« Vladimir Nabokov » : différence entre les versions

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{{Réf Article|titre=Le Mot|auteur=Vladimir Nabokov|publication=Le Magazine Littéraire|traducteur=Bernard Kreise|numéro=495|date=Mars 2010|page=11}}
 
{{citation|citation=Après avoir enlacé un instant mes épaules de ses ailes gorge-de-pigeon, l'ange proféra un seul mot, et dans sa voix je reconnus toutes les voix que j'avais aimées et qui s'étaient tues. Le mot qu'il prononça était si beau que dans un soupir je fermai les yeux et baissai plus encore la tête. Ce fut comme un parfum et un tintement qui s'écoulèrent dans mes veines, ce fut comme le soleil qui se levait dans mon cerveau, et les vallées innombrables de ma conscience reprirent, répétèrent cette sonorité lumineuse et paradisiaque. Je m'en emplis ; elle battais dans mes tempes en un réseau subtil, elle tremblait comme l'humidité sur mes cils, elle soufflait en un froid délicieux à travers mes cheveux, elle baignait mon coeurcœur d'une chaleur divine.}}
{{Réf Article|titre=Le Mot|auteur=Vladimir Nabokov|publication=Le Magazine Littéraire|traducteur=Bernard Kreise|numéro=495|date=Mars 2010|page=11}}
 
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|commentaire=
}}
 
 
{{citation|citation=Avec un bref mugissement destiné à simuler la tendresse il posa un bécot sur son front, qui était aussi froid que du fromage blanc.}}
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=== ''Littératures'', 1941-1958 ===
Vladimir Nabokov a enseigné la littérature européenne de 1941 à 1958. Ces cours qu'il a professé dans plusieurs universités américaines se trouvent réunis dans ''Littératures''.
 
 
''' Bons lecteurs et bons écrivains '''
{{citation|citation=Nous ne devrions jamais perdre de vue que toute oeuvreœuvre d'art est, toujours, création d'un monde nouveau, en sorte que la première chose à faire est d'étudier ce monde nouveau d'aussi près que possible, en l'abordant comme quelque chose de flambant neuf, n'ayant aucun lien évident avec les mondes que nous connaissons déjà. Et lorsque ce nouveau monde aura été étudié de près, et seulement alors nous examinerons ses liens avec d'autres mondes, d'autres branches du savoir.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Hélène Pasquier|année=2010|année d'origine=1980|page=35|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=Bons lecteurs et bons écrivains}}
 
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''' [[Gustave Flaubert]] (1821-1880) — Madame Bovary (1856) '''
{{citation|citation=Le livre traite de l'adultère et il contient des situations et des allusions qui ont choqué le régime prude et philistin de Napoléon III. Le roman a même été cité en justice pour obscénité. Imaginez un peu cela. Comme si l'oeuvreœuvre d'un artiste pouvait jamais être obscène. Je suis heureux de vous dire que [[Gustave Flaubert|Flaubert]] a gagné son procès.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Hélène Pasquier|année=2010|année d'origine=1980|page=192|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Gustave Flaubert]] (1821-1880) — Madame Bovary (1856)}}
 
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''' [[Marcel Proust]] (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913) '''
{{citation|citation=[[Jean Cocteau]] a appelé l'oeuvreœuvre « une miniature géante, pleine de mirages, de jardins surimposés, de parties jouées entre l'espace et le temps ».}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Hélène Pasquier|année=2010|année d'origine=1980|page=287|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Marcel Proust]] (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913)}}
 
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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Hélène Pasquier|année=2010|année d'origine=1980|page=486|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=L'Art de la littérature et le bon sens}}
 
{{citation|citation=Les fous ne sont fous que parce qu'ils ont profondément et imprudemment démantelé un monde familier, mais n'ont pas le pouvoir – ou ont perdu le pouvoir – d'en créer un nouveau aussi harmonieux que l'ancien. L'artiste, lui, désassemble ce qu'il choisit de désassembler, et, ce faisant, a conscience du fait que quelque chose en lui a conscience du résultat final. Lorsqu'il examine son chef-d'oeuvreœuvre terminé, il sait que, malgré l'inconsciente opération mentale qui a accompagné le grand saut créateur, ce résultat final est l'achèvement d'un plan défini, qui était contenu dans le choc initial.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Hélène Pasquier|année=2010|année d'origine=1980|page=491|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=L'Art de la littérature et le bon sens}}
 
