'avait posée à Tresckow quelques jours avant l'attentat. A quoi bon risquer sa vie, et surtout celle de dizaines d'autres individus, alors que la situation militaire ne laissait plus présager que quelques mois de dictature ? Tresckow avait apporté une réponse sans détour, comme à son habitude : « L'attentat doit avoir lieu, coûte que coûte. Quand bien même il ne devrait pas réussir, il faut y aller. Car ce n'est même plus l'objet de l'attentat dont il s'agit, mais plutôt le fait de montrer au monde entier et à L'Histoire que le mouvement de résistance allemande a osé jouer le tout pour le tout, au péril de sa vie. Tout le reste, finalement, n'est que très secondaire. »
  • Nous voulions tuer Hitler, Philipp von Boeselager, éd. Perrin, 2008  (ISBN 978-2-262-02798-8), p. 167


« Au revoir, nous nous reverrons dans un monde meilleur. » Tresckow monta à bord de la voiture, qui démarra, emmenant vers la mort l'âme de cette vaste conjuration dont Oster avait été le cerveau, Beck la moelle épinière et Stauffenberg le bras armé. Tresckow avait posté, le matin du 21 juillet, une lettre d'adieux pour sa femme, maquillée en banale missive. Quelques jours auparavant, il avait glissé dans un courrier à sa chère Erika une coupure de journal reprenant ce poème :

Celui qui parvient à garder ses rèves d'enfant dans leur pureté,
A les conserver sous sa poitrine nue et sans défense,
Celui qui, malgré les ris de ce monde, ose vivre comme il l'a rêvé dans son enfance,

Jusqu'au dernier jour : oui, celui-là est un homme, un homme dans son entier.
  • Nous voulions tuer Hitler, Philipp von Boeselager, éd. Perrin, 2008  (ISBN 978-2-262-02798-8), p. 174


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