Poésie bachique
À l'origine, la poésie bachique est une tirade en l'honneur du Dieu Bacchus ; par extension, on peut considérer comme telle tout texte mettant à l'honneur les plaisirs du vin et de la table, en général sans modération.
Littérature
modifierPoésie
modifierSaint-Amant, La Débauche, XVIIè s.
modifierBacchus ! Qui vois notre débauche,
Par ton saint portrait que j'ébauche
En m'enluminant le museau
De ce trait que je bois sans eau
Par ta couronne de lierre,
Par la splendeur de ce grand verre,
[...] Par le doux chant de tes orgies,
Par l 'éclat des trognes rougies,
Par table ouverte à tout venant,
Par le bon Carême prenant,
[...] Par tes cloches qui sont tes pots,
Par tes soupirs qui sont tes rots,
[...] Par ta grosse garce Ariane,
Par le vieillard monté sur l'âne,
Par les satyres tes cousins,
Par la fleur des plus beaux raisins,
[...] Par ce jambon couvert d'épices,
Par ce long pendant de saucisse,
Par la majesté de ce broc,
Par masse, toc, cric et croc,
Par cette olive que je mange,
Par ce gai passeport d'orange,
Par ce vieux fromage pourri ;
Bref, par Guillot, ton favori,
Reçois nous dans l'heureuse troupe,
Des francs Chevaliers de la Coupe,
Et pour te montrer divin
Ne la laisse jamais sans vin.
- Les œuvres du sieur de Saint-Amant, Saint-Amant, éd. Jean Boulley, 1642, p. 153-154
Saint-Amant, La Vigne, XVIIè s.
modifierQuand ces pirates impudents,
Bacchus, te montrèrent les dents,
N'est-il pas vrai que ta vengeance
Ordonna pour son plus grand fléau,
Que cette misérable engeance
Ne boirait plus jamais que de l'eau ?
O quel sévère châtiment !
Boire de l'eau, Dieu quel tourment !
- Les œuvres du sieur de Saint-Amant, Saint-Amant, éd. Jean Boulley, 1642, p. 193
Victor Hugo, Dernière gerbe, 1902
modifierBuvons! buvons! Malheur au lugubre crétin
Qui se fait sobre afin d'apprendre le latin,
La sagesse, le grec, la vie et l'orthographe,
Et qui vit tête-à-tête avec une carafe !
- Dernière gerbe, Victor Hugo, éd. Société d'éditions littéraires et artistiques, 1902 (posthume), p. 51
Le pêcheur bas-breton tout mouillé par la mer
Séchant ses durs habits devant un feu de landes,
L'académicien sous quatre houppelandes,
Un écolier qui voit Goton mettre ses bas,
Barabbas quand le mob délivra Barabbas,
Malvina près d'Arthur assise sur la mousse,
Ne sont pas pénétrés d'une chaleur plus douce,
Ne sentent pas en eux plus de charmant émoi
Et plus d'amour que moi, bouteille, devant toi !
Bouteille! esprit du sot! babil de l'hypocrite!
- Dernière gerbe, Victor Hugo, éd. Société d'éditions littéraires et artistiques, 1902 (posthume), p. 51
Peuple! j'emplis ma panse et je deviens énorme.
Je deviens rentier, porc, homme d'état, difforme,
Crétin, triple animal, et pilier de cafés.
Mon âme étouffe et meurt sur les dindons truffés.
Je suis un être heureux, un imbécile, un ventre.
La bourgeoisie en nous avec la mangeaille entre.
Foin du poète maigre et du prophète i jeun!
Foin des blêmes voyants qui, loin du sens commun,
Des chapons, des faisans, et du punch à la glace,
S'en allaient, dans le but de voir Dieu face à face,
Au risque de cogner quelque lion bourru,
Souper d'un peu d'eau claire avec un oignon cru!
- Dernière gerbe, Victor Hugo, éd. Société d'éditions littéraires et artistiques, 1902 (posthume), p. 52