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''' Nikolaï Gogol (1809-1852) — « Le manteau » (1842) '''
{{citation|citation=Vous commencerez par l'alphabet, les labiales, les linguales, les dentales, les lettres qui bourdonnent, frelon, bourdon et mouche tsé-tsé. Une des voyelles vous fera dire : « Euh ! » Vous vous sentirez mentalement courbatu et endolori après votre première déclinaison de pronoms personnels. Je ne vois pourtant pas d'autre façon d'accéder à Gogol (ou d'ailleurs à n'importe quel autre écrivain russe). Comme toutes les grandes réussites littéraires, son oeuvreœuvre est un phénomène de langage et non d'idées.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Marie-Odile Fortier-Masek|année=2010|année d'origine=1980|page=602|collection=Bouquins|partie=Littératures II|section=Nikolaï Gogol (1809-1852) — « Le manteau » (1842)}}
 
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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Marie-Odile Fortier-Masek|année=2010|année d'origine=1980|page=607|collection=Bouquins|partie=Littératures II|section=Ivan Tourguéniev (1818-1883)}}
 
{{citation|citation=Avant d'aller en Allemagne, Roudine avait étudié à l'université de Moscou. Un de ses amis nous parle ainsi de leur jeunesse : « Une demi-douzaine de jeunes gens, une seule et unique chandelle de suif [...], le thé le meilleur marché, de vieux biscuits secs [...], mais nos regards flamboient, nos joues sont empourprées, notre coeurcœur bat [...] et nous parlons de Dieu, de la Vérité, de l'Avenir et l'Humanité, de la Poésie – nous disons parfois des sottises, mais qu'importe ! »}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Marie-Odile Fortier-Masek|année=2010|année d'origine=1980|page=607|collection=Bouquins|partie=Littératures II|section=Ivan Tourguéniev (1818-1883)}}
 
