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[[FileImage:Lesser Ury Unter den Linden mit Brandenburger Tor.jpg|thumb|220px|<center>''Unter den Linden mit Brandenburger Tor'' — [[w:Lesser Ury|Lesser Ury]] (XIXè s.)</center>]]
 
== Littérature ==
=== Écrit intime ===
==== [[Paul Klee]], ''Journal'', 1957 ====
{{citation|citation=Au commencement la masculine spécialité du choc énergique. Ensuite la charnelle croissance de l'oeuf. Ou encore : le fulgurant éclair, puis la nuée pluvieuse.}}
{{Réf Livre|titre=Journal|auteur=[[Paul Klee]]|éditeur=Grasset|collection=Les Cahiers Rouges|année=1959|année d'origine=1957|page=327|section=Journal III|ISBN=978-2-246-27913-6}}
 
=== Manifeste ===
==== Les surréalistes, ''La Révolution surréaliste'' n°1, 1924 ====
{{citation|citation=Vous à qui la nature a donné le pouvoir d'allumer l'électricté à midi et de rester sous la pluie avec du soleil dans les yeux, vos actes sont gratuits, les nôtres sont rêvés.}}
{{Réf Livre|titre=Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action|auteur=Jean-Luc Rispail|éditeur=Gallimard|collection=Découverte Gallimard Littérature|année=2000|année d'origine=1991|page=170|chapitre=Témoignages et documents|section=Préface à ''La Révolution surréaliste'', n°1, 1924|ISBN=2-07-053140-6}}
 
=== Nouvelle ===
==== [[Edgar Allan Poe]], ''Nouvelles Histoires extraordinaires'', 1857 ====
''' Silence '''
{{citation|citation=C'était la nuit, et la pluie tombait ; et quand elle tombait, c'était de la pluie, mais quand elle était tombée, c'était du sang.}}
{{Réf Livre|titre=Nouvelles histoires extraordinaires|auteur=[[Edgar Allan Poe]]|traducteur=[[Charles Baudelaire]]|éditeur=Gallimard|collection=Folio Classiques|année=2006|année d'origine=1857|page=296|section=Silence|ISBN=978-2-07-033897-9}}
 
=== Poésie ===
==== [[Paul Eluard]] , ''Capitale de la douleur'', 1926 ====
''' L'image d'homme '''
{{Citation|citation=« [...] L'oeillet de poète sacrifia les cieux pour une chevelure blonde. Le caméléon s'attarda dans une clairière pour y construire un minuscule palais de fraises et d'araignées, les pyramides d'Egypte faisaient rire les passants, car elles ne savaient pas que la pluie désaltère la terre. Enfin, le papillon d'orange secoua ses pépins sur les paupières des enfants qui crurent sentir passer le marchand de sable. »}}
{{Réf Livre|titre=Capitale de la douleur ''suivi ''de L'amour la poésie|auteur=[[Paul Eluard]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1966|année d'origine=1926|page=132|partie=Nouveaux poèmes|section=L'image d'homme|ISBN=978-2-07-030095-2}}
 
=== Prose poétique ===
==== [[André Breton]]/[[Philippe Soupault]], ''[[Les Champs Magnétiques]]'', 1919 ====
{{citation|citation=Je suis menacé (que ne disent-ils pas ?) d'un rose vif, d'une pluie continuelle ou d'un faux pas sur mes bonds. Ils regardent mes yeux comme des vers luisants s'il fait nuit ou bien ils font quelques pas en moi du côté de l'ombre.}}
{{Réf Article|titre=''[[Les Champs Magnétiques]]'' partie II Saisons|auteur=[[André Breton]]/[[Philippe Soupault]]|publication=Littérature|numéro=9|date=Novembre 1919|page=5}}
 
==== [[Robert Desnos]], ''Pénalités de l'enfer'', 1922 ====
{{citation|citation=<poem>Voilà l'histoire de ma vie :
— De petits soldats en pantalons rouges sur le fiacre en temps de pluie.
La chanson sinistre du métropolitain l'axe de mon coeur.</poem>}}{{Réf Article|titre=Pénalités de l'enfer|auteur=[[Robert Desnos]]|publication=Littérature Nouvelle Série|numéro=4|date=Septembre 1922|page=10}}
 
