« André Pieyre de Mandiargues » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
typo
Balise : Éditeur de wikicode 2017
mAucun résumé des modifications
Balise : Éditeur de wikicode 2017
Ligne 3 :
== Presse ==
=== ''Premières réponses à l'enquête sur les représentations érotiques'', 1964 ===
{{Citation|citation=<poem>Par volonté, par goût aussi bien que par inclination naturelle, je ne crois pas avoir jamais permis à une partenaire imaginaire, sorte de succube abstrait, d'empiéter sur le domaine de la reine du moment, quelle que fût celle-là. J'ajoute qu'il me semblerait assez ignoble de chercher à posséder par intermédiaire un être inaccessible, et que tout acte sexuel est un sommet trop haut pour que l'on ne soit pas justement porté à surestimer la (ou le) partenaire avec lequel on s'élève. Pareil vœu de surestimation conduit souvent à lui donner des rôles, à la faire « jouer » sur la scène d'un théâtre imaginaire, dont la fin est sans doute de prolonger l'ascension, ou tout au moins d'éviter une trop prompte baisse d'altitude. Que l'on soit ainsi amené, parfois, à mêler au duo un jeu solitaire un peu inquiétant, je ne dirai pas non. Hors de l'acte d'amour, la rêverie érotique est généralement commandée par la volonté, et la surveillance à laquelle elle est soumise lui enlève la plus grande part de son intérêt. J'ai cependant expérimenté qu'une forte fièvre (au-dessus de 39°) ouvre chez moi tout à fait spontanément la porte à de curieuses images, qui ne laissent pas d'être troublantes. Ainsi, pendant la guerre, au cours d'un traitement médical que je suivais et dont le moyen était la fièvre artificiellement provoquée, chaque fois que ma température dépassait le degré que j'ai dit, je recevais dans ma chambre une visite imaginaire, toujours la même. C'était deux filles que je connaissais dans la réalité, deux sœurs, presque du même âge, qui n'avaient accédé ni l'une ni l'autre à mon désir. De formes un peu lourdement sculpturales (comme des statues aux yeux d'émail), elles m'apparaissaient nues, attachées dos à dos par les poignets et par les chevilles (la cheville droite de l'une attachée à la cheville gauche de l'autre, et réciproquement ; les poignets pareillement). Liées ainsi, elles composaient une espèce de monstre admirable qui évoluait sur le tapis devant moi, prenait des poses, se couchait, se relevait, se tournait et se retournait, sans me présenter jamais que bouche, seins, ventre et que le devant des cuisses. Un Janus féminin, une double femme, en somme, mais de face aussi bien devant que derrière, comme si le côté pile avait été relégué à l'intérieur. En réfléchissant, plus tard, je trouvai à cette représentation imaginaire un caractère « anti-Dolmancé », qui ne me déplait pas. Elle est également tout à l'opposé de ce que nous voyons dans un tableau célèbre de Morris Hirshfield, qui ne m'était pas connu à l'époque. Dans les années qui suivirent, je revis plusieurs fois les deux sœurs, plus floues à mesure que passait le temps, comme des photographies vieillies. Ce qui les faisait paraître autrefois n'est plus actif aujourd'hui, et je ne saurais évoquer leur souvenir sans un certain regret.</poem>|précisions=Il est ici question d'une enquête initiée par la revue surréaliste ''La Brèche'' en décembre 1964 engageant le thème des représentations érotiques.}} {{Réf Article|titre=Premières réponses à l'enquête sur les représentations érotiques|auteur=André Pieyre de Mandiargues|publication=La Brèche|numéro=7|date=Décembre 1964|page=93}}
 
== Recueils de nouvelles ==
Ligne 80 :
{{Réf Livre|titre=Soleil des loups|auteur=André Pieyre de Mandiargues|éditeur=Gallimard|Collection=L'Imaginaire|année=1979|année d'origine=1951|page=11|section=L’Archéologue|ISBN=9-782070-283477}}
 
