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[[Fichier:The Earth seen from Apollo 17.jpg|thumb|Earth Store, la Terre-Trésor]]
[[Image:Hiroshige_Man_on_horseback_crossing_a_bridge.jpg|thumb|upright=2.2|center|<center>Hiroshige : Scène de la route du Kisokaido, près du village de Nagakubo</center>]]
 
===Les poèmes du jour===
 
<font style="font-size: 100%; vertical-align:texttop;">
{{#switch: {{rand|1|22|1}}
| 1 = <poem>« C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil de la montagne fière,
Luit ; C'est un petit val qui mousse de rayons.
 
Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pale dans son lit vert où la lumière pleut.
 
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
 
Les parfums ne font plus frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. »</poem><br>
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''[[Le Dormeur du val]]''<br />''Extrait de « Poésies »''<br />[[1870]]<br />[[Arthur Rimbaud]]</div>
 
| 2 = <poem>« Je suis triste ; le sort est dur ; tout meurt, tout passe ;
Les êtres innocents marchent dans de la nuit ;
Tu n'en sais rien ; tu ris d'écouter dans l'espace
Ce qui chante et de voir ce qui s'épanouit ;
 
Toi, tu ne connais pas le destin ; tu chuchotes
On ne sait quoi devant l'Ignoré ; tu souris
Devant l'effarement des sombres don Quichottes
Et devant la sueur des pâles Jésus-Christs.
 
Tu ne sais pas pourquoi je songe, pourquoi tombe
Kesler à Guernesey, Ribeyrolle au Brésil ;
Jeanne, tu ne sais pas ce que c'est que la tombe,
Jeanne, tu ne sais pas ce que c'est que l'exil.
 
Certes, si je pensais que j'assombris ton âme,
Je ne te dirais point toutes ces choses-là ;
Mais, vois-tu, bien qu'avril dore à sa pure flamme
Ton front, que Dieu pour moi tout exprès étoila,
 
Quoique le ciel ait l'aube et mon cœur ton sourire,
Jeanne, la vie est morne, et l'on gémit parfois ;
Puisque tu n'as qu'un an, je puis bien tout te dire,
Tu comprends seulement la douceur de ma voix. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''[[À Jeanne]]''<br />''Extrait de [[Toute la lyre]]''<br />{{date|16|août|1870}}<br />[[Victor Hugo]]</div>
 
| 3 = <poem>« Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
 
Âme sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
 
Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.
 
Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.
 
Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.
 
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''[[L'Éternité]]''<br />''Extrait de [[Derniers vers]]''<br />[[1872]]<br />[[Arthur Rimbaud]]</div>
 
| 4 = <poem>« Quand l’Ombre menaça de la fatale loi
Tel vieux Rêve, désir et mal de mes vertèbres,
Affligé de périr sous les plafonds funèbres
Il a ployé son aile indubitable en moi,
 
Luxe, ô salle d’ébène où, pour séduire un roi
Se tordent dans leur mort des guirlandes célèbres,
Vous n’êtes qu’un orgueil menti par les ténèbres
Aux yeux du solitaire ébloui de sa foi.
 
Oui, je sais qu’au lointain de cette nuit, la Terre
Jette d’un grand éclat l’insolite mystère
Sous les siècles hideux qui l’obscurcissent moins.
 
L’espace à soi pareil qu’il s’accroisse ou se nie
Roule dans cet ennui des feux vils pour témoins
Que s’est d’un astre en fête allumé le génie. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Quand l’Ombre menaça de la fatale loi...''<br />''Extrait de [[Album de vers et de prose]]''<br />[[1887]]<br />[[Stéphane Mallarmé]]</div>
 
| 5 = <poem>« J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
À poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
À ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.
 
Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
À voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au cœur !
Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
À force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''La mort du loup'' Seconde partie.<br />''Extrait de [[Les Destinées]]''<br />[[1843]]<br />[[Alfred de Vigny]]</div>
 
| 6 = <poem>« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
 
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
 
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
 
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
 
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Spleen — Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle...''<br />''Extrait de [[Les Fleurs du mal]]''<br />[[1857]]<br />[[Charles Baudelaire]]</div>
 
| 7 = <poem>« Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
 
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
 
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !
 
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''L'Albatros''<br />''Extrait de [[Les Fleurs du mal]]''<br />[[1857]]<br />[[Charles Baudelaire]]</div>
 
| 8 = <poem>« Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurciz,
Car, ce pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez ci, attachés cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéca devorée et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !
 
Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdain, quoy que fusmes occiz
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz ;
Excusez nous, puis que sommes transsis,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale fouldre
Nous sommes mors, ame ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
 
La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz :
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourciz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
Puis ca, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrarie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
 
Prince Jhésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'avons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n'a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre ! »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Ballade des pendus''<br />[[1463]]<br />[[François Villon]]</div>
 
| 9 = <poem>« Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine :
Là, l’hymen, les chansons, les flûtes, lentement
Devaient la reconduire au seuil de son amant.
Une clef vigilante a, pour cette journée,
Dans le cèdre enfermé sa robe d’hyménée,
Et l’or dont au festin ses bras seraient parés,
Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
L’enveloppe ; étonnée et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine !
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d’un rocher,
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
Par ses ordres bientôt les belles Néréides
L’élèvent au-dessus des demeures humides,
Le portent au rivage, et dans ce monument
L’ont au cap du Zéphyr déposé mollement ;
Puis de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
Et les nymphes des bois, des sources, des montagnes,
Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil,
Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil :
« Hélas ! chez ton amant tu n’es point ramenée ;
Tu n’as point revêtu ta robe d’hyménée ;
L’or autour de tes bras n’a point serré de nœuds ;
Les doux parfums n’ont point coulé sur tes cheveux. » »</poem><br>
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''La Jeune Tarentine''<br />''Extrait de [[Bucoliques. Idylles et fragments d'idylles]]''<br />[[André Chénier]]</div>
 
| 10 = <poem>« Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi,
Haleine contre haleine, échauffe-moi la vie,
Mille et mille baisers donne-moi je te prie,
Amour veut tout sans nombre, amour n'a point de loi.
 
Baise et rebaise-moi ; belle bouche pourquoi
Te gardes-tu là-bas, quand tu seras blêmie,
À baiser (de Pluton ou la femme ou l'amie),
N'ayant plus ni couleur, ni rien semblable à toi ?
 
En vivant presse-moi de tes lèvres de roses,
Bégaie, en me baisant, à lèvres demi-closes
Mille mots tronçonnés, mourant entre mes bras.
 
Je mourrai dans les tiens, puis, toi ressuscitée,
Je ressusciterai ; allons ainsi là-bas,
Le jour, tant soit-il court, vaut mieux que la nuitée. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi''<br />''Extrait de [[Sonnets pour Hélène]]''<br />[[1578]]<br />[[Pierre de Ronsard]]</div>
 
|11 = <poem>« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
 
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
 
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
 
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.»</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''A Philis''<br />[[Pierre de Marbeuf]]</div>
 
|12 = <poem>« Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse,
Au Pausilippe altier, de mille feux brillant,
À ton front inondé des clartés d’Orient,
Aux raisins noirs mêlés avec l’or de ta tresse.
 
C’est dans ta coupe aussi que j’avais bu l’ivresse,
Et dans l’éclair furtif de ton œil souriant,
Quand aux pieds d’Iacchus on me voyait priant,
Car la Muse m’a fait l’un des fils de la Grèce.
 
Je sais pourquoi là-bas le volcan s’est rouvert…
C’est qu’hier tu l’avais touché d’un pied agile,
Et de cendres soudain l’horizon s’est couvert.
 
Depuis qu’un duc normand brisa tes dieux d’argile,
Toujours, sous les rameaux du laurier de Virgile,
Le pâle Hortensia s’unit au Myrthe vert ! »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Myrtho''<br />''Extrait de [[Les Chimères]]''<br />[[1854]]<br />[[Gérard de Nerval]]</div>
 
|13 = <poem>« De l’éternel Azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poëte impuissant qui maudit son génie
À travers un désert stérile de Douleurs.
 
Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
Avec l’intensité d’un remords atterrant,
Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde
Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ?
 
Brouillards, montez ! versez vos cendres monotones
Avec de longs haillons de brume dans les cieux
Que noiera le marais livide des automnes,
Et bâtissez un grand plafond silencieux !
 
Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
En t’en venant la vase et les pâles roseaux,
Cher Ennui, pour boucher d’une main jamais lasse
Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.
 
Encor ! que sans répit les tristes cheminées
Fument, et que de suie une errante prison
Éteigne dans l’horreur de ses noires traînées
Le soleil se mourant jaunâtre à l’horizon !
 
— Le Ciel est mort. — Vers toi, j’accours ! donne, ô matière,
L’oubli de l’Idéal cruel et du Péché
À ce martyr qui vient partager la litière
Où le bétail heureux des hommes est couché,
 
Car j’y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée
Comme le pot de fard gisant au pied d’un mur,
N’a plus l’art d’attifer la sanglotante idée,
Lugubrement bâiller vers un trépas obscur…
 
En vain ! l’Azur triomphe, et je l’entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa victoire méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angelus !
 
Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu’un glaive sûr ;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse ?
''Je suis hanté''. L’Azur ! l’Azur ! l’Azur ! l’Azur ! »
</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''L'Azur''<br />''Extrait de Poésies''<br />[[1887]]<br />[[Stéphane Mallarmé]]</div>
 
| 14 = <poem>« Rompons ! Ce que j’ai dit, je ne le reprends pas.
Puisque je le pensai, c’est donc que c’était vrai.
Je le garderai jusqu’au jour où je mourrai,
Total, intégral, pur, en dépit des combats
 
De la rancœur très haute et de l’orgueil très bas.
Mais comme un fier métal qui sort du minerai
De vos nuages à la fin je surgirai,
Je surgis, amitiés d’ennuis et de débats...
 
O pour l’affection toute simple et si douce
Où l’âme se blottit comme en un nid de mousse !
Et fi donc de la sale « âme parisienne » !
 
Vive l’esprit français, d’Artois jusqu’en Gascogne
De la Champagne et de l'Argonne à la Bourgogne
Et vive un cœur, morbleu ! dont un cœur se souvienne ! »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Rompons ! Ce que j’ai dit, je ne le reprends pas.''<br />''Extrait de Bonheur''<br />[[1893]]<br />[[Paul Verlaine]]</div>
 
| 15 = <poem>
« On n'avait point posé les fondements de Rome,
On n'avait point parlé du siège d'Ilion,
La terre n'avait point reçu Deucalion,
Ni Babel divisé le langage des hommes.
 
Les sœurs de Phaéton ne pleuraient point la gomme,
Les Géants n'avaient point monté le Pélion,
Et celui qui causa notre rébellion
N'avait pas mis la dent sur la première pomme.
 
Chypre n'avait point vu ses rives écumer
De ce germe divin qui tomba dans la mer
Quand la mère d'Amour voulut sortir de l'onde.
 
Bref, nous ne savons point de siècles assez vieux,
Depuis qu'on a connu l'origine du monde,
De qui l'antiquité ne le cède à tes yeux. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Sonnet''<br />''Extrait de la seconde partie des œuvres poétiques de'' [[Théophile de Viau]]</div>
 
| 16 = <poem>« Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?
 
Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
 
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
 
Un soir, t’en souvient- il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
 
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :
 
« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
 
« Assez de malheureux ici-bas vous implorent :
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
 
« Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : ‹ Sois plus lente › ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.
 
« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »
 
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
 
Hé quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ? quoi! tout entiers perdus ?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus ?
 
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
 
Ô lac! rochers muets ! grottes! forêt obscure !
Vous que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
 
Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux !
 
Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés!
 
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise : « Ils ont aimé ! » »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Le Lac''<br />''Extrait de Premières méditations poétiques''<br />[[1820]]<br /> [[Alphonse de Lamartine]]</div>
 
| 17 = <poem>« Petit nombril, que mon penser adore,
Et non mon œil qui n'eut onques le bien
De te voir nu, et qui mérites bien
Que quelque ville on te bâtisse encore ;
 
Signe amoureux, duquel Amour s'honore,
Représentant l'Androgyne lien,
Combien et toi, mon mignon, et combien
Tes flancs jumeaux folâtrement j'honore !
 
Ni ce beau chef, ni ces yeux, ni ce front,
Ni ce doux ris ; ni cette main qui fond
Mon cœur en source, et de pleurs me fait riche,
 
Ne me sauraient de leur beau contenter,
Sans espérer quelquefois de tâter
Ton paradis, où mon plaisir se niche. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Petit nombril, que mon penser adore''<br />''Extrait de Les Amours''<br />[[1552]]<br /> [[Pierre de Ronsard]]</div>
 
| 18 = <poem>« Telle qu’était Diane, alors qu’imprudemment
L’infortuné chasseur la voyait toute nue,
Telle dedans un bain Clorinde s’est tenue,
N’ayant le corps vêtu que d’un moite élément.
 
Quelque dieu dans ces eaux caché secrètement
A vu tous les appas dont la belle est pourvue,
Mais s’il n’en avait eu seulement que la vue,
Je serais moins jaloux de son contentement.
 
Le traître, l’insolent, n’étant qu’une eau versée,
L’a baisée en tous lieux, l’a toujours embrassée ;
J’enrage de colère à m’en ressouvenir.
 
