Pierre Klossowski

écrivain, traducteur et peintre français

Pierre Klossowski (Paris , 9 août 1905 - id., 12 août 2001) est un romancier, essayiste, philosophe, traducteur, scénariste, acteur et peintre français.

Un si funeste désir, 1963

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Ce que l'histoire enseigne est en réalité le contraire de ce que l'esprit "historique" y projette, non pas une progression de plus en plus consciente de l'homme, mais le retour ininterompu des même dispositions jamais épuisées au cours des générations successives ; comprendre l'histoire dans ce sens là, à l'encontre de la science qui proclame son fiat veritas pereat vita, c'est justement parvenir, grâce au stimulant de la notion de retour, à une vie hors de l'histoire ; ce qui a été possible une fois, doit l'être encore une fois, et loin d'y trouver un motif de désœuvrement ou de stérilité, l'homme doit entreprendre pour entreprendre ; ce qu'il aura voulu aura toujours été l'accomplissement de ce qu'il pensait ne pas vouloir ; car il n'échappe guère à cette existence en voulant y échapper consciemment, alors que cette existence saura le faire oublier au moment voulu pour retrouver infailliblement cette intégrité qui caractérise toute œuvre ou toute action d'envergure.
  • Un si funeste désir (1963), Pierre Klossowski, éd. Gallimard, coll. « L'imaginaire », 2014  (ISBN 978-2-07-073742-0), chap. I Sur quelques thèmes fondamentaux de la Gaya Scienza de Nietzsche, p. 18


Et ce secret - la leçon même de la Gaya Scienza - cette exaltation du mouvement pour le mouvement ruine la notion d'une fin quelconque dans l'existence et glorifie l'inutile présence de l'être en l'absence de tout but : faute de prétextes en vertu desquels la vie "vaut la peine d'être vécue", l'espèce humaine dépérit ; mais "l'instinct de conservation" en crée toujours de tels, propre à la préserver du vertige de l'être, de l'angoisse d'une existence sans but ; mais si les prétextes ont toujours pour fonction de cacher l'inutilité de l'existence (comme s'il s'agissait d'atteindre quelque chose), seuls les symboles d'une religion comme les simulacres de l'art rendent compte de l'adhésion de l'homme à l'inutilité de l'être.
  • Un si funeste désir (1963), Pierre Klossowski, éd. Gallimard, coll. « L'imaginaire », 2014  (ISBN 978-2-07-073742-0), chap. I Sur quelques thèmes fondamentaux de la Gaya Scienza de Nietzsche, p. 27


La Monnaie vivante, 1970

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Depuis le milieu du siècle dernier, les anathèmes ont été lancés au nom de la vie affective contre les ravages de la civilisation industrielle.
Imputer aux moyens de production de l'industrie une action pernicieuse sur les affects, c'est, sous prétexte de dénoncer son emprise démoralisante, lui reconnaître une puissance morale considérable. D'où lui vient cette puissance ?
Du seul fait que l'acte même de fabriquer des objets remet en question sa finalité propre : en quoi donc l'usage des objets ustensilaires diffère-t-il de l'usage de ceux que produit l'art, « inutiles » à la subsistance ?
Nul ne songerait à confondre un ustensile avec un simulacre. À moins que ce ne soit qu'en tant que simulacre qu'un objet en est un d'usage nécessaire.
  • La Monnaie vivante (1970), Pierre Klossowski, éd. Éditions Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque », 1997  (ISBN 978-2-7436-0273-4), p. 11


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