« François Mitterrand » : différence entre les versions

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|année=1978}}
 
{{citation|citation=Je suis allé cinq fois aux États-Unis d’Amériqued'Amérique. Je n’yn'y étais pas retourné depuis sept ans J’yJ'y suis resté six jours. J’aiJ'ai discuté une heure et demi avec [[w:Henry Kissinger|Henry Kissinger]], déjeuné, dîné, petit-déjeuné avec quinze à vingt parlementaires, ceux dont on dit qu’ilsqu'ils comptent, parlé devant les journalistes du ''National Press Club'', les diplomates et les hommes d’affairesd'affaires du ''Council for Foreign Relations'', ces bancs d’essaid'essai des politiques. J’aiJ'ai aimé ce pays où chacun va à la rencontre du passant et ouvre grand sa porte. J’aiJ'ai aimé ce pays sans mesure. À Washington, j’aij'ai profité de quelques moments de répit pour remonter la vallée du Potomac. Quelques kilomètres au-delà des faubourgs, et j’entraisj'entrais dans la Virginie d’d'''Autant en emporte le vent''. […] Je trouvais avec force le sentiment que j’avaisj'avais éprouvé lors de mon premier séjour en 1946 : l’Amériquel'Amérique reste à conquérir.
J’avaisJ'avais, à cette époque du moteur à hélices, traversé sur un DC 3 le désert du Colorado. Cela avait duré des heures. Quoi, l’Amériquel'Amérique, cette terre vide, ce satellite abandonné ? À Palm Springs, où vient en week-end la gentry de Los Angeles, si l’onl'on sort de la pelouse où l’onl'on vous sert le thé, on vous recommande : attention aux serpents, ils tuent. À Las Vegas, on doit prendre garde, en pleine ville, à ne pas s’aventurers'aventurer en dehors du trottoir. L’automobileL'automobile d’und'un côté, le scorpion de l’autrel'autre : marchons droit. […]
Le dernier soir, nous avons contemplé New York du soixante-cinquième étage du Rockefeller Center. Si l’expressionl'expression poésie pure a un sens, c’estc'est bien là. La géométrie de cette ville a les dimensions, le rythme, d’und'un poème. Au-dessous de nous, s’ouvraients'ouvraient les entrailles de la terre, ombres et lumières absorbaient jusqu’àjusqu'à l’idéel'idée que l’hommel'homme eût existé. je m’étonnaim'étonnai d’avoird'avoir vu le matin, à l’entréel'entrée d’Eastd'East River, se lever un vol de canards, des colverts. Ils avaient traversé, sans s’ys'y mêler, une nuée d’étourneauxd'étourneaux, juste à la croisée des eaux douces et des eaux salées.
Je goûtai que le mouvement des saisons continuât de commander l’ordrel'ordre des choses.
|précisions=20 avril 1975.}}
{{Réf Livre|titre=L’AbeilleL'Abeille et l’Architectel'Architecte
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Flammarion
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|année=1978}}
 
{{citation|citation=Inutile d’end'en chercher : il n’yn'y a pas d’excusesd'excuses. Ni dans les drames du passé, coups d’Étatsd'États, oppression, répression, ni dans ceux du présent. Non, il n’yn'y a pas d’excusesd'excuses pour le gouvernement, pour le système, pour les méthodes des [[w:Khmers rouges|Khmers rouges]] au [[w:Cambodge|Cambodge]]. ''[…]'' Le devoir d’éduquerd'éduquer, de former les esprits aux obligations et aux choix que suppose toute rupture de société ne peut être confondu, sans dommage majeur, avec cette épouvantable machinerie mise en place un peu partout pour broyer les consciences, en brisant, au besoin, les corps. À [[w:Phnom Penh|Phnom Penh]], on en est là.
|précisions=25 avril 1976.}}
{{Réf Livre|titre=L’AbeilleL'Abeille et l’Architectel'Architecte
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Flammarion
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|année=1978}}
 
