Scholastique Mukasonga
écrivaine franco-rwandaise
Scholastique Mukasonga, née en 1956 à Gikongoro au Rwanda, est une romancière franco-rwandaise.
Citations
modifierC'était bien un secret honteux qui se lovait désormais au sein du lycée comme au sein de chacune d'elles, un remords en quête de coupable, un péché inexpiable puisqu'il ne connaîtrait jamais d'aveu. Il fallait rejeter cette image : Frida comme le miroir dans lequel on pouvait lire son destin.
- Notre-Dame du Nil, Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2014, chap. Sous le manteau de la Vierge, p. 151
J'ai aussi appris que les Tutsis ne sont pas des humains : ici nous sommes des Inyenzi, des cafard, des serpents, des animaux nuisibles ; chez les Blancs, nous sommes les héros de leurs légendes.
- Notre-Dame du Nil, Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2014, chap. L'umuzimu de la reine, p. 188
Le Rwanda, c'est le pays de la mort. Toute la journée, Dieu parcourt le monde mais, chaque soir, il rentre chez lui au Rwanda. Eh bien, pendant que Dieu voyageait, la Mort lui a pris sa place, quand il est revenu, elle lui a claqué la porte au nez. La Mort a établi son règne sur notre pauvre Rwanda. Elle a son projet : elle est décidée à l'accomplir jusqu'au bout. Je reviendrais quand le soleil de la vie brillera à nouveau sur notre Rwanda.
- Notre-Dame du Nil, Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2014, chap. L'école est finie, p. 274-275
Dans ma désespérance, je fermais les yeux et je me retrouvais sur le rivage imaginé de la Rukarara. Comment aurais-je pu oublier la Rukarara ? N’était-elle pas comme inscrite dans ma chair ? Je n’avais qu’à plonger ma main dans la broussaille épaisse de mes cheveux et, me tâtant le crâne, suivre le sillon d’une cicatrice. Cette cicatrice, je la devais en quelque sorte à la Rukarara.
- « La rivière Rukarara », dans Ce que murmures les collines (2014), Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2015 (ISBN 9782070463084), p. 19
« C’est ce qui t’a sauvée, jubilait-elle, l’eau et la terre de la Rukarara t’ont sauvée mais c’est peut-être à cause de cela que tu as toujours quelque chose à dire, que tu ne tiens pas en place, comme la Rukarara, ma fille, tu iras loin. La houe d’Antoine a peut-être inversé le cours de tes pensée ! » Je me demande parfois si c’est la houe d’Antoine, l’eau de la Rukarara et la terre tirée de son lit enfouies dans mon cerveau qui ont aussi fait de moi une écrivaine.
- « La rivière Rukarara », dans Ce que murmures les collines (2014), Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2015 (ISBN 9782070463084), p. 20
- Citation choisie pour le 20 février 2022.
« Tout ce que je t’ai raconté, ce sont de veilles histoires, qui s’y intéresserait encore aujourd’hui ? Umuhoza, enfouis-les au plus profond de ta mémoire ou jette-les au vent de l’oubli. Tiens : il est temps que tu allumes ma pipe. » Je bourrai le fourneau de terre de la pipe, l’allumai avec un tison du foyer et en tirai, comme le veut la coutume, une première bouffée avant de la lui tendre. « Regarde, dit mon grand-père, les paroles se dissipent comme la fumée du tabac. »
- « La vache du roi Musinga », dans Ce que murmures les collines (2014), Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2015 (ISBN 9782070463084), p. 118-119
Un si beau diplôme !
modifierJ’ai passé la moitié de ma vie à courir après un diplôme. Ce n’était pourtant pas une thèse de doctorat, de celles qui restent en chantier toute une vie et couronne enfin une brillante carrière universitaire : non, ce n’était qu’un modeste diplôme d’assistante sociale.
- Un si beau diplôme ! (2018), Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2020 (ISBN 9782072881763), chap. 1, p. 11
Là aussi, les livres étaient rares. Mais, par un heureux hasard, j’en avais rencontré un, abandonné au bord d’une table. Il m’attendait. Je n’avais pu résister à sa belle couverture rouge et or. Ce livre, c’était Le comte de Monte-Cristo. Je le lisais et le relisais. Je le gardais caché sous mon matelas comme le plus précieux des trésors. Les malheurs du pauvre Edmond Dantès me fascinaient. Reviendrais-je comme lui au pays ? Mais faudrait-il comme lui, devenu comte de Monte-Cristo, exercer vengeance ? Ces questions me dépassaient mais, en attendant, l’école d’assistantes sociales devenait mon château d’If et il ne me restait plus qu’à trouver un abbé Faria et son trésor. Comment aurais-je pu deviner que mon trésor serait de pouvoir écrire ?
- Un si beau diplôme ! (2018), Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2020 (ISBN 9782072881763), chap. 1, p. 19