« Alain Finkielkraut » : différence entre les versions

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[[Fichier:Alain Finkielkraut par Claude Truong-Ngoc juin 2013.jpg|thumb|Alain Finkielkraut (2013).]]
{{Recherche de sources|#Alain Finkielkraut}}
'''{{w|Alain Finkielkraut}}''' est un {{cat[[Philosophie|philosophe}}]] {{Personnalité|française|français}}, {{cat|écrivain}} et auteur de nombreux {{cat|essai}}sessais, né à [[Paris]] le {{date-|30| juin| 1949}}.
 
== Ouvrages ==
=== ''Le Juif imaginaire'', 1980 ===
{{Citation|citation=Seul dans son coin, le gamin hébété contemple sa blessure. Il n'est pas le semblable de ses semblables, il a reçu en pleine figure le choc de son appartenance à une tribu méprisée. Juif : il n'aura pas trop de sa vie entière pour apprivoiser la violence de cette révélation.}}
{{Réf Livre|titre=Le Juif imaginaire
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|page=10}}
 
=== ''La Sagesse de l'amour'', 1984 ===
{{Citation|citation=Il existe, dans de nombreuses langues, un mot qui désigne à la fois l'acte de donner et celui de prendre, la charité et l'avidité, la bienfaisance et la convoitise - c'est le mot : amour.}}
{{Réf livre
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|page=198}}
 
=== ''L'Humanité perdue : essai sur le {{s-|XX|e}}'', 1996 ===
 
{{Citation|citation=Améry est payé pour connaître le risque mortel que fait peser sur le monde le culte de l'appartenance, la segmentation de l'humanité et l'enfermement des individus dans leur race ou dans leur culture.}}
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}}
 
=== ''L'Ingratitude. Conversation sur notre temps'', 1999 ===
{{Citation|citation=“Réforme” est le maître mot du langage politique actuel, et “conservateur” le gros mot que la gauche et la droite s'envoient mutuellement à la figure. Concept polémique, le conservatisme n'est plus jamais endossé à la première personne : le conservateur, c'est l'autre, celui qui a peur, peur pour ses privilèges ou pour ses avantages acquis, peur de la liberté, du grand large, de l'inconnu, de la mondialisation, des émigrés, de la flexibilité, des changements nécessaires.}}
{{Réf Livre|titre=L'Ingratitude. Conversation sur notre temps
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}}
 
=== ''Nous autres, modernes'', 2005 ===
{{Citation|citation=Il faut être sourd, aveugle et amnésique pour croire qu'il y a encore une fracture sociale. Les barrières ont cédé : l'indifférenciation règne. Du bas en haut de l'échelle, des marges à la ''jet set'', le même homme démocratique, soucieux d'être authentiquement ce qu'il est par-delà le rôle, le rang ou le moment, déchire le voile des convenances et s'exprime avec la même décontraction, dans le même idiome relâché.}}
{{Réf livre
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}}
 
=== '' Un cœur intelligent '', 2009 ===
{{Citation|citation = Ce livre dont je caressais l’idée depuis des années serait resté dans les limbes si Nicolas Guerpillon ne m’avait fait, un jour, l’irrésistible proposition de construire ma bibliothèque idéale et si Shlomo Malka n’avait accueilli nos entretiens sur RCJ, la radio qu’il dirige.}}
{{Réf Livre|titre= Un cœur intelligent
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|page=10}}
 
