« John Ford » : différence entre les versions

réalisateur américain (1894–1973)
Contenu supprimé Contenu ajouté
a
(Aucune différence)

Version du 8 juillet 2014 à 15:34

John Ford (1894-1973) est un cinéaste américain, également producteur. Il a été quatre fois lauréat de l'Oscar du meilleur réalisateur.

(John Ford ou le comble de la modestie !)

(...) La Guilde des Réalisateurs ne plaisantait pas. Cecil B. de Mille avait créé une fondation pro-américaine, dont le rôle consistait à communiquer à la Commission des activités anti-américaines les noms des sympathisants communistes. La liste était ensuite transmise au Congrès. Joe Mankiewicz (metteur en scène de Eve et de Jules César) était président de la Guilde, où de Mille jouait un rôle important. Celui-ci voulait que, pour pouvoir travailler à Hollywood, tous les membres de cette Guilde prêtent serment et s'engagent à vérifier les activités ou convictions politiques des acteurs et techniciens de leur équipe.

     Une pétition fut faite pour destituer Mankiewicz et pour que de Mille et ses partisans prennent la direction de la Guilde. Une opposition s'organisa in extremis, exigeant une réunion plénière pour désigner le président. De Mille accusa les signataires de cette contre-pétition d'appartenir à des organisations subversives ou leur reprocha d'être étrangers. La tempête fit rage. Un metteur en scène rappela qu'il s'était battu à Bastogne tandis que de Mille s'emplissait les poches en tournant à Hollywood. William Wyler menaça de casser la gueule à quiconque l'accuserait d'être communiste parce qu'il n'était pas d'accord avec de Mille. Seul George Stevens s'efforçait de ramener le calme en insistant auprès de de Mille pour qu'il retirât sa candidature à la présidence. Celui-ci refusa net.
     Pendant les quatre heures que dura la chaude discussion, Ford n'ouvrit pas la bouche. Étant donné ses opinions et ses amitiés, on le classait dans le clan de droite. Lorsqu'il se leva, enfin, mâchouillant son mouchoir sale, sa vieille casquette de joueur de baseball bien enfoncée sur le crâne, il y eut un silence. Tout le monde sentait qu'il allait dire quelque chose de définitif.
     « Je m'appelle John Ford, dit-il; Je tourne des westerns. Je ne crois pas qu'il y ait parmi nous quelqu'un qui connaisse mieux le public américain que Cecil B. de Mille, et qui sache mieux lui offrir ce qu'il préfère. »
     Puis, regardant de Mille en face, il poursuivit :
     « Mais je n'ai aucune sympathie pour vous, C. B. Je n'aime pas ce que vous avez dit ici, ce soir, ni ce que vous voudriez nous imposer. »
     Il exigea ensuite que de Mille fît des excuses à Mankiewicz, ce qu'il ne put obtenir. Il proposa alors de passer au vote, pour réclamer la démission de de Mille et de ses amis, et confirmer Mankiewicz dans ses fonctions. Ce qui fut fait. La discussion était close.
     Ford avait, ce jour-là, donné la preuve de son autorité et de son intégrité. Il avait aussi confirmé ce que ses amis savaient déjà. Il ne voulait à aucun prix se mêler de politique. Il lui était absolument égal d'être considéré comme réactionnaire du fait de ses amitiés. Cependant, si l'on mettait en cause les opinions de qui que ce soit, si l'on menaçait sa vie professionnelle, alors Ford intervenait. Il croyait à la liberté, au droit à une vie privée, dans les limites de la loi. C'était cela, à ses yeux, les activités américaines. Un point c'est tout.

  • John Ford, Andrew Sinclair (trad. Suzanne Chantal), éd. France Empire, 1980, p. 218-220 - La chasse aux sorcières