==== [[André Breton]], ''Poisson soluble'', 1924 ====
{{Citation|citation=Plusieurs échos se répondent sur terre : l'écho des pluies comme le bouchon d'une ligne, l'écho du soleil comme la soude mêlée au sable.}}
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{{Citation|citation=La pluie commence à tomber, c'est une grâce éternelle et elle comporte les plus tendres reflets.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=38|partie=4|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Dans une seule goutte il y a le passage d'un pont jaune par des roulottes lilas, dans une autre qui la dépasse sont une vie légère et des crimes d'auberge.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=38|partie=4|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=La pluie seule est divine, c'est pourquoi quand les orages secouent sur nous leurs grands parements, nous jettent leur bourse, nous esquissons un mouvement de révolte qui ne correspond qu'à un froissement de feuilles dans une forêt.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=71|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Il y a la pluie jaune, dont les gouttes, larges comme nos chevelures, descendent tout droit dans le feu qu'elles éteignent, la pluie noire qui ruisselle à nos vitres avec des complaisances effrayantes, mais n'oublions pas que la pluie seule est divine.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=71|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Ce jour de pluie, jour comme tant d'autres où je suis seul à garder le troupeau de mes fenêtres au bord d'un précipice sur lequel est jeté un pont de larmes, j'observe mes mains qui sont des masques sur des visages, des loups qui s'accommodent si bien de la dentelle de mes sensations.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=71|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Tristes mains, vous me cachez toute la beauté peut-être, je n'aime pas votre air de conspiratrices. Je vous ferais bien couper la tête, ce n'est pas de vous que j'attends un signal ; j'attends la pluie comme une lampe élevée trois fois dans la nuit, comme une colonne de cristal qui monte et qui descend, entre les arborescences soudaines de mes désirs.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=71|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Mes mains ce sont des Vierges dans la petite niche à fond bleu du travail : que tiennent-elles ? je ne veux pas le savoir, je ne veux savoir que la pluie comme une harpe à deux heures de l'après-midi dans un salon de la Malmaison, la pluie divine, la pluie orangée aux envers de feuille de fougère, la pluie comme des oeufs entièrement transparentes d'oiseaux-mouches et comme des éclats de voix rendus par le millième écho.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=72|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Entre la pluie et moi il a été passé un pacte éblouissant et c'est en souvenir de ce pacte qu'il pleut parfois en plein soleil.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=72|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Qu'a-t-on su faire des diamants, sinon des rivières ? La pluie grossit ces rivières, la pluie blanche dans laquelle s'habillent les femmes à l'occasion de leurs noces, et qui sent la fleur de pommier.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=73|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
{{Citation|citation=Je n'ouvre ma porte qu'à la pluie et pourtant on sonne à chaque instant et je suis sur le point de m'évanouir quand on insiste, mais je compte sur la jalousie de la pluie pour me délivrer enfin et, lorsque je tends mes filets aux oiseaux du sommeil, j'espère avant tout capter les merveilleux paradis de la pluie totale, l'oiseau-pluie comme il y a l'oiseau-lyre. Aussi ne me demandez pas si je vais bientôt pénétrer dans la conscience de l'amour comme certains le donnent à entendre, je vous répète que si vous me voyez me diriger vers un château de verre où s'apprêtent à m'accueillir des mesures de volume nickelées, c'est pour y surprendre la Pluie au bois dormant qui doit devenir mon amante.}}
{{Réf Livre|titre=Poisson soluble|auteur=[[André Breton]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1996|année d'origine=1924|page=73|partie=16|ISBN=2-07-032917-8}}
 
==== [[Robert Desnos]], ''La liberté ou l'amour !'', 1927 ====
{{citation|citation=<poem>À l’horizon, un géant brumeux s’étirait et bâillait. Bibendum Michelin s’apprêtait à une lutte terrible et dont l’auteur de ces lignes sera l’historien.
À l’age de vingt et un ans, Bébé Cadum fut de taille à lutter avec Bibendum. Cela commença un matin de juin. Un agent de police qui se promenait bêtement avenue des Champs-Elysées entendit tout à coup de grandes clameurs dans le ciel. Celui-ci s’obscurcit et, avec tonnerre, éclairs et vent, une pluie savonneuse s’abattit sur la ville. En un instant le paysage fut féerique. Les toits recouverts d’une mousse légère que le vent enlevait par flocons s’irisèrent aux rayons du soleil reparu. Une multitude d’arcs-en-ciel rugirent, légers, pâles et semblables à l’auréole des jeunes poitrinaires, au temps qu’elles faisaient partie de l’accessoire poétique. Les passants marchaient dans une neige odorante qui montait jusqu’à leurs genoux. Certains entamèrent des combats de bulles de savon que le vent emportait avec un grand nombre de fenêtres reflétées sur les parois translucides.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=La liberté ou l'amour !|auteur=[[Robert Desnos]]|éditeur=Gallimard|collection=L'Imaginaire|année=1962|année d'origine=1927|page=34|section=III. Tout ce qu'on voit est d'or|ISBN=978-2-07-027695-0}}
 
