« Jean Raspail » : différence entre les versions

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Les Yeux d'Irène
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{{Citation
|citation=Les grands canots portaient dix personnes, une famille et quelques isolés pour faire nombre. Le père était le chef et au dessus du père il n'existait pas d'autre chef. Ils ne formaient pas une nation. Même pas un peuple. A peine des clans, c'est-à-dire des additions de bras nécessaires à la manœuvre d'un canot. Combien de canots autrefois ? Qui l'avait jamais su...su… Peut-être une centaine. Au détour d'une île, parfois on se rencontrait. On s'appelait par des feux de fumée. Dans certains chenaux mieux abrités qui servaient de lieux de rendez-vous, ou bien à l'occasion de festins de baleine quand l'un de ces monstres s'était échoué, on se retrouvait à plusieurs canots. Pour un jour ou pour une heure, l'isolement était brisé. Chacun considérant les autres, ceux des autres canots, pour une fois se sentait moins seul et tous parlaient la langue des Hommes. On échangeait des nouvelles, on complétait les équipages au rythme des morts et des naissances, les mâles se choisissaient des femmes et puis l'on repartait. On poussait les canots à l'eau et la flottille se dispersait. C'était le destin. Il fallait sans cesse bouger, se remettre en mouvement, fuir les lieux les plus accueillants car Ayayema veillait.
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{{Réf Livre|titre=Qui se souvient des hommes...
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{{Citation
|citation=« Te voilà. Sois le bienvenu chez toi, Lafko. C'est vrai que tu es petit et laid, et que tu as l'intelligence misérable, que tu sens mauvais, que tu es sale. » « Mais vois comme tu me ressembles...ressembles… »
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{{Réf Livre|titre=Qui se souvient des hommes...
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{{Citation
|citation=Aussi vais-je écouter Kandall lorsque le soir il réunit les enfants dans son wagon et leur raconte des histoires. Invente-t-il ? A-t-il vécu tout cela ? Les peuplades qu'il ressuscite pour les regarder mourir ont-elles jamais existé ? Qu'importe. Les enfants l'écoutent avec des yeux immenses car Kandall sait transformer la mort en un commencement et ses récits vont bien au-delà de la tristesse. J'imagine qu'il nous racontera un jour, peut-être demain, comment est mort le peuple du train qui voulait mourir seul...seul…
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{{Réf Livre|titre=Septentrion
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{{Citation
|citation=Je me souviens de celle-ci, dans la bouche d'un jeune homme qui aurait aujourd'hui vieilli de quarante ans et se faisait une idée très personnelle de ses semblables : « Et cette terreur soudaine, d'être confondu parmi eux, comme on le serait dans une tribu de singe ». Et celle-là, tirée d'un vieux roman dont l'auteur m'était inconnu. Le gouverneur lisait bien, sans effet, il aimait la petite musique fragile des mots : « Une vague est morte sur nos rives matérielles. Sans bruit, sans force, car elle venait de très loin. Je l'ai prise dans le creux de mes mains. Puis elle m'a échappé et il n'en restait rien...rien… »
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{{Réf Livre|titre=Septentrion
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{{Citation
|citation=Dans les Andes, on ne compte pas quatre éléments, mais cinq : l'air diaphane, l'eau insondable des lacs, le feu des volcans, la terre qui tremble, et le silence. Un silence de sépulcre, d'ordre divin, que seule trouble la voix des esprits en soulevant des trombrestrombes de poussière qui emportent l'âme des humains : le vent. L'homme écoute le vent, dans les Andes, comme la voix de son créateur. Confondu dans sa petitesse, relégué à l'état d'épisode, conscient de son impuissance, il s'est cherché des alliés dans l'au-delà. Soleil, lune, lacs, montagnes, cascades, rivières, rocs et vents, glaciers, et toutes les forces de la nature, tout est déifié.