{{citation|citation=[[w:Rassemblement pour la République|Le parti]] de [[Jacques Chirac ''[le RPR]''] n’an'a pas perdu de temps pour commettre un premier abus : celui des mots. Rassemblement, il divise la droite sans entraîner la gauche. Nouveau, ses dirigeants sont au pouvoir depuis bientôt vingt ans. Gaulliste, il séduit les groupuscules fascistes, s’appuies'appuie sur [[w:Robert Hersant|Robert Hersant]], réveille [[Jean-Louis Tixier-Vignancour|Tixier-Vignacourt]]. Et quand il appelle à la République, la vieille [[Action française]], royaliste, applaudit. Entrer dans le détail de son « manifeste » réserve le même étonnement. On y apprend que M. Chirac veut abolir les privilèges de l’argentl'[[argent]] (cher [[w:Marcel Dassault|M. Dassault]] ! tristes plus-values !), qu’ilqu'il entend combattre la bureaucratie (éternité de [[w:Joseph Prudhomme|Joseph Prudhomme]] !), qu’ilqu'il invite les Français à participer davantage aux affaires qui les concernent (participation, Plan, région, décentralisation ne fournissent à la droite que l’alibil'alibi du dirigisme). Pauvre langage usé, fripé, décoloré, qui sert encore, qui sert toujours. Trouvera-t-il des foules pour s’ens'en bercer une fois de plus ? Assurément. Mais pour combien de temps et pour quels lendemains ?
|précisions=30 novembre 1976.}}
{{Réf Livre|titre=L’AbeilleL'Abeille et l’Architectel'Architecte
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Flammarion
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|année=1978}}
 
{{citation|citation=On ne peut parler du Vietnam comme de n’importen'importe qui. Son peuple a porté haut l’honneur de notre temps. Son l’on m’interrogeait, je dirais qu’il est le plus grand. Mais j’ai besoin de savoir. Brigitte Friang se trompe-t-elle ? Je ne puis me satisfaire de la référence-révérence au martyre d’hier [la guerre du Vietnam] pour rester muet aujourd’hui [sur la répression menée par le régime communiste]. Quand, en avril dernier, j’ai demandé des explications au gouvernement du Cambodge sur les informations que diffusait la presse au lendemain de l’évucation de Phnom Penh, certains m’ont accusé de joindre ma voix aux revanchards de l’impérialisme vaincu. Je ne néglige pas l’objection. Mais je crains trop qu’un Dogme socialiste ne se substitue à la Raison d’État, tout aussi détestable, tout aussi redoutable, pour accepter cet argument. Le socialisme ne représente pas une valeur supérieure à l’humble réalité des faits. Il ne constitue pas davantage la vérité en soi. Il est débat, recherche, approche. Il abat les idoles et les sujets tabous.
Hanoi doit répondre.
|précisions=15 janvier 1977.}}
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|année=1978}}
 
{{citation|citation=Naguère, [[w:Georges Bidault|Georges Bidault]] et [[Robert Schuman]], esprits fins, avaient l''[comme ministres successifs des Affaires étrangères]'' l’artart de réduire en fumée les idées claires qui, parfois, leur échappaient. Plus récemment, [[w:Maurice Couve de Murville|Maurice Couve de Murville]], orateur capable d’und'un discours limpide, raffinait l’opaquel'opaque et distillait l’ennuil'ennui au point qu’ilqu'il eût déclaré la guerre au [[wkKamchatka|Kamchatka]] sans qu’onqu'on s’ens'en aperçût.
|précisions=31 mai 1977.}}
{{Réf Livre|titre=L’AbeilleL'Abeille et l’Architectel'Architecte
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Flammarion
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|année=1978}}
 