{{citation|citation=<poem>Assis au bord de la route, sur un carreau de lave tombé probablement d'un camion vésuvien et porté par quatre gros éclats comme une table druidique, Conrad Mur jette le regard — et l'expression galvaudée reprend ici la force qu'elle devrait toujours avoir, si l'homme use de violence pour s'arracher au spectacle d'un milieu où il n'aperçoit que des formes charnelles qui le remplissent de dégoût — sur ce vaste dôme indigo faiblement arrondi en contrebas de son observatoire ; Conrad Mur projette son attention comme un caillou volant à la suite de son regard ; Conrad Mur met son entière énergie à se clore, à se défendre inexorablement contre les plus minimes sensations fournies par le monde terrestre, et bientôt, hypnotisé par la miroitante étendue sur laquelle il se reconnaît en train de glisser avec une vitesse qui luis donne le vertige, il perd conscience quant à tout ce qui n'est pas la mer.<br />
La surface en est polie comme d'une matière plastique, mais vivante, qui renverrait les coups. Conrad Mur serre les poings, se recroqueville sur le banc de lave, effrayé de ricocher, tel qu'une pierre plate pour le plaisir de gamins turbulents, de bosse en bosse sur l'énorme dos bleu où il s'est follement aventuré.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=Soleil des loups|auteur=André Pieyre de Mandiargues|éditeur=Gallimard|Collection=L'Imaginaire|année=1979|année d'origine=1951|page=12|section=L’Archéologue|ISBN=9-782070-283477}}
 
Ligne 98 :
==== ''Clorinde'' ====
 
{{citation|citation=<poem>Vint le moment qu'il fallut bien donner une issue à ton désir, si furieux qu'il te secouait de rage impuissante devant le petit corps. Et certain de pouvoir, dès que tu voudrais, retrouver ta prisonnière, tu te jetas dans la forêt ainsi qu'un homme privé de sens, étreignant le tronc des pins qui se rencontraient devant toi, roulant au fond des fossés, déchirant des tapis de capillaires et baisant la terre crue entre des pieds de chiendent, de plantain et de prêles ; mais quand ta frénésie fut éteinte et quand, souillé de boue et de débris végétaux, tu revins vers celle que tu considérais comme tienne à l'égal d'un hérisson ou d'un lézard capturé pendant une promenade, elle avait disparu. Aucun doute que l'endroit ne fût celui où tu l'avais laissée. Le lien de laine bleue ni le gravier n'avaient bougé du lit de mousse. Cependant le premier était tranché aux trois quarts de son ancienne longueur, et il baignait dans une éclaboussure de sang frais.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=Soleil des loups|auteur=André Pieyre de Mandiargues|éditeur=Gallimard|Collection=L'Imaginaire|année=1979|année d'origine=1951|page=71|section=Clorinde|ISBN=9-782070-283477}}
 
Ligne 132 :
{{Réf Livre|titre=La Marge|auteur=André Pieyre de Mandiargues|éditeur=Gallimard|collection=Folio|année=1967|page=55|chapitre=II|ISBN=2-07-037294-4}}
 
{{Citation|citation=<poem>Le bain de minuit, que lui ont appris les récits de Sergine qui vécut à Nice avant d'être étudiante à Montpellier, n'est pour lui qu'à l'état imaginaire, néanmoins c'est comme on se jette à l'eau dans l'ombre ou sous la lune qu'il se joint au flot humain difficilement contenu entre les bords d'Escudillers. Bois flotté à fil de courant, fétu entre des milliers de fétus qui dérivent, feuille tombée de la berge à la saison de la chute, il se laisse aller et se plaît à cette mise en commun qu'il doit non pas à des ténèbres mais au remplacement de la lumière solaire par une foison de lampes électriques. Sa volonté, ses facultés d'observation, provisoirement sont abolies. Il ressent une fraîcheur qu'il attribue à la condition de noctambule.<br />
Puis il se rend compte qu'il approche de la Rambla. S'il a pris cette direction, c'est par l'effet du hasard, ou peut-être parce que la circulation est plus forte par là que dans le sens opposé.</poem>}}
{{Réf Livre|titre=La Marge|auteur=André Pieyre de Mandiargues|éditeur=Gallimard|collection=Folio|année=1967|page=55|chapitre=II|ISBN=2-07-037294-4}}