=== Roman ===
==== [[Alexandre Dumas]], ''Le Capitaine Pamphile'', 1839 ====
{{Citation|citation=<poem>[...] comme le locataire du rez-de-chaussée du n°111 avait le bonheur d'être abonné au ''Constitutionnel'', il se rappela avoir lu, quelques jours auparavant, sous la rubrique de Valenciennes, que cette ville avait été le théâtre d'un phénomène fort singulier : une pluie de crapauds était tombée avec accompagnement de tonnerre et d'éclairs, et cela en telle quantité, que les rues de la ville et les toits des maisons en avaient été couverts. Immédiatement après, le ciel, qui, deux heures auparavant, était gris de cendre, était devenu bleu indigo. L'abonné du ''Constitutionnel'' leva les yeux en l'air, et, voyant le ciel noir comme de l'encre et Tom dans son jardin, sans pouvoir se rendre compte de la manière dont il était entré, il commença à croire qu'un phénomène pareil à celui de Valenciennes était sur le point de se renouveler, avec cette seule différence qu'au lieu de crapauds, il allait pleuvoir des ours. L'un n'était pas plus étonnant que l'autre; la grêle était plus grosse et plus dangereuse : voilà tout. Préoccupé de cette idée, il se retourna vers son baromètre, l'aiguille indiquait pluie et tempête ; en ce moment, le roulement de la foudre se fit entendre. La flamme bleuâtre d'un éclair pénétra dans l'appartement ; l'abonné du ''Constitutionnel'' jugea qu'il n'y avait pas un instant à perdre, et, pensant qu'il allait y avoir concurrence, il envoya chercher par son valet de chambre le commissaire de police, et, par sa cuisinière un caporal et neuf hommes, afin de se mettre à tout événement sous la protection de l'autorité civile et sous la garde de la force militaire.
Cependant les passants, qui avaient vu sortir du n°111 la cuisinière et le valet de chambre effarés, s'étaient assemblés devant la grande porte et se livraient aux conjectures les plus incohérentes ; ils interrogèrent le portier ; mais le portier, à son grand désappointement, n'en savait pas plus que les autres ; tout ce qu'il put leur dire, c'est que l'alerte, quelle qu'elle fût, venait du corps de logis situé entre cour et jardin. En ce moment, l'abonné du ''Constitutionnel'' parut à la porte du perron qui donnait sur la cour, pâle, tremblant, et appelant à son aide ; Tom l'avait aperçu à travers les carreaux, et, habitué à la société des hommes, il était arrivé en trottant, afin de faire connaissance avec lui ; mais l'abonné du ''Constitutionnel'', se méprenant à ses intentions, avait vu une déclaration de guerre dans ce qui n'était qu'une démarche de politesse, et avait prudemment battu en retraite. Arrivé à la porte du jardin ; alors la retraite s'était changée en véritable déroute et le fuyard était apparu, comme nous l'avons dit, aux yeux des curieux et des badauds, donnant des signes visibles de la plus grande détresse et appelant au secours de toute la force de ses poumons.</poem>|précisions=Tom est un ours apprivoisé.}}
{{Réf Livre|titre=Le Capitaine Pamphile|auteur=[[Alexandre Dumas]]|éditeur=Gallimard|collection=Folio classique|année=2003|année d'origine=1839|page=111|section=VIII. ''Comment Tom démit le poignet à un garde municipal, et d'où venait la frayeur que lui inspirait cette respectable milice''|ISBN=978-2-07-042652-2}}
 