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{{Réf Livre|titre=Pêcheur de lunes
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{{Citation
|citation=« Nous autres, le peuple du Lac, nous ne sommes pas des hommes...hommes… Notre sang est noir...noir… La foudre ne peut pas nous frapper...frapper… Nous ne parlons pas la langue des hommes et ils ne comprennent pas ce que nous disons...disons… Notre tête est différente de celle des autres Indiens...Indiens… Nous sommes un peuple à part, très vieux, le plus vieux. Nous ne sommes pas des hommes...hommes… »
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{{Réf Livre|titre=Pêcheur de lunes
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== ''[[w:Journal Peau-Rouge|Journal Peau-Rouge]]'', 1975 ==
{{Citation
|citation=Terre ? Tribu légale ? Pour quoi faire ? répéta Peter. [[w:Mohicans|Les Mohicans]] ne sont pas des mendiants. Ils gagnent leur vie. Nous méprisons les secours du B.I.A. et le prix payé pour les souffrances passées. Quant à notre terre, la voilà ! (Il désignait d'un geste tout le pays autour de lui, son chantier, l'usine voisine, la ville là-bas où il habitait.) Nous ne l'avons jamais quittée. Pourquoi nous réfugier sur un petit bout de territoire ? A trente familles que nous sommes, alors nous aurions vraiment l'impression d'avoir perdu notre pays. Tandis que dispersés, circulant pour nous rendre visite, nous pouvons imaginer que tout le Connecticut est encore mohican...mohican…
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{{Réf Livre|titre=Journal peau-rouge
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== ''[[w:L'Anneau du pêcheur|L'anneau du pêcheur]]'', 1995 ==
{{Citation
|citation=C'est difficile d'obtenir une soupe et du pain, un soir de Noël, dans une ville. L'homme avait déjà essuyé plusieurs refus dans les cafés de la place d'Armes décorés de guirlandes électriques. Il s'asseyait à une table à l'écart, la plus discrète, la plus isolée, posait son havresac à ses pieds, et au serveur qui se présentait, demandait : « Une soupe et du pain, s'il vous plaît », en ouvrant la paume de sa main droite sur une unique pièce de dix francs. Il y avait du pain, mais en sandwich seulement, et en tout cas rien pour dix francs. L'homme insistait d'une voix douce. il souhaitait manger chaud. La nuit serait longue. Un café peut-être ? Ça ne nourrit pas. Alors un croque-monsieur ? Un hot dog ? Avec dix francs ? Le serveur haussait les épaules. Ou bien filait vers la caisse glisser quelques mots à une grosse dame aux cheveux bleus et aux ongles violets qui jetait un regard dans sa direction et hochait négativement la tête, l'air outré. le garçon revenait : « On ne sert pas les...les… » Qu'avait-il voulu dire ?
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{{Réf Livre|titre=L'anneau du pêcheur
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{{Citation
|citation=Benoît les attendait, immobile, son sac posé à ses pieds, la tête inclinée sur la poitrine, priant en silence. Il ne priait pas, il était mort, avec, sur ses lèvres entrouvertes, le sourire du pape Garnier, dans la grotte de l'Étoile, il y avait si longtemps, et des trente et un autres Benoît après lui...lui… Il ne fut pas nécessaire de lui fermer les yeux. Il l'avait fait lui-même.
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{{Réf Livre|titre=L'anneau du pêcheur
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== ''[[w:Sept cavaliers|Sept Cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée]]'', 1993 ==
{{Citation
|citation=Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule, face au soleil couchant, par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée. Tête haute, sans se cacher, au contraire de tous ceux qui avaient abandonné la Ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d'imaginer. Ainsi étaient-ils armés, le cœur et l'âme désencombrés scintillant froidement comme du cristal, pour le voyage qu les attendait. Sur l'ordre du margrave héréditaire, simplement, ils allaient, ils s'étaient mis en mouvement et le plus jeune d'entre eux, qui n'avait pas seize ans, fredonnait une chanson...chanson…
|précisions=Incipit
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{{Citation
|citation=
CaÇa ne s'améliore pas là-dedans.<br />
– Ah non ! C'est de plus en plus dégueulasse.<br />
De nombreuses banquettes avaient été lacérées. Le sol était recouvert de déchets, les parois maculées de peinture. Les voyageurs évitaient de regarder. Ils évitaient aussi de se regarder. Les femmes qui se croyaient jolies étaient laides, et celles qui étaient belles s'enlaidissaient. Des mendiants passaient, se succédant, l'air agressif ou implorant, selon. Ils y avaient des pieds posés sur des sièges que lorgnaient de pauvres vieillards debout souffrant de leurs articulations.