{{citation|citation=Bon lecteur de [[Jean d’Ormessond'Ormesson]], je ne cacherai pas que prête davantage attention à ses gammes littéraires qu’àqu'à ses exercices politiques, et qu’auqu'au bretteur à la fois rageur et lassé — il fait de la politique comme d’autresd'autres l’amourl'amour : plus de désir que de plaisir — je préfère le vagabond à l’ombrellel'ombrelle trouée, qui promène son vague-à-l’âmel'âme. On aimerait l’aimerl'aimer, ce cœur unanimiste. Dommage qu’entréqu'entré en politique, il coule son talent dans le ciment des postulats. Du coup, plus de surprise : il écrit maintenant ce qu’onqu'on attend de [[w:Michel Droit|Michel Droit]]. Et cependant, j’espèrej'espère encore…
|précisions=27 mai 1978.}}
{{Réf Livre|titre=L’AbeilleL'Abeille et l’Architectel'Architecte
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Flammarion
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|page=187}}
 
{{citation|citation=[…] la grandeur et la singularité [du caractère de Mendès France] l'empêchaient d'agir au moment voulu. Trop d'objections, de doutes l'assaillaient, comme si l'évènementévénement n'était pas pour lui ce qu'il est par nature : un cheval cabré que son cavalier doit soumettre.}}
{{Réf Livre
|référence=Mémoires interrompus/Éditions Odile Jacob
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|page=216}}
 
{{citation|citation=En effet, le PSA [[[w:Parti socialiste autonome (France)|Parti socialiste autonome]], futur PSU] me fit grise mine et je n’insistain'insistai pas. […] Pourtant, nous recommencions à nous fréquenter. Nous élaborions des projets, mais cela n’allaitn'allait pas plus loin… Je ne les ai revus que lorsque le Parti socialiste au pouvoir ou en passe de l’obtenirl'obtenir eut quelques places à distribuer.}}
{{Réf Livre
|référence=Mémoires interrompus/Éditions Odile Jacob
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|page=216-217}}
 
{{citation|citation=La droite défend des intérêts si puissants qu’ellequ'elle n’hésiten'hésite pas à éliminer ceux qui se trouvent sur son chemin, ceux qui entravent la marche de ses affaires. […] Et la haine est d’autantd'autant plus grande si celui qui gêne vient de chez elle. […] Pour cette bourgeoisie de droite, il est presque normal qu’unqu'un ouvrier soit communiste, un employé socialiste, mais quand l’unl'un des siens lui échappe, ça ne se pardonne pas.}}
{{Réf Livre
|référence=Mémoires interrompus/Éditions Odile Jacob
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{{citation|citation=<poem>
{{Personnage|[[w:Georges-Marc Benamou|Georges-Marc Benamou]]}} : Pensez-vous que le mouvement gaulliste puisse avoir une pérennité aujourd'hui ?
{{Personnage|François Mitterrand}} : C'est une fiction. C'est une tradition plus verbale que réelle… Il y a longtemps que le message gaulliste n'existe plus. Depuis que [[Georges Pompidou]] a été élu président de la République en 1969.
</poem>}}
{{Réf Livre
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|page=227}}
 
{{citation|citation=[[Mai 68]], c'était la révolte de jeunes bourgeois catholiques contre l'hypocrisie de leurs parents. Ces bourgeois catholiques qui se sont mis à parler marxiste n'étaient pas à l'aise avec eux-mêmes. […] Bien entendu, je ne méconnais pas qu'il y ait eu, parmi les insurgés de 1968, des gens sincères […]. Mais ce n'était pas le cas de ceux qui ont « théorisé » en leur nom le sens de cette « fausse révolution ».<br />
On a parlé d'un malentendu entre ces derniers et moi-même. Mais il ne s'agissait pas d'un malentendu pour la simple raison qu'il me suffisait de les écouter pour distinguer d'où ils venaient et ce qu'ils incarnaient. Finalement, c'était de la graine de notaire. Je les imaginais à quarante-cinq ans avec des bésicles. Et j'en voyais la dérision.}}
{{Réf Livre
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|page=244-245}}
 
{{citation|citation=Je crois pour demain comme hier à la victoire de la gauche à condition qu’ellequ'elle reste elle-même. Qu’elleQu'elle n’oublien'oublie pas que sa famille, c’estc'est toute la gauche. Hors du grand rassemblement des forces populaires, il n’yn'y a pas de salut.}}
{{Réf Livre
|référence=Mémoires interrompus/Éditions Odile Jacob
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|page=246}}
 
