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{{citation|L'on commence à se passer de la France, la France est ignorée de plus en plus et qu'elle disparaisse, on ne le remarquera point, tant elle est devenue légère. Faux-monnayeurs, vous l'avez emporté, vous pouvez savourer votre triomphe ! Je vous connais, moi, qui vous parle, vous étouffez si bien ceux qui ne vous ressemblent pas, vous les subodorez de loin et nul d'entre eux ne vous échappe, votre système est infaillible et vos défenses sans défaut, c'est la victoire du néant sans contestation possible et je m'incline, vous êtes les plus forts et ce pays sera toujours plus faible, tel est le sens apparemment de son Histoire.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=104}}
 
{{citation|J’ai l’impression de grandir au jour le jour, nul homme ne m’offense et nulle chose ne m’affecte, je n’ai plus peur de rien ni de personne, c’est un état que l’on retrouve chez les philosophes et – paraît-il – chez les mystiques, je suis vraiment aux antipodes des Français comme des Espagnols, ces gens qui vivent pour les autres et pendent à l’opinion, les autres je les tiens crépusculaires, l’opinion je la crois irréelle.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=122}}
 
{{citation|Ici tout devient odieux et méprisable, les hommes en place à l’égal de l’opposition, les journaux à l’égal des livres, les idées à l’égal des formes, le désespoir d’une partie de la jeunesse en est la conséquence, mais la jeunesse que veut-elle et que peut-elle changer au système ? Ses maîtres à penser, que valent-ils au juste ? les uns me semblent des illuminés, les autres des sophistes et je les renvoie dos à dos, la France est engluée, aucune révolution n’y peut changer quoi que ce soit et la fatalité s’en mêle, la France n’est plus libre ni même de se réformer, elle subit ce qu’elle n’entend pas, elle se trompe comme elle respire [...].}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=124}}
 
{{citation|Ma conviction personnelle est qu’un Français n’est plus en possession d’arrêter le déclin de la France, pas même un naturalisé de fraîche date, au moins dans la mesure où se voulant Français, il singe les défauts de ce pays (et c’est ce qu’ils font tous). Que faudrait-il alors ? Importer les régents et leur donner la France à gouverner, jamais plus de deux ans de suite, les payer et les renvoyer, les remplacer par d’autres, ne leur permettre en aucun cas ni de s’y marier ni de s’y lier de trop près avec les naturels et moins encore d’y placer de l’argent. Alors et seulement alors on romprait l’engrenage du système, le système étant consubstantiel à la nature sociable des Français et plus encore de leurs singes.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=124}}
 
{{citation|La France n'a donc plus d'élites, la France n'a donc plus d'idées, la France n'a donc plus de mission, elle a des instincts très puissants, elle a des intérêts très despotiques, elle a des habitudes et des convenances et rien d'autre...}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=127}}
 
{{citation|Pourquoi ce pays n’a-t-il plus d’élites ? s’il en avait encore, il aurait une mission, un style et des idées, sa langue ne serait pas devenue l’affreux jargon qui blesse déjà nos oreilles, sa politique enfin n’eût pas été si malheureuse et quelquefois si méprisable. Il n’a donc plus d’élites, il a des classes dominantes et c’est tout, il en a plusieurs et qui sortent de diverses souches, elles se mêlent plus ou moins, on trouve là-dedans quelques porteurs de noms illustres, beaucoup de mandarins recrutés au concours et plusieurs parvenus aussi, dont la présence étonne.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=128}}
 
{{citation|Je suis sereinement et froidement athée, je crois en la mort éternelle et cette idée me semble des plus consolantes, les dieux n’ont jamais été que la projection de nos contenus mentaux aboutissant à métamorphoser le vide, enfin ce sont des œuvres d’art et dont nous sommes les auteurs, en l’oubliant nous devenons stupides, en nous le rappelant sans cesse nous méritons le titre de spirituels. Les vrais spirituels – et j’en suis un – n’adorent jamais les dieux que la foule encense, ils ont présent à leur mémoire que les divinités sont des supports des inclinations qui nous habitent et qu’elles nous permettent de les dominer au travers d’elles, les dieux sont des moyens et que nous employons pour nous déterminer nous-mêmes. A partir du moment où nous nous concevons, les dieux ne sont plus nécessaires et nous les payerons d’ingratitude en les laissant tomber.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=130}}
 