=== ''À la première personne'', 2019 ===
{{citation|
Au tout début, était le conformisme. <br />
En [[mai 1968]], comme la majorité de ceux qu'on commençait à appeler, avec une tendresse où perçait déjà la déférence, les « jeunes », j'ai été happé puis porté par la vague. J'ai défilé bruyamment, j'ai vaillamment contesté, j'ai couru à perdre haleine ; j'ai puisé, pour mes premières interventions, dans un lexique qui m'était encore étranger au mois d'avril ; je me suis mis, d'un seul coup comme tout le monde, à utiliser le mot « camarade », j'ai prêté allégeance à l'époque par ma rébellion même contre les diverses formes d'autorité, j'ai rejeté les modèles du monde ancien pour mieux imiter les gens de mon âge, j'ai rompu avec la tradition et pris le parti de l'insoumission bien au chaud dans la foule, et j'ai, sur la lancée, poussé le zèle jusqu'à vouloir précéder le mouvement en militant, pendant quelques années, à la gauche du gauchisme. De là, je pouvais tancer les tièdes sans risquer de subir moi-même les foudres du surmoi révolutionnaire.
|précisions=Incipit
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{{citation|
À la date où il écrit, [[Emmanuel Levinas|Lévinas]] ne peut rien deviner de la percée théorique qu'allaient opérer les études de genre qui triomphent aujourd'hui dans toutes les universités du monde occidental. Il ignore, le malheureux, que la différence des sexes est une pure construction sociale, et qu'une fois les vieux stéréotypes réduits en poussière par le patient travail de la déconstruction, chacun pourra décider souverainement de son identité. Il n'est pas outillé mentalement pour penser comme il faut. Nous souffrons alors de la même infirmité. Nous partageons, toutes proportions gardées, sa façon de voir et de ressentir. Pour nous aussi, gros bêtas que nous sommes, l'homme et la femme, cela fait deux. Non qu'il y ait, dans notre esprit, un premier et un deuxième sexe : cette hiérarchisation n'est pas la nôtre. Loin de nous rengorger de notre masculinité, nous en révélons la caractère dérisoire. Dans le sillage de [[Fourier]], nous jugeons le progrès d'une civilisation à la place faite aux femmes, mais nous défendons avec la même fermeté l'idée que personne ne sera jamais en mesure de vivre à lui seul le tout de l'expérience humaine.
}}
{{Réf Livre
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{{citation|
J'ai cessé de confondre fidélité et fanfaronnade, je ne me raconte plus d'histoires. Je sais ce qui me sépare des séparés, mais j'ai fait mien leur « plus jamais çà ». Je revendique hautement cet héritage et c'est pour moi un continuel sujet d'émerveillement de voir le minuscule État où s'expriment toutes les dissensions de l'âme juive tenir tête depuis sa naissance aux ennemis qui l'entourent. L'amour cependant ne me rend pas aveugle : n'en étant pas à voir ce que je crois mais croyant ce que je vois, je plaide depuis bientôt quarante ans pour la fin de l'occupation et la solution à deux États.
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{{citation|
J'avais besoin d’œuvres qui fassent signe au-delà d'elles-mêmes. Et voici [[Milan Kundera|Kundera]] qui arrive et qui, sans avoir l'air d'y toucher, redistribue les rôles. Il assigne au roman la mission que je croyais réservée à quelques philosophes et, insensible au charme de la rupture, vacciné par son expérience historique contre la volonté de faire table rase du passé, il donne du modernisme une définition que je n'avais jamais entendue : « Avancer, par de nouvelles découvertes, sur la route héritée. »
}}
{{Réf Livre
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{{citation|
Je dois au poètes et aux penseurs d'Europe centrale la prise de conscience de mon appartenance et de mon attachement à la civilisation européenne. Avant de les lire et, pour certains, de les fréquenter, je pensais, avec [[Julien Benda]], qu'il n'y avait pas d' ''Être européen''. Pour moi, le propre de l'Europe, c'était de ne pas avoir de propre et de se définir par des principes abstraits et universels. L'Europe avait inventé les [[droits de l'homme]]. Il fallait aujourd'hui qu'elle se reconnaisse dans cette seule invention car on savait à quoi avait mené l'absolutisation des différences collectives. Le devoir de mémoire commandait à l'Europe de préparer la venue d'une humanité que ne romprait aucune séparation intérieure et de donner l'exemple en se séparant d'elle-même et de sa ténébreuse histoire. Il lui incombait d'abandonner l'identité pour les valeurs. La ''civilisation'' européenne ayant enfanté coup sur coup deux guerres monstrueuses, le temps était venu de lui substituer, pour assurer la paix, les normes et les procédures de la ''construction'' européenne.
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{{Réf Livre
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{{citation|
La dépêche finit par ces mots : « Nous mourrons pour la Hongrie et pour l'Europe. » Que voulait dire cette phrase ? Elle voulait certainement dire que les chars russes mettaient en danger la Hongrie, et avec elle l'Europe. Mais dans quel sens l'Europe était-elle en danger ? Les chars russes étaient-ils prêts à franchir les frontières hongroises en direction de l'ouest ? Non. Le directeur de l'agence de presse de Hongrie voulut dire que l'Europe était visée en Hongrie même. Il était prêt à mourir pour que la Hongrie restât Hongrie et restât Europe. <br />
Quel choc ! Moi qui, échaudé par les cataclysmes du XX{{èmes-|XX}} siècle, tenais pour suspectes toutes les patries charnelles, Israël excepté, je tombais des nues.
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{{Réf Livre
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{{citation|
