« Joyce Mansour » : différence entre les versions

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{{citation|citation=Le reste du village ignorait l'enfant larve qui grouillait dans la solitude de sa hutte comme on essaie d'oublier la lèpre qui défigure le visage aimé. Ainsi les années se suivirent à pas de loup sur les montagnes et sur la plaine sans laisser de trace dans les champs de neige. Cela dura jusqu'au jour où le soleil se leva avec une heure de retard et dans son ivresse omit de passer l'index purificateur dans la hutte où gisait l'enfant. Le village se vida en un clin d'oeil car, malgré l'heure tardive, la chaleur et le bruit, la nuit bouillonnait étrangement dans la crèche. « Il faut payer ! Le feu sacré fuse dans ses veines ! Sauve qui peut ! » hurlèrent les mages et, hommes, femmes, cuisinières, enfants, maisons, chèvres, bateaux s'enfuirent au galop vers les montagnes aux cimes parsemées de sanctuaires. Ils partirent sans se disperser, sans mettre de l'ordre dans leurs idées, en un groupe opaque de cerveaux et de jambes disloquées par le pullulement de la peur, obnubilé par la forêt de poings qu'ils brandissaient au-dessus de leurs têtes pour se protéger du mauvais oeil.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=4648}}
 
{{citation|citation=Pâle et rissolé de confusion matinale il tituba au soleil, peu sûr de ses jambes et la nuit glissa à sa suite hors de la case, loin des fastes du cauchemar, hésitante tel un halètement dans la bure du brouillard. L'enfant chassa de son ombre les derniers filaments de nuit et posséda tout à la fois le ciel, la forêt, le village, le soleil, l'insecte qui mordillait son orteil, la flaque d'eau boueuse où s'attardait un cochon (qu'il absorba par osmose hâtivement, en passant) bref, tout ce qui l'entourait, plus l'air à perte de vue, d'un seul regard inflexible.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=48}}
 
{{citation|citation=<poem>[Dolman] sentit son épine dorsale s'étirer sous le choc de l'ossature cataleptique des girafes et, avec stupéfaction et délice, il laissa glisser ses yeux sur la savane, se sentant devenir tour à tour herbe, roseau, terre, vent, terre, terre, TERRE ! Il se maria aux sapins et leurs branchages, bruissements, oiseaux et racines entrèrent en lui sans offrir la moindre résistance. En un clignement de paupières il assimila l'arbre foudroyé. Voici qu'il était arbre... mais ses yeux couraient encore... il connut les femmes lointaines qui se dépêchaient en cliquetant sur les chemins du sommet entre les lamas aux cous lourds de signification phalliques et les hommes qui gémissaient à leurs côtés. Épuisé Dolman trébucha sur une pierre et de ses paumes couvrit ses prunelles frénétiques. Secoué par un éternuement d'exaltation, il éprouva son premier vertige.
Entre temps les villageois, ayant atteint leur but, larguèrent une rapide prière vers la vallée et revinrent sur leurs pas sans trop de hâte. L'honneur était sauf.</poem>}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=48}}
 
{{citation|citation=<poem>Plus tard, quelque vingt ans plus tard, Dolman découvrit le sexe. Tout d'abord il s'occupa uniquement de la connaissance de son corps à l'aide d'un microscope et d'une équerre, puis, moins timide, il se consacra aux fillettes qui osaient le dévisager avec cet air de sous-entendu, ces yeux mouillés, ces demi-sourires qu'on leur connaît. Il opérait à distance.
De son regard scintillant il perçait les formes rondelettes, souillait les claires tuniques, caressait les plaies et cela aussi longtemps que le supportaient ses nerfs, sans procéder au moindre échange se sang, sans même se soucier de l'ablation de l'hymen, jusqu'à ce que sa victime s'égare totalement, tremble devant lui et se convulse, nue, avide de se laisser dévorer par ces yeux infatigables.</poem>}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=48}}
 