{{citation|L’univers où parut un jour, par accident, l’espèce humaine, est inhumain, c’est un énorme mécanisme plein de défaillance et dont les fautes semblent légion, il règne là le gaspillage le plus insensé, la vie en est le plus souvent absente et quand elle s’y manifeste, elle est toujours en épiphénomène à la limite du parasitisme. Les hommes sont les parasites de la Terre, ils en épuisent la substance et ce qu’ils ne dévorent, ils le polluent, leur multiplication fut le but de presque toutes les morales et si nous n’abolissons les secondes, instaurant l’immoralité systématique, laquelle est dépeuplante, nous nous immolerons par milliards au nom de ces principes inspirés, où nous cherchons la volonté du Ciel, un Ciel barbu, pourvu d’un sexe masculin, mais qui n’en use pas, à ce qu’assurent les religions prétendues révélées.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=130}}
 
{{citation|Quel est le moyen de voir juste ? de se compter pour rien d’abord et cela n’a jamais été facile. Un homme, qui joue un grand rôle, ne peut faire abstraction de soi-même : aussi les livres écrits par les politiques, les diplomates et les militaires emportent-ils un plaidoyer, quand ils sont malheureux et lorsqu’ils sont heureux, une manière de panégyrique. Le plus rare est qu’ils reconnaissent leurs limites et qu’ils avouent, non sans humilité, leurs fautes, c’est trop leur demander que d’oublier un seul moment leur personnage. Un homme obscur, s’il est de plus un philosophe, est en possession de s’ignorer par esprit de méthode et d’être un contemplateur désintéressé, ce genre d’exercice est une forme d’ascétisme et par laquelle le ressentiment, que l’on éprouve à raison de l’obscurité, se dissout bel et bien.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=132}}
 
{{citation|[U]n homme, sain de corps, né dans la classe dominante et sûr d’arriver aux honneurs sans se prostituer en route, n’a pas l’idée de mettre le siècle en problème, il serait fou de consumer son temps à peser le pour et le contre, il ira droit au but, à l’argent, au pouvoir, aux jouissances, en un mot à la possession de cette Terre, il ne lira pas même nos pareils, dont il se moquera le plus souvent, les qualifiant d’esprits chimériques. Lui donnerons-nous tort ? La moitié d’entre nous l’envient...}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=132}}
 
{{citation|Un homme satisfait et vécût-il en un pays où tout se désassemble, a trop de bonheurs pour se soucier outre mesure du déclin général, qui l’enveloppe. Un homme mécontent et subsistât-il au sein d’une nation à l’apogée, n’est pas sensible à la félicité publique et devenu le juge de son temps, il nous en rendra le revers. Je pense, dans le premier cas, à Ligne, dans le second, à La Bruyère, j’adore l’un et je ne puis estimer l’autre, au premier je pardonne une frivolité, dont il n’est pas beaucoup d’exemples, au second je reproche une mauvaise humeur et même une aigreur, qui se font jour plus de cent fois. Dans les écoles, on ignore Ligne et l’on appuie sur La Bruyère, mais La Bruyère est-il vraiment plus objectif que Ligne ? il en prend seulement la mine et nous le croyons sur parole, nous entrons mieux dans la peau de son personnage et pour un grand seigneur, il est mille petits bourgeois de son espèce, nous finissons par supposer que l’objectivité se met aux voix et que les majorités en décident.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=133}}
 
{{citation|Je me rendis athée, après ce qu’il est convenu d’appeler une crise plus ou moins mystique, où j’entrepris de croire et parvins à m’abasourdir, [...] mais il fallut passer par là pour devenir moi-même, en la matière le chemin le plus court n’est pas la ligne droite, un homme n’aboutit – hélas ! – à son humanité que par le truchement des dieux et l’athéisme se mérite, on n’est pas athée de plein saut, on ne serait alors qu’idolâtre.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=134}}
 
{{citation|L’esprit n’avance que par les chemins obliques et l’on doit brûler plusieurs fois ce qu’on adore, le signe que l’on touche à terme consiste à se penser pensant, espèce d’opération à quoi l’on reconnaît le philosophe. A partir de ce moment-là, nous pouvons et nous concevoir nous-mêmes et retrouver les cheminements de l’esprit, lesquels ne sont pas innombrables, malgré les différences de vocabulaire.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=134}}
 
{{citation|Le paradoxe est que la philosophie ne nous aide pas à bien nous concevoir et que le secours de la foi, dans les commencements, paraît très nécessaire. Sans la théologie, on n’aboutit pas même à son prélude, il s’agit d’en sortir après.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=134}}
 