==== [[Marie d'Agoult]], ''Nélida'', 1866 ====
{{Citation|citation=<poem>Guermann, irrité par ce calme qui lui semblait presque une insulte, élevait sa voix et lui donnait un accent de plus en plus vibrant. Il en vint à déclamer certains passages avec une puissance d'organe et de geste qui ne pouvait laisser aucun doute sur l'application directe qu'il en faisait à Nélida ; mais en vain. Mme de Kervaëns demeurait immobile, ne l'interrompait pas, ne levait pas les yeux ; pas un pli de sa robe ne froissait la soie du divan. On n'entendait que le bruit régulier et de plus en plus affaibli de son haleine. Indigné, à bout de patience, exalté par le retentissement de sa parole dans l'espace sonore, Guermann, ne se contenant plus, jeta le livre loin de lui et s'approcha, résolu à dire enfin à cette femme hautaine qui ne voulait rien comprendre tout ce qu'il ressentait pour elle d'ardeurs brûlantes et de violents désirs. Mais il s'arrêta tout à coup en la voyant endormie ou évanouie, c'est ce qu'il ne pouvait discerner. Les yeux de Nélida étaient clos, sa bouche était décolorée, son bras alangui avait glissé hors des coussins [...].
— Ô Galatée, s'écria-t-il en la saisissant d'une étreinte passionnée, marbre divin, éveille-toi dans les bras de ton amant ; éveille-toi à la vie, éveille-toi à l'amour...
Nélida rouvrit les yeux, et, recouvrant tout à coup ses esprits, elle s'arracha des bras de Guermann qui n'essaya pas de la retenir, tant le regard qu'elle lui jeta commandait le respect. Elle alla lentement, en silence, à la fenêtre, et, l'ouvrant malgré l'orage, elle s'appuya sur le balcon que commençaient à mouiller de larges gouttes de pluie. Guermann se laissa tomber à la place qu'elle venait de quitter, et fondit en larmes.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=Nélida|auteur=[[Marie d'Agoult]]|éditeur=Calmann-Lévy|année=2010|année d'origine=1866|page=183|partie=Troisième partie|chapitre=XIV|ISBN=978-2-7021-4127-4}}
 
==== [[Gabriele D'Annunzio]], ''Le Feu'', 1900 ====
{{Citation|citation=À cette heure, édifié par les subtils génies du Feu, un temple nouveau s’élevait là même où, dans le crépuscule, on avait cru voir un neptunien palais d’argent dont l’architecture imitait les torsions des conques marines. C’était, agrandi, un de ces labyrinthes construits sur le fer des landiers, demeures aux cent portes habitées par les présages ambigus ; un de ces fragiles châteaux vermeils aux mille fenêtres, où se montrent un moment les princesses salamandres qui rient voluptueusement au poète charmé. Rose comme une lune naissante rayonnait sur la triple loggia la sphère de la Fortune, supportée par les épaules des Atlantes ; et ses reflets engendraient un cycle de satellites. Du quai des Esclavons, de la Giudecca, de San Giorgio, avec un crépitement continu, des faisceaux de tiges enflammées convergeaient au zénith et s’y épanouissaient en roses, en lis, en palmes, formant un jardin aérien qui se détruisait et se renouvelait sans cesse par des floraisons de plus en plus riches et étranges. C’était une rapide succession de printemps et d’automnes à travers l’empyrée. Une immense pluie scintillante de pétales et de feuillages tombait des dissolutions célestes et enveloppait toutes choses d’un tremblement d’or. Au loin, vers la lagune, par les déchirures ouvertes dans cet or mobile, on voyait s’avancer une flotte pavoisée : une escadre de galères semblables peut-être à celles qui naviguent dans le rêve du luxurieux dormant son dernier sommeil sur un lit imprégné de parfums mortels. Comme celles-là peut-être, elles avaient des cordages composés avec les chevelures tordues des esclaves capturées dans les villes conquises, ruisselants encore d’une huile suave ; comme celles-là, elles avaient leurs cales chargées de myrrhe, de nard, de benjoin, d’éléomiel, de cinnamome, de tous les aromates, et de santal, de cèdre, de térébinthe, de tous les bois odoriférants accumulés en plusieurs couches. Les indescriptibles couleurs des flammes dont elles apparaissaient pavoisées évoquaient les parfums et les épices. Bleues, vertes, glauques, safranées, violacées, de nuances indistinctes, ces flammes semblaient jaillir d’un incendie intérieur et se colorer de volatilisations inconnues. Ainsi sans doute flamboyèrent, dans les antiques fureurs du saccage, les profonds réservoirs d’essences qui servaient à macérer les épouses des princes syriens. Telle maintenant, sur l’eau parsemée des matières en fusion qui gémissaient le long des carènes, la flotte magnifique et perdue s’avançait vers le bassin, lentement, comme si des rêves ivres eussent été ses pilotes et qu’ils l’eussent conduite se consumer en face du Lion stylite, gigantesque bûcher votif dont l’âme de Venise resterait parfumée et stupéfiée pour l’éternité.}}
{{Réf Livre|titre=Le Feu|auteur=[[Gabriele D'Annunzio]]|éditeur=La Revue de Paris|Traducteur=Georges Hérelle|année=1900|page=241|chapitre=I. L'épiphanie du feu}}
 