Les professeurs vont faire cours la peur au ventre, les policiers, les gendarmes mais aussi les pompiers, les médecins, les infirmières sont régulièrement pris pour cible, les actes et les gestes de rupture avec le reste de la nation se multiplient, le désaveu de la culture d'accueil s'atteste jusque dans les tenues vestimentaires et le vacarme de certaines célébrations nuptiales. Impossible, quels que soient les efforts herméneutiques déployés, de faire rentrer au bercail d'une France insoumise ces conduites d'insoumissions à la France. Pour le dire avec les mots d'[[Élisabeth Badinter]] : « Une seconde société tente de s'imposer insidieusement dans notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme voire la sécession. »
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{{Réf Livre
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{{citation|
[[Charles Péguy|Péguy]] eut le pressentiment de ce qui advient : la culture, à son tour, cède la place. Mais il ignorait qu'elle serait détrônée par son homonyme. Ni vu ni connu, le cultivé disparaît dans le culturel, et ce qui caractérise cette nouvelle entité, c'est sa faculté d'englobement. Ne laissant pas la plus petite miette à la nature, elle couvre le champ entier de l'expérience, elle avale goulûment l'intégralité du phénomène humain. Elle n'a pas d'autre, pas de dehors assignable ; aucune pratique ne lui est extérieure ou antérieure, aucune manière d'être ou de se sentir ne se situe en deçà ou au-delà de sa juridiction. On n'accède pas à la culture par l'entremise des livres et des maîtres, on y baigne, on est dedans, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse. Il n'est rien qui ne mérite cette appellation naguère encore très contrôlée. L'inculture a disparu d'un coup de baguette savante : « Tout est culturel », proclament les sciences sociales, et l'on en déduit que tout rap est musique, tout dégueulis verbal, poésie, toute obscénité, fleur du mal. Nul ne pouvait naguère sortir de la mare où il végétait en se tirant lui-même les cheveux comme le baron de Munchhausen. Aujourd'hui, la culture, c'est la mare. Plus besoin donc de s'élever pour s'en approcher. Le mot qui indiquait à la fois le chemin et la destination canonise désormais le déjà-là, quelque forme qu'il prenne.
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{{Réf Livre
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{{citation|
Au fanatisme islamique, la France et l'Europe répondent pas le [[nihilisme]] égalitaire. Depuis ''La défaite de la pensée'', je m'efforce de combattre l'un sans rien céder à l'autre. La bataille n'est pas gagnée. On peut même affirmer, sans verser dans le catastrophisme, que les chances de succès sont minces.
}}
{{Réf Livre
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{{citation|
J'accepte la polémique, je ne crains pas la contradiction, mais le reste, c'est-à-dire les avanies des porte-parole déshumanisés de l'humanité souffrante, je n'arrive pas à m'y faire. Je résiste pourtant aux assauts de l'« à quoi bon » et au rêve d'Ecosse : je continue, je m'obstine, j'aggrave mon cas pour une raison toute simple, admirablement formulée par [[Léon Werth]] dans le ''Journal'' qu'il a tenu durant l'occupation allemande. À la date du {{date-|21 octobre 1940}}, le grand ami juif de [[Antoine de Saint-Exupéry|Saint-Exupéry]] écrit : « Je tiens à une civilisation, à la France. Je n'ai pas d'autre façon de m'habiller. Je ne peux pas sortir tout nu. »
}}
{{Réf Livre
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{{citation|
Rien, en d'autres termes, n'échappe à l'emprise du ''{{Lang|de|Gestell}}''. Rien, pas même la langue. Celle-ci est placée d'emblée et sans réserve dans l'horizon de la raison opérationnelle. On ne la conçoit plus comme civilisation, mais comme service. C'était un don et un héritage, c'est, dans un monde où tout ne fonctionne pas mais où tout est fonctionnement, un moyen de communication et d'information. C'était une tradition, c'est devenu un support de l'échange. L'esprit de la technique a chassé et supplanté le génie de la langue. L'idée qu'on puisse aimer, c'est-à-dire sauvegarder, soigner, servir, honorer, écouter la langue a perdu tout sens. Qui irait s'éprendre d'une fonction ? Il n'y a plus de place pour l'émerveillement ou le remerciement à l'ère de la réquisition totale.
}}
{{Réf Livre
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{{citation|
Amuseurs, commentateurs ou penseurs, ils prétendent incarner la dissidence alors même qu'ils font la pluie et le beau temps dans la société et ils accusent l'[[Académie française]] de dicter sa loi, alors que cette institution est toujours plus décriée, fragile et vulnérable, comme la langue qu'elle refuse, avec une touchante obstination, d'abandonner sans coup férir à la technique. En raison même de cette faiblesse et de cette ténacité, je me sens, malgré mes trop évidentes lacunes, à ma place quai Conti. Je regrette seulement qu'on nous désigne encore sous le nom particulièrement inopportun d'« Immortels ». Si nous sommes là, c'est, pour le dire avec les mots magnifiques de [[Rainer Maria Rilke]], parce que « le périssable nous réclame et a besoin de nous […], nous périssables plus que tout. »
}}
{{Réf Livre
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{{citation|
« Seul un dieu peut nous sauver », a dit un jour [[Martin Heidegger|Heidegger]]. J'espère, pour ma part, un réveil et un sursaut humains. J'émets le vœu moins oraculaire mais peut-être tout aussi pieux que la politique, c'est-à-dire, selon la définition de [[Hannah Arendt]], l' ''{{lang|la|amor mundi}}'', reprenne ses droits. En attendant cet événement improbable, rien ne m'occupe autant le cœur et l'esprit que la croissante inhabilité du monde. Entre la nouvelle fracture sociale et l'empire dévastateur de l'esprit de la technique sur tous les domaines de la réalité, je ne cesse d'en relever les symptômes. Si, malgré la difficulté jamais surmontée, je trouve encore la force d'écrire, c'est sous l'aiguillon de ce tourment.
}}
{{Réf Livre
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|ISBN=978-2-07-285319-7
|page=109, 110
}}
 