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{{Citation
|citation=Apprenez, mon jeune ami, et retenez une fois pour toutes, qu'il n'existe pas de Canadiens français. Il n'y a que des Canadiens, point à la ligne, et c'est nous ! Les autres, ce sont les anglais, établis par la force chez nous dans un pays qui fonctionnait très bien sans eux depuis plus de cent cinquante ans, un pays déjà exploré, cartographié, reconnu, administré, dans lequel ils n'ont eu que la peine de s'installer. Ça n'en fait pas pour autant des Canadiens...Canadiens…
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{{Réf Livre|titre=En canot sur les chemins d'eau du roi
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{{Citation
|citation=Qu'avaient-ils retenu de ce conte merveilleux ? Assez, sans doute, pour rester fidèles aux français jusqu'à l'abandon de 1763. Étrange domination de parade sur un empire qui n'avait pas de limites, pas de troupes ou si peu — elles étaient concentrées sur le Saint-Laurent —, pas d'administration, à peine quelques centaines de colons dispersés sur des milliers de lieues, et d'où ne se tirait aucune richesse durable, tandis qu'au bord de l'océan, les puritains de la Nouvelle-Angleterre construisaient des villes, des ponts, des routes, des factoreries, tout l'appareil d'un vrai pays. Mais les premiers ont été aimés, et les seconds, détestés...détestés…
}}
{{Réf Livre|titre=En canot sur les chemins d'eau du roi
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{{Citation
|citation=Feignant d'avoir reniflé des loups, ou des rôdeurs, ou toute autre créature malfaisante, le comte Frantz expédiait l'enfant jusqu'à la lisière de bouleaux qui marquait le fond du parc et qui lui semblait le bout du monde. « Vous planterez ce bâton, Tristan, disait-il, vous y poserez votre main droite, vous n'omettrez pas de fermer les yeux, puis vous réciterez cette prière que je vous incite à ne jamais oublier : ''Kouj Karassakal albasti jouïounachi kouj karassakal...karassakal…'', et ainsi vous nous sauverez. Le bâton-loup du petit homme nous a toujours protégé. » A l'enfant qui revenait, tremblant de peur, le visage blanc, mais ayant accompli sa mission, il disait ensuite : « Je suis fier de vous, Tristan, vous voilà un vrai guetteur de frontière, à présent. »
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{{Réf Livre|titre=Les royaumes de Borée
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{{citation|À dire vrai, je ne sais pas très bien qui je prie et pourquoi. Je ne prie pas avec des mots. Je ne sais pas les prières que l'on récite habituellement. Je les ai oubliées depuis longtemps et quand j'ai voulu les réapprendre, je me suis aperçu qu'elles me gênaient. Tandis que silencieusement, sans prononcer la moindre parole, simplement comme ça, en marchant dans la forêt, l'hiver, j'ai l'impression d'être moi-même une prière où se mélangent des sentiments qui d'ordinaire ne m'effleurent pas et que je ne saurais même pas exprimer. J'en suis le premier surpris. Des choses qui en toute autre circonstance me sembleraient bêtes et convenues, comme l'appartenance à une famille, à une religion, à un pays, à une race, le respect de la parole donnée, l'exaltation d'un engagement, l'amour d'une mère pour son enfant, la pitié envers les morts, l'honneur de soi, la fidélité à un maître...maître…
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{{Réf Livre
Ligne 494 :
 
== ''Le Président'', 1985 ==
{{citation|« Ah ! Ah ! Je vous fiche mon billet ! moi, colonel Cornichon, on verra ce qu'on verra la prochaine fois ! » Antoine riait de bonheur, et Alexandre...Alexandre… riait aussi. Que pouvait-il faire d'autre Alexandre sans se trahir ?
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{{Réf Livre
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== ''[[w:Hurrah Zara !|Hurrah Zara !]]'', 1988 ==
{{citation|A quoi ressemblait-elle, Zara ? Il y a si longtemps qu'elle est passée de l'autre côté du miroir avec son épaisse chevelure blonde et son langage effroyablement guttural...guttural… Tout juste si l'on perçoit encore, par-dessus le silence du temps, en écho, le hennissement de l'étalon qu'elle enfourchait comme un homme, fouet au poing, injures aux lèvres, pour s'en aller imposer un peu d'ordre dans l'extravagant foutoir gothique des chariots de sa tribu.
|précisions=Incipit
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{{citation|Un mot encore, Monseigneur. <br />
On pourrait croire, à me lire, que vous représentiez le passé. N'est-ce pas l'avenir, au contraire, que vous annoncez ? Face au nouvel « ordre » mondial qui s'avance, le devoir d'insurrection...insurrection…
}}
{{Réf Livre