« Vladimir Nabokov » : différence entre les versions

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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XVIII|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=« Le goût est la qualité fondamentale qui résume toutes les autres qualités. C'est le ''nec plus ultra'' de l'intelligence. Ce n'est que par lui seul que le génie est la santé suprême et l'équilibre de toutes les facultés. » Ces axiomes définitifs signés [[Comte de Lautréamont|Isidore Ducasse]] dans ''Poésies I'' pourraient servir d'épigraphe à l'ensemble de cet ouvrage comme de devise à Nabokov qui ne l'a pas lu (pas plus que Lautréamont) mais use d'une formule proche dans « ''L'art de la littérature et le bon sens'' » : « la folie n'est qu'une maladie du bon sens, alors que le génie est le plein épanouissement de la santé de l'esprit ». Autant dire que si le goût constitue le principe discriminateur par excellence de jugement, de distinction, de séparation du bon grain de l'ivraie, il s'oppose au bon sens comme l'art à la pacotille, le grand écrivain à la nullité et le bon lecteur au mauvais. Or son individuation précoce et son expérience historique ont forgé en Nabokov la pensée indéracinable que l'ivraie s'incarne toujours et partout dans le ''philistin'', cet « adulte dont les ambitions sont de nature matérialiste et ordinaire, et dont la mentalité épouse les idées toutes faites et les idéaux conformistes de son milieu et de son temps ».|précisions=Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XIII|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Philistin ? L'homme qui vit à travers tout ce qui est général, social, familial, grégaire : partis politiques, écoles de pensées, mouvements artistiques, communautés. Synonyme de « bourgeois » ou « comme il faut », le philistin peuple également la mauvaise planète où prolifèrent les « ismes » de tous les grégarismes et de tous les suivismes : journalisme, sociologisme, naturalisme, académisme, réalisme, symbolisme, etc. Par définition majoritaire, traversant tous les peuples, toutes les classes sociales et tous les régimes politiques, le philistin est l'homme des lieux communs, des généralités, de stéréotypes de pensée et d'un langage où ne prédominent pas seulement les slogans politiques ou publicitaires, mais ce bas idiome communicationnel de tout un chacun, langue de bois à la base « d'expresions toutes faites, de clichés, de banalités exprimés par des mots usés ». Un équivalent russe du contenu du philistinisme est inclus dans le fameux ''pochlost'' qui sert à Nabokov de « scie critique », vaste concept impliquant les notions de « médiocre, trompe-l'oeil, banal, fade, ampoulé, de mauvais goût », mais aussi d'« inférieur, trivial, camelote, bas, toc, pacotille », et qui finira par désigner pour lui tout ce qui est « faussement important, faussement beau, faussement intelligent, faussement attrayant ».|précisions=Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XIX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Symétriques et identiquement contaminés par la morne règle : les mauvais lecteurs qui lisent n'importe quoi sans rien savoir juger ni hiérarchiser, pollués par la mode, le mauvais goût, le conformisme social. « Un philistin ne connaît rien à l'art ni à la littérature, dit Nabokov. D'ailleurs il s'en moque. Par nature il est ''anti-artistique'' mais il veut se tenir au courant et il a appris à lire des revues. »|précisions=Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Le sel de l'histoire, bien sûr, c'est que toutes ces virulentes paroles sont prononcées devant un auditoire dont Nabokov ne doute pas une seconde qu'il appartient majoritairement au camp de la règle : spécimen de l' ''homo americanus'' abreuvés de stéréotypes et de slogans, esprits petits-bourgeois à qui il aime répéter que « Ph.D. » (doctorat) signifie « département de philistins », et dont il s'échine, quelques heures par semaine, à décrotter la tête, ouvrir les yeux, réveiller l'esprit critique. « Mon problème, attaque-t-il en piqué dans son cours sur [[Fedor Dostoïevski|Dostoïevski]], est que les lecteurs auxquels je m'adresse dans ces cours ou dans d'autres ne sont pas tous avertis. Je dirais qu'un bon tiers d'entre eux ignorent la différence entre la vraie et la pseudo-littérature, et que les oeuvres de Dostoïevski peuvent leur sembler plus importantes et d'un art plus achevé que nos ineptes romans historiques américains ou des fadaises telle que ''Tant qu'il y aura des hommes''... »|précisions=Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXI|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=<poem>[...] toute règle possédant son exception, il lui arrive d'évoquer dans sa correspondance « 146 étudiants morts d'ennui et 4 enthousiastes ». Et au fond, c'est à ces quatre-là seulement qu'il s'adresse.
