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La Miséricorde
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|page=51
|ISBN=2-226-02063-2
}}
 
== ''La Miséricorde'', 2015 ==
{{Citation
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Ce qui retenait un homme de mon âge alors que réapparaissait timidement la foi perdue aux alentours de la trentaine — situation classique et aussi banale que la mort qu'il me fallait bien à présent envisager —, c'est que cela semblait vraiment une sorte de jeu d'enfant, un petit pas qui ne coûtait rien et hop ! le seuil du pardon était franchi aussi facilement qu'un ruisseau d'eau claire dans une verte prairie, alors que l'on eût dû s'attendre, accablé et couvert de cendres, à affronter un immense et puant fleuve de boue. Parce que l'on aurait vécu à peu près convenablement selon les infimes critères moraux de l'époque, au rythme d'une infinité de manquements, d'imperfections et de fautes, parfois de crimes, qui n'en sont pas, qui n'en sont plus aux yeux de la loi civile, mais qui sous le regard de Dieu n'ont rien perdu de leur gravité (et pourquoi en serait-il autrement ?), ainsi aurait-on le droit au pardon comme à la sécurité sociale, tout guilleret, quarante années effacées comme si elles n'avaient pas existé, pas compté, et cela d'autant plus aisément que l'on est parvenu à un âge où les tentations se sont émoussées et où l'on a oublié, en sombrant dans la sagesse, à quel point elles furent dévastatrices ? Trop facile, vraiment.
|précision = Roman : La Miséricorde
}}
{{Réf Livre
|titre=Là-bas, au loin, si loin
|auteur=Jean Raspail
|éditeur=Robert Laffont
|collection=Bouquins
|année=2015
|page=1081
|ISBN=978-2-221-15747-3
}}
 
{{Citation
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La voiture longea de belles façades délabrées derrière lesquelles les usiniers de Gensac achevaient de se déclasser doucement, entourés du respect général, dignes, bornés, ruinés et pas méchants ; puis les maisons ouvrières, cernées de potagers et de cages à lapins, solidement construites au siècle dernier par un patronat qui avait eu au moins le mérite de prendre soin de ses ouvriers. On s'en souvenait encore : les petits-fils restaient solidaires des petits-fils des messieurs, et tout cela fonctionnait par le poids des traditions, exactement comme aujourd'hui. Jusqu'au jour où les tanneries hors d'âge, au bord de la rivière, avaient cessé de maintenir en vie ce petit peuple isolé, confit et perdu dans ses vertus. les deux dernières tanneries, à la sortie de la ville, plongeaient dans l'eau leurs murs écroulés.
|précision = Roman : La Miséricorde
}}
{{Réf Livre
|titre=Là-bas, au loin, si loin
|auteur=Jean Raspail
|éditeur=Robert Laffont
|collection=Bouquins
|année=2015
|page=1105
|ISBN=978-2-221-15747-3
}}
 