==== [[Pierre Louÿs]], ''Les Aventures du Roi Pausole'', 1900 ====
{{citation|citation=<poem>L'eau, d'une gueule de satyre aux oreilles foliesques, tombait dans une cuve naturelle de terre rouge et d'herbes vertes où s'enracinaient des lauriers-roses en touffes compactes. Ce n'était point la vasque moisie et lépreuse de nos jardins où la source inutile vient inonder une terre déjà molle de pluie. C'était une naissance de fleurs dans le sol pourpré du Midi, une fontaine de sève, une urne génitrice d'où la vie ruisselait en verdures mouvantes, et le vieux satyre, fils de Pan, regardait la jeunesse des bois descendre éternellement de ses lèvres.
Au-dessous du mascaron cornu, que la blanche Aline prenait pour le diable, deux nymphes de marbre s'enlaçaient, debout et penchées sur le bassin obscur. A la fin de chaque hiver l'amandier les couvrait de ses petites églantines. L'été, elles prenaient sous le soleil toutes les couleurs de la chair. La nuit elles redevenaient déesses.</poem>}}
{{réf Livre|titre=Les Aventures du Roi Pausole|auteur=[[Pierre Louÿs]]|éditeur=Flammarion|éditeur=GF|année=2008|année d'origine=1900|page=131|ISBN=978-2-0807-1214-1|partie=Livre deuxième|section=III. Comment le miroir des nymphes devint celui des jeunes filles}}
 
==== [[André Breton]], ''[[w:L'Amour fou|L'Amour fou]]'', [[w:1937 en littérature|1937]] ====
{{citation|Un pas de plus, de moins et, fort étonné, le visage que j'avais follement craint de ne jamais revoir se trouvait tourné vers moi de si près que son sourire à cette seconde me laisse aujourd'hui le souvenir d'un écureuil tenant une noisette verte. Les cheveux, de pluie claire sur des marroniers en fleurs...}}
{{Réf Livre|page=65|référence=L'Amour fou/Gallimard-Folio}}
 
{{citation|C'est par-dessus les têtes, puis entre elles, une pluie de flèches empoisonnées, si serrées que bientôt à ne plus se voir. L'égoïsme odieux s'emmure en toute hâte dans une tour sans fenêtres. L'attraction est rompue, la beauté même du visage aimé se dérobe, un vent de cendres emporte tout, la poursuite de la vie est compromise. Est-il besoin de dire que ces instants sont comptés, qu'ils sont à la merci d'un signe d'intelligence du coeur – un mouvement involontaire de détente, un geste familier – pour prendre fin sans laisser la moindre trace. Vénus, parce qu'elle a voulu intervenir dans la guerre des hommes, est blessée à la main, c'est-à-dire paralysée momentanément dans son action même. Au-delà elle redevient elle-même et revêt sa ceinture magique.}}
{{Réf Livre|page=141|référence=L'Amour fou/Gallimard-Folio}}
 
==== [[Benjamin Péret]], ''Mort aux vaches et au champ d'honneur'', 1953 ====
{{citation|citation=<poem>Il était environ quatre heures de l'après-midi, M. Charbon frappa trois fois la terre de son front. D'un nuage qui se trouvait à grande hauteur au-dessus de nous, une pluie de fraises s'abattit.
— Toujours le coeur ! fit M. Charbon. Il est en sécurité maintenant et il se moque de nous.
Je regardai le sol autour de nous et je m'aperçus que les fraises y avaient dessiné des lettres. Je lus : La vie est courte.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action|auteur=Jean-Luc Rispail|éditeur=Gallimard|collection=Découverte Gallimard Littérature|année=2000|année d'origine=1991|page=153|chapitre=Témoignages et documents|section=[[Benjamin Péret]], ''Mort aux vaches et au champ d'honneur'', ch. IV, 1953|ISBN=2-07-053140-6}}
 
[[Catégorie:Précipitation]]
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