{{citation|Je n’aime pas les hommes providentiels et lorsqu’un peuple pend à leur personne, c’est preuve que ce peuple ne vaut rien, j’appelle grand tout peuple qui s’en passe ou qui, se servant d’eux, les congédie en les payant d’ingratitude. Les bonnes institutions, qu’anime un esprit général ayant assez de clartés et beaucoup de caractère, annoncent la présence d’une élite et lorsqu’un pays l’a, les hommes providentiels sont superfétatoires.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=137}}
 
{{citation|Le monde est un Enfer que nous devons organiser, l’honneur s’y réduit à jouer les diables, le déshonneur à jouer les damnés, c’est la marmite dans laquelle les uns cuisent et sur laquelle sont assis ceux qui les feront cuire. Nous deviendrons de plus en plus féroces, parce que nous manquons de place et que nous multiplions toujours davantage, nous ne désarmerons pas de sitôt et l’avenir immédiat ne nous permet aucun espoir, le changement de sensibilité n’aura lieu que passé la catastrophe et c’est au milieu des ruines de cet univers que nous remonterons aux sources de nos institutions morales, afin d’en renverser les dispositions.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=141}}
 
{{citation|Plus que jamais, il nous faudrait des maîtres philosophes, à l’égal d’Alexandre et de César, des génies politiques issus des maisons les plus illustres. Où les trouver ? la bourgeoisie n’en produit guère et nous n’avons partout que des bourgeois, fût-ce sous l’étiquette communiste. Il est bizarre de songer que lorsqu’il s’agit d’étalons ou de taureaux, nous prenons des soins incroyables, mais non pas quand il s’agit d’hommes, nous avons peur de passer pour racistes et nous fermons les yeux sur l’évidence, nous n’arrêtons de professer, comme des imbéciles, que nous naissons nus physiquement, métaphysiquement et d’autres balivernes empruntées à l’arsenal des religions révélées et que le Communisme reçut à son tour.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=144}}
 
{{citation|Les maîtres de la France, héritiers de la Monarchie, auront perpétué les vices de la Monarchie sous la façade de la République, ils ont parfait le centralisme et couronné l’œuvre des Rois, changé le Royaume en banlieue à force d’étrangler, l’une après l’autre, ses Provinces. L’esprit de Cour, lequel se renfermait, sous Louis XIV, en un seul château, se répandit sur une nation et c’est ce qu’on appelle le Système, car le Système est le legs de la Monarchie et c’est l’essence de la République.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=153}}
 
{{citation|A tous ceux qui me lisent et m’estiment, je donne le conseil suivant : ne déifiez sous aucun prétexte ni l’homme ni la femme et moins encore l’animal, admirez l’œuvre en oubliant l’auteur, soyez ingrats, vous serez libres, que l’admiration ne vous enchaîne pas à sa trop misérable cause, la cause ne mérite point votre adoration rampante.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=173}}
 
{{citation|Le plus saint d’entre les mortels et le plus hautement doué ne doit pas vous faire oublier qu’il est ce que vous êtes et que la différence ne suffit à compenser votre abandon. Si vous divinisez votre prochain, vous resterez des bêtes et vous ressemblerez aux chiens, pour qui les hommes sont des dieux.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=173}}
 
{{citation|Je vous le dis en vérité : les sauveurs sont des pestes, car après eux viennent les imposteurs, qui s’en réclament, et c’est en vous passant des uns que vous éviterez les autres. Vivez de telle sorte que vous n’ayez besoin d’être sauvés et n’attendez rien du salut, c’est une illusion et que vous payerez avec usure, il est de trop entre vous-mêmes et l’horreur, l’honneur est préférable à la rédemption.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=173}}
 
{{citation|Que si j’étais Français moi-même, né dans le fond d’une province et recevant les impressions que tout Français recevra, si plein de ces idées pour une moitié fausses, j’allais ensuite faire mes études dans une grande ville, avant que de les parfaire à Paris, j’arriverais à l’âge de vingt-cinq ou de trente ans, ayant le chaos dans la tête et – pour y remédier – un système roulant sur les sous-entendus et sur les convenances, je serais à la fois un homme d’ordre et de désordre, ainsi qu’ils le sont presque tous, je maintiendrais les apparences à quelques pas du précipice et je lui tournerais le dos, afin de n’être pas troublé dans la poursuite de mes intérêts et la chasse au bonheur. Je n’irais certes pas au bout de mes pensées, ce serait l’exercice le plus inutile et dont on ne me saurait gré, nul ne le pratiquant ici, qu’il n’incommode ses compatriotes, je serais plus ou moins frivole en dernière analyse à l’imitation des gouvernants, qui ne s’en privent guère.}}
{{Réf Livre|titre=Ma confession|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|année=1975|page=237}}
 
=== ''Bréviaire du chaos'' (1982) ===