Car à l'opposé du philistin, à toutes les époques et dans tous les milieux, se dresse l'individu particulier, singulier, solitaire, spirituellement différent. Forcément rare et minoritaire, c'est l'artiste, mais aussi l'opposant politique, le dissident, le scissionniste, le résistant. C'est lexicalement parlant le ''libertin'' [En « fauconnerie, se dit de l'oiseau de proie qui s'écarte et ne revient pas » (Littré).], mais aussi l'excentrique, le décalé. Nul n'a été plus sensible que Nabokov à la fragilité de cette différence, de cette discordance toujours menacée, étouffée ou combattue. Pas seulement par la dictature mais par le ressentiment démocratique. Pas seulement par la censure mais par l'indifférence, l'insensibilité, voire la cruauté. « Quiconque dont l'esprit est assez fier pour ne pas se développer suivant un schéma invariable, dit-il, a en secret une bombe derrière la tête. » Mais aussi : « Plus l'individu est brillant, plus il est près du bûcher. ''Etranger'' rime toujours avec ''danger''. »
Ce « brillant étranger » (suivez son regard) est bien sûr au premier chef le grand écrivain, mais aussi l'excellent lecteur communiquant avec lui dans la jouissance de l'art.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXII|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=[...] « toute oeuvre d'art est toujours création d'un monde nouveau », d'une « entité flambant neuve ». Car la prétendue « réalité », affirme-t-il dans son cours sur ''Don Quichotte'', est « l'épithète commune, l'émotion moyenne, l'apologie de la multitude, l'univers du plat bon sens ». A l'inverse, le matériau de base est un chaos auquel « l'auteur dit Va! et le monde vacille et entre en fusion ».}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXIV|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Ce « ronronnement suprême de plaisir produit par l'impact d'une pensée voluptueuse qui est une autre façon de définir l'art authentique », Nabokov le nomme aussi « frisson ». A cet égard, ne jamais oublier que le mot se dit en italien ''capriccio'', d'où « caprice », fantaisie, liberté. L'inspiration de l'écrivain? Une «sorte de frisson spirituel», un « frisson de sauvage magie ». La lecture ? « S'il entend réellement baigner dans la magie d'un livre de génie, le lecteur avisé le lira non pas avec son coeur, non pas avec son esprit, mais avec sa moelle épinière: c'est là que se produit le frisson révélateur... »}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Attention, lenteur et patience sont nécessaires. « Un livre est une malle bourrée de quantité de choses, dit-il. A la douane, le préposé y fourrage négligemment pour la forme, mais le chercheur de trésors examine le moindre fils. » Ce n'est que par une longue fréquentation des oeuvres qu'on peut espérer en découvrir les secrets à travers les lieux, les personnes et les objets. « Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre, assène Nabokov, on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un re-lecteur. »}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Sensuel aussi, Nabokov régale ses étudiants de métaphores gourmandes où, comme il le dit lui-même de la langue de Stevenson, « tout est dit de façon appétissante », évoquant de ce dernier « la merveilleuse saveur de vin vieux » comme le « miel » et l'« huile » des phrases gracieuses de Tourgueniev, le « goût d'un lait crémeux » de sa prose, le « caramel mou » de ses poèmes, tandis que même l'abominable Gorki se compare à un « bonbon rose saupoudrée de juste assez de suie pour le rendre alléchant ». Une opération digne d'une transsubstantiation proprement érotique si l'on en croit cette phrase inouïe : « La littérature dit être émiettée, disséquée, triturée ; vous devez sentir son parfum délicieusement âcre dans le creux de votre main, vous devez la mastiquer, la rouler sur votre langue avec délices ; alors, et seulement alors, vous apprécierez son incomparable saveur à sa juste valeur, et ces fragments, ces miettes redeviendront un tout dans votre esprit, révélant la beauté d'une unité à laquelle vous avez donné un peu de votre propre sang. »}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXXI|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{interprojet|commons=Vladimir Nabokov|w=Vladimir Nabokov}}