== Article ==
=== ''L’Universel et le National'', 1989 ===
{{Citation
|citation= Les [[Philosophie des Lumières|philosophes des Lumières]] se définissaient eux-mêmes comme « les législateurs paisibles de la raison ». Maîtres de vérité et de justice, ils opposaient au despotisme et aux abus l’équité d’une loi idéale. Avec le [[romantisme allemand]], tout se renverse : juristes et écrivains combattent en premier lieu les idées de raison universelle ou de loi idéale. Sous le nom de culture, il ne s’agit plus pour eux de faire reculer le préjugé et l’ignorance, mais d’exprimer, dans sa singularité irréductible, l’âme unique du peuple dont ils sont les gardiens.
}}
{{Réf Article
|titre= L’Universel et le National
|auteur= Alain Finkielkraut
|publication= Le Courier de l’Unesco
|volume= 42
|numéro= 6
|date= juin 1989
|page= 33
|ISSN= 0304-3118
}}
 
{{Citation
|citation= [[Goethe]] avait appris de [[Herder]] que l’homme n’est pas de tous les temps et de tous les lieux, que la langue qu’il parle, le paysage qu’il habite et l’histoire dans laquelle il est jeté ne sont pas des qualités secondaires ou des ornements ajoutés à sa nature. Il était bien conscient qu’on n’échappe pas par décret à sa particularité de naissance. Le groupe ethnique était pour lui un aspect non pas accidentel, mais constitutif de l’existence. Pourtant, et c’est là l’essentiel, Goethe refusait de faire de nécessité vertu.
}}
{{Réf Article
|titre= L’Universel et le National
|auteur= Alain Finkielkraut
|publication= Le Courier de l’Unesco
|volume= 42
|numéro= 6
|date= juin 1989
|page= 33
|ISSN= 0304-3118
}}
 
{{Citation
|citation= Avec [[Herder]], [[Goethe]] constatait la subordination de l’esprit, son ancrage dans une collectivité particulière. Contre lui, il donnait mission à l’art non pas de renchérir sur cette dépendance, mais de la transcender. Il s’agissait pour les œuvres individuelles d’excéder le ''{{Lang|de|Volksgeit}}'', et non d’en être l’expression.
}}
{{Réf Article
|titre= L’Universel et le National
|auteur= Alain Finkielkraut
|publication= Le Courier de l’Unesco
|volume= 42
|numéro= 6
|date= juin 1989
|page= 33
|ISSN= 0304-3118
}}