{{citation|citation=Dolman aimait se sentir fille. Il guettait la première poussée des bourgeons sous les corsages de lin. Il fixait la fillette si gracieusement, si nouvellement nubile, s'imprégnait de son haleine poivrée, appuyait ses pupilles sur les mamelons aux reliures de velours roux en se gardant de penser à autre chose, et, boum ! il faisait mouvoir leurs seins de soie sur sa propre poitrine.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=En tant qu'esthète, Dolman était très exigeant ; ainsi, pour ne pas obliger son corps amolli pas les nuits solitaires à suivre la randonnée des formalités, il employait un vieillard nommé Chimère, qui savait se débattre avec la justice civile sans laisser de plumes.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=Dolman faisait sa commande de chair sans lever les yeux aux diadèmes de figues afin de ne pas effacer de sa peau la fraîche vision de son désir et d'être sûr de ne pas s'immiscer dans le vieux sac aux pores dilatés, aux crachats décolorés et aux connaissances de latin nommé Chimère. Celui-ci redoutait les forfaits de la magie, aussi s'en allait-il sans discuter le choix du maître, quand bien même il se fût agi de sa propre fille. Il revenait sans tarder, porteur de délices, bavant et fier. Écartelée par les bras noueux du serviteur, la proie se laissait faire dans la boue. Couverte de honte, chaque facette hésitante s'embrasant à mesure que les yeux de Dolman les animaient, la fille s'élançait sur la piste circulaire des jouissances féminines.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=Dolman variait ses plaisirs. Une indicible moquerie dans ses yeux fouineurs, il aiguisait ses sens à volonté sur le dos satiné de ses victimes. Cruel, les brunes piquantes aux petits seins et aux poils tortillés en acrostiches provoquaient en lui une rage visuelle nuancée de mélancolie, un véritable raz-de-marée de colère sadique. Il s'enfonçait en elles dans un flamboiement sanguinaire. Il se laissait pénétrer par l'épouvante de sa victime ; froissé comme elle il frissonnait de peur et pleurait, et touchait son ventre bombé, son ventre flambant, incandescent de flammes hystériques, là, sur ses maigres flancs d'adolescent.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=D'humeur gaie il pratiquait l'onanisme sacrilège sur le corps d'une pâle effigie fraîchement sortie des bras des couventines aux fesses piquées de rose.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=Narcisse en plus astucieux, il se possédait au féminin ; nécrophile, il fit déterrer sa mère et passa une nuit inoubliable à discourir pour elle sous la lune vêtu de hauts gants de Suède mauves, en compagnie d'une sauce blanche aux câpres et d'une hostie.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=Sans remords et sans repos, il ne se fatiguait jamais de lui-même ; il aplatissait ses prunelles sur chaque centimètre de son corps interchangeable et soupirait de bonheur tant il trouvait profonde sa vérité. Son désir coulait en longues rigoles meurtrières vers la victime du moment qui finissait toujours par se démener à ses pieds dénuée de pudeur et prête, sous ses yeux impitoyables, oui, prête, mais sans vainqueur. Alors Dolman riait silencieusement.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=Il apprit le langage des aliments savants, la texture des soies de l'Orient, le vol des oiseaux les plus intrépides, la pensée des sages, la mode de digestion des volcans. Et il se lassa. Il se lassa des femmes, des paysages semés de guerriers aux cris de chats, des insectes, de lui-même, du reste. Il tenta bien de ranimer son enthousiasme défaillant par toutes sortes de perversions persuasives mais la délicate ampleur de son libre pénis était dorénavant sans saveur pour lui.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=49}}
 
{{citation|citation=L'espace rythmé des fous aux bouches mobiles ne l'amusa guère. Le meurtre n'entraîna de sa part d'autre réaction qu'un ricanement cynique. Mou d'ennui il se baigna les yeux dans les bols de sang frais, dans des cous de porcs sectionnés, tandis que le cisaillaient les cuisses attentives d'un éphèbe ; il se trempa tout entier dans des plaies artificiellement purulentes ; il essaya de se perdre dans les orgies abominables de frénésie qui se terminaient presque toujours par la mort sanglante des acteurs ou la naissance d'un hybride : l'ennui gagnait sans cesse.}}
{{Réf Article|titre=Dolman le maléfique|auteur=Joyce Mansour|publication=La Brèche N°1|numéro=2|date=Octobre 1961|page=50}}
 
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