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== D'autres auteurs le concernant ==
{{citation|citation=<poem>Tu aimes l'art parce que tu goûtes encore l'aventure, le jeu, les dieux, rire et jouir. Tu aimes l'art parce qu'il t'innocente du cauchemar collectif, révèle ton âme comme foyer vivant d'énergie et de désir vrais, cibles et flèches érotiques. Tu aimes l'art parce que tu hais la mort et d'ailleurs n'y crois pas, le problème du temps se résolvant en épiphanies dans ta solitude pensive.
Il va sans dire alors que ces cours sont pour toi — comme d'ailleurs toute l'oeuvreœuvre de Nabokov. Car véritables exercices de guerre défensive, ils retournent contre l'ennemi les armes mêmes que ce dernier entend liquider : raison, sensibilité, esprit critique, jouissance, luxe.</poem>|précisions=Cécile Guilbert préfaçant la réédition de 2010 des cours de littérature européenne de Vladimir Nabokov, professés entre 1941 et 1958 dans plusieurs universités américaines et réunis sous le titre ''Littératures''.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=VIII|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XV|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Ce que Nabokov dispense à priori avec largesse à ses étudiants du haut de l'estrade de l'amphithéâtre Goldwin Smith, à partir de 1950, dans son célèbre cours 311-312 ? Pas moins que la crème de la littérature, les moyens critiques de la reconnaître et d'en jouir. Un ''don'' au sens du « talent » comme de l'« offrande », généreux et forcément aristocratique (''generosus'' signifie « noblesse d'extraction » et « bonté de coeurcœur ») d'un art littéraire entendu comme dépense inutile autant que désintéressée, « luxe pur et simple » dont il affirme bien haut qu'il n'a « aucune espèce de valeur pratique, sauf pour la personne qui présente la particularité très spéciale de vouloir être professeur de lettres ». Luxe de la jouissance, de la gratuité et de la connaissance pures qui concerne tout autant l'art d'écrire que celui de lire.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XVIII|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Le sel de l'histoire, bien sûr, c'est que toutes ces virulentes paroles sont prononcées devant un auditoire dont Nabokov ne doute pas une seconde qu'il appartient majoritairement au camp de la règle : spécimen de l' ''homo americanus'' abreuvés de stéréotypes et de slogans, esprits petits-bourgeois à qui il aime répéter que « Ph.D. » (doctorat) signifie « département de philistins », et dont il s'échine, quelques heures par semaine, à décrotter la tête, ouvrir les yeux, réveiller l'esprit critique. « Mon problème, attaque-t-il en piqué dans son cours sur [[Fedor Dostoïevski|Dostoïevski]], est que les lecteurs auxquels je m'adresse dans ces cours ou dans d'autres ne sont pas tous avertis. Je dirais qu'un bon tiers d'entre eux ignorent la différence entre la vraie et la pseudo-littérature, et que les oeuvresœuvres de Dostoïevski peuvent leur sembler plus importantes et d'un art plus achevé que nos ineptes romans historiques américains ou des fadaises telle que ''Tant qu'il y aura des hommes''... »|précisions=Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXI|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXII|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=[...] « toute oeuvreœuvre d'art est toujours création d'un monde nouveau », d'une « entité flambant neuve ». Car la prétendue « réalité », affirme-t-il dans son cours sur ''Don Quichotte'', est « l'épithète commune, l'émotion moyenne, l'apologie de la multitude, l'univers du plat bon sens ». A l'inverse, le matériau de base est un chaos auquel « l'auteur dit Va! et le monde vacille et entre en fusion ».}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXIV|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Ce « ronronnement suprême de plaisir produit par l'impact d'une pensée voluptueuse qui est une autre façon de définir l'art authentique », Nabokov le nomme aussi « frisson ». A cet égard, ne jamais oublier que le mot se dit en italien ''capriccio'', d'où « caprice », fantaisie, liberté. L'inspiration de l'écrivain ? Une « sorte de frisson spirituel », un « frisson de sauvage magie ». La lecture ? « S'il entend réellement baigner dans la magie d'un livre de génie, le lecteur avisé le lira non pas avec son coeurcœur, non pas avec son esprit, mais avec sa moelle épinière : c'est là que se produit le frisson révélateur... »}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=Attention, lenteur et patience sont nécessaires. « Un livre est une malle bourrée de quantité de choses, dit-il. A la douane, le préposé y fourrage négligemment pour la forme, mais le chercheur de trésors examine le moindre fils. » Ce n'est que par une longue fréquentation des oeuvresœuvres qu'on peut espérer en découvrir les secrets à travers les lieux, les personnes et les objets. « Assez curieusement, on ne peut pas lire un livre, assène Nabokov, on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un re-lecteur. »}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXX|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
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{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=XXXI|collection=Bouquins|partie=|section=Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov}}
 
{{citation|citation=<poem>En France, pour arriver jusqu'au roi, note [[Jules Michelet|Michelet]], il fallait se frayer un chemin à travers un mur de femmes. La maîtresse devint une sorte d'institution sociale ; à en croire la littérature, elle était exigeante et dangereuse, mais plus intéressante et plus agréable qu'une épouse : détail rituel du roman que ''Don Quichotte'' aurait accaparé. Dans la saison avancée de la décadence, la maîtresse devint une aguichante Lilith, l'éternel féminin en chemise de nuit en dentelles, exhalant des effluves de fatalité, de damnation et de mort. Lulu, l'a appelée Benjamin Franklin Wedekind. Molly, a dit [[James Joyce|Joyce]]. Circé, a dit Pound. Odette, a dit [[Marcel Proust|Proust]]. Et c'est dans ce choeurchœur que Nabokov a choisi sa Lulu, Lolita, dont le véritable nom, Dolorès, était plus swinburnien, en l'associant, par alliage, à ses cousines Alice (Nabokov a traduit en russe Alice au pays des merveilles), la Rose de [[John Ruskin|Ruskin]] et l'Annabel Lee de [[Edgar Allan Poe|Poe]]. Mais elle avait pour aïeule Dulcinée du Toboso.</poem>|précisions=Guy Davenport préfaçant le tome III de ''Littératures''.}}
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|traducteur=Hélène Pasquier|année=2010|année d'origine=1980|page=924|collection=Bouquins|partie=Littératures III|Préface de Guy Davenport}}