Cependant cet objet dont je suis idolâtre
Après tous ces excès n’a fait pour le punir
Que donner à son onde une couleur d’albâtre. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''La jalousie''<br />''Extrait des Plaintes d'Acante''<br /> [[Tristan L’Hermite]]</div>
 
| 19 = <poem>« Beau Monstre de Nature, il est vrai, ton visage
Est noir au dernier point, mais beau parfaitement :
Et l’ébène poli qui te sert d’ornement
Sur le plus blanc ivoire emporte l’avantage.
Ô merveille divine, inconnue à notre âge !
Qu’un objet ténébreux luise si clairement ;
Et qu’un charbon éteint, brûle plus vivement
Que ceux qui de la flamme entretiennent l’usage !
Entre ces noires mains je mets ma liberté ;
Moi, qui fus invincible à toute autre Beauté,
Une More m’embrase, une Esclave me dompte.
Mais cache-toi Soleil, toi qui viens de ces lieux
D’où cet Astre est venu, qui porte pour ta honte
La nuit sur son visage, et le jour dans ses yeux. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''La Belle Esclave maure''<br />''Extrait de La Lyre''<br />[[Tristan L’Hermite]]</div>
 
| 20 = <poem>« Avecques mon amour naît l'amour de changer.
J'en aime une au matin ; l'autre au soir me possède.
Premier qu'avoir le mal, je cherche le remède,
N'attendant être pris pour me désengager.
 
Sous un espoir trop long je ne puis m'affliger ;
Quand une fait la brave, une autre lui succède ;
Et n'aime plus longtemps la belle que la laide :
Car dessous telles lois je ne veux me ranger.
 
Si j'ai moins de faveur, j'ai moins de frénésie ;
Chassant la passion hors de ma fantaisie,
À deux, en même jour, je m'offre et dis adieu.
 
Mettant en divers lieux l'heur de mes espérances,
Je fais peu d'amitiés et bien des connaissances ;
Et me trouvant partout je ne suis en nul lieu. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Avecques mon amour naît l'amour de changer''<br />[[Nicolas Vauquelin Des Yveteaux]]</div>
 
| 21 = <poem>« Avoir peu de parents, moins de train que de rente,
Et chercher en tout temps l’honnête volupté,
Contenter ses désirs, maintenir sa santé,
Et l’âme de procès et de vices exempte ;
 
À rien d’ambitieux ne mettre son attente,
Voir ceux de sa maison en quelque autorité,
Mais sans besoin d’appui garder sa liberté,
De peur de s’engager à rien qui mécontente ;
 
Les jardins, les tableaux, la musique, les vers,
Une table fort libre et de peu de couverts,
Avoir bien plus d’amour pour soi que pour sa dame,
 
Être estimé du Prince, et le voir rarement,
Beaucoup d’honneur sans peine et peu d’enfants sans femme,
Font attendre à Paris la mort fort doucement. »</poem><br>
 
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Avoir peu de parents, moins de train que de rente''<br />[[Nicolas Vauquelin Des Yveteaux]]</div>
 
| 22 = <poem>« Alors que dans ton sein mon Portrait fut tracé,
Le Portrait de Tibère en fût-il effacé ?
Ou désaccoutumé du visage d'un traître,
L'as-tu vu sans le voir et sans le reconnaître ?
Je t'excuse pourtant, non, tu ne l'as point vu,
Il était trop masqué pour être reconnu ;
Un homme franc, ouvert, sans haine, sans colère,
Incapable de peur, ce n'est point là Tibère ;
Dans tout ce qu'il paraît, Tibère n'est point là :
Mais Tibère est caché derrière tout cela ;
De monter à son Trône il ne m'a poursuivie
Qu'à dessein d'épier s'il me faisait envie ;
Et pour peu qu'à son offre il m'eût vu balancer,
Conclure aveuglément que je l'en veux chasser :
Mais quand il agirait d'une amitié sincère,
Quand le ressentiment des bien-faits de mon Père,
Ou quand son repentir eût mon choix appelé
À la possession du bien qu'il m'a volé,
Sache que je préfère à l'or d'une Couronne
Le plaisir furieux que la vengeance donne ;
Point de Sceptre aux dépends d'un si noble courroux,
Et du vœux qui me lie à venger mon Époux.
Mais bien loin qu'acceptant la suprême Puissance
Je perde le motif d'une juste vengeance :
Je veux qu'il la retienne, afin de maintenir
Agrippine et sa race au droit de le punir ;
Si je l'eusse accepté, ma vengeance assouvie
N'aurait pu sans reproche attenter sur sa vie,
Et je veux que le rang qu'il me retient à tort
Me conserve toujours un motif pour sa mort.
D'ailleurs c'est à mon fils qu'il remettait l'Empire ;
Est-ce au nom de sujet où ton grand cœur aspire ?
Penses-y mûrement, quel que soit ton dessein,
Tu ne m'épouseras que le Sceptre à la main.
Mais adieu, va sonder où tend tout ce mystère,
Et confirme toujours mon refus à Tybère. »
</poem>
<div align=right style="font-size: 80%;"> ''Extrait de ''La Mort d'Agrippine<br />[[1655]]<br />[[Savinien de Cyrano de Bergerac]]</div>
}}
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<font style="font-size: 80%; vertical-align:texttop;">
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===Les citations===