{{Citation
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Même dans nos ministères les plus ingrats, dit Mgr Anselmos, nous trouvons des récompenses, une joie plus forte que toute la peine, celle qui fait qu'on se couche, le soir, en se disant que, Dieu aidant, on n'est pas complètement inutile. J'entrevois la mienne. Qu'elle est la vôtre, mon ami ? <br />
Le curé sourit franchement, la bouche largement ouverte, les yeux brillants, témoignant d'une animation soudaine qui surprenait chez un homme aussi triste. Avec sa longue figure bizarrement éclairée, il ressemblait à une sorte de Christ égrillard. <br />
– Que oui, monseigneur ! La mienne, c'est le samedi matin que je la trouve. Un cochon de chemin, pourtant ! Et les deux fermes sont tellement pauvres que j'y apporte un sandwich avec moi. Là, il y a quatre gosses blonds, des garçons pas trop bêtes. C'est même étonnant, chez ces sauvages ! Je leur apprends à lire et écrire. Personne ne peut le faire, si ce n'est moi. Les parents sont illettrés, l'école est trop loin. Ils travaillent bien. Ils aiment cela. Je crois qu'ils m'aiment bien aussi. Chaque samedi matin, je les retrouve toujours au même endroit, quel que soit le temps, assis sur un rocher, avant le dernier tournant du chemin. Ils m'attendent. Depuis un ans, ils n'ont jamais manqué une leçon. Et moi non plus. <br />
Il riait. Puis il pleura, deux larmes uniques sur ses joues creuses…
|précision = Roman : La Miséricorde
}}
{{Réf Livre
|titre=Là-bas, au loin, si loin
|auteur=Jean Raspail
|éditeur=Robert Laffont
|collection=Bouquins
|année=2015
|page=1108, 1109
|ISBN=978-2-221-15747-3
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{{Citation
|citation=
Monseigneur, murmura le chanoine Jacquelein, on ne peut parier ainsi avec Dieu. Une dernière fois, je vous en conjure… <br />
Ils restèrent sans parler un moment pendant lequel le vicaire général découvrit avec surprise qu'en réalité rien ne les séparait. <br />
– Je parierai aussi, monseigneur, dit-il.<br />
– Jean. Jean Jacquelein..., dit Mgr Anselmons, ému, avec affection. Et si nous allions annoncer tout cela à Simon ? <br />
L'abbé Giordans écouta en silence. D'abord terrifié, prêt à supplier son évêque de lui épargner ces épreuves, envisageant même de plaider sa propre indignité, de se réfugier derrière sa fragilité, puis, prenant conscience de sa lâcheté, peu à peu, apaisé, il s'entendit répondre : <br />
– Je place mes mains entre les vôtres, monseigneur. <br />
– Pour l'honneur de Dieu, ajouta l'évêque. Pour l'honneur de l'Église, pour le vôtre et pour le mien… <br />
Et c'est gaiement, presque en riant, qu'il conclut : <br />
– Amen ! Amen ! Simon.
|précision = Roman : La Miséricorde
}}
{{Réf Livre
|titre=Là-bas, au loin, si loin
|auteur=Jean Raspail
|éditeur=Robert Laffont
|collection=Bouquins
|année=2015
|page=1116
|ISBN=978-2-221-15747-3
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{{Citation
|citation=
J'ai rendez-vous demain matin avec le directeur. Simon me conduira, et m'attendra. J'irai seul. J'ai également déposé une demande de permis de visite, mais je ne sais encore si elle a été acceptée. Il a fallu en référer à l'administration centrale, à Paris, car j'ai expressément précisé que je souhaitais rencontrer le détenu Charlébègue seul à seul, dans sa cellule, et non au parloir. La question que je veux lui poser doit l'être sans témoins, en confiance. De la réponse que je recevrai et de la possibilité que j'aurai d'en apprécier la sincérité dépend le destin de cet homme. Dieu veuille que je ne me trompe pas.
|précision = Roman : La Miséricorde
}}
{{Réf Livre
|titre=Là-bas, au loin, si loin
|auteur=Jean Raspail
|éditeur=Robert Laffont
|collection=Bouquins
|année=2015
|page=1117
|ISBN=978-2-221-15747-3
}}
 
{{Citation
|citation=
Il frappa la porte du plat de la main et le gardien vint ouvrir. <br />
– Jacques Charlébègue, dit l'évêque, nous nous reverrons certainement. Je ne vous oublierai pas. <br />
Et il sortit. Le double tour de clef dans la serrure résonna entre les murs nus et froids du couloir.
|précision = Roman : La Miséricorde
}}
{{Réf Livre
|titre=Là-bas, au loin, si loin
|auteur=Jean Raspail
|éditeur=Robert Laffont
|collection=Bouquins
|année=2015
|page=1129, 1130
|ISBN=978-2-221-15747-3
}}