====''De l’Allemagnel'Allemagne, de la France''====
{{citation|citation=Une dictature ne survit pas au doute. Or la [[w:perestroïka|perestroïka]] de [[Mikhaïl Gorbatchev]] exprimait un doute fondamental sur le système soviétique.}}
{{Réf Livre|titre=De l’Allemagnel'Allemagne, de la France
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Odile Jacob
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|année=2001}}
 
{{citation|citation=La double domination américaine et soviétique avait habitué les dirigeants occidentaux à se croire installés dans un temps immobile. Ils agissaient comme si les rapports de force de notre continent étaient à jamais figés et attendaient des Allemands qu’ilsqu'ils se résignent à leur sort.}}
{{Réf Livre|titre=De l’Allemagnel'Allemagne, de la France
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Odile Jacob
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|année=2001}}
 
{{citation|citation=Comment écrit-on l’histoirel'histoire ? Hitler n’aimaitn'aimait pas la Prusse et la Prusse n’aimaitn'aimait pas Hitler. Un peu de réflexion aurait montré que le nazisme démentait les valeurs de civilisation chères à Frédéric II. Hitler avait voulu broyer l’identitél'identité prussienne, comme devait le faire, après lui, Staline. À eux deux, ils finirent pas en avoir raison.}}
{{Réf Livre|titre=De l’Allemagnel'Allemagne, de la France
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Odile Jacob
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|année=2001}}
 
{{citation|citation=On verra qu’auqu'au cours des mois qui précèderontprécéderont [[w:Einigungsvertrag|cet accord]] [de 1990 ''sur l’unificationl'[[w:Réunification allemande|unification allemande]]''], chacune des quatre puissance s’arcs'arc-boutera, comme il est normal, sur ce qu’ellequ'elle estimait être « sa » condition prioritaire. Les [[États-Unis]] se montreront surtout préoccupés de l’intégrationl'intégration de la future Allemagne unie dans l’Organisationl'[[Organisation du traité de l’Atlantiquel'Atlantique nord]], les Soviétiques hésiteront encore à admettre l’inéluctabilitél'inéluctabilité de l’unitél'unité allemande ; quant aux Britanniques, par la voix de [[Margaret Thatcher]], ils chercheront surtout à en retarder l’échéancel'échéance.
J’attachaisJ'attachais, de mon côté, la prédominance à la reconnaissance préalable des frontières. [...] De ce débat, l’opinionl'opinion conservatrice française tira argument pour accuser notre diplomatie d’avoird'avoir « manqué le train de l’unitél'unité allemande », en ne sautant pas, les yeux fermés, dans le premier wagon. Outre, comme je l’ail'ai déjà souligné, qu’aucunqu'aucun autre dirigeant occidental ne s’ys'y était risqué, et que j’avaisj'avais été le premier, avec [[w:George H. W. Bush|George Bush]], à saluer la perspective de l’unificationl'unification, j’avais de quoi m’étonnerm'étonner devant cette perversion qui poussait, une fois de plus, tant de responsables de mon pays à oublier les enseignements de l’histoirel'histoire.}}
{{Réf Livre|titre=De l’Allemagnel'Allemagne, de la France
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Odile Jacob
Ligne 585 :
|année=2001}}
 
{{citation|citation=Je rêve à la prédestination de l’Allemagnel'Allemagne et de la France, que la géographie et leur vieille rivalité désignent pour donner le signal. J’yJ'y travaille, aussi. La chance veut qu’ellesqu'elles n’aientn'aient pas d’autred'autre issue. Si elles ont gardé le meilleur de ce que je n’hésiten'hésite pas à appeler leur instinct de grandeur, elles comprendront qu’ilsqu'ils s’agits'agitd’und'un projet digne d’ellesd'elles. Je trace ici un schéma dont je n’ignoren'ignore pas qu’ilqu'il sera brouillé, compromis d’annéed'année en année, au-delà de ce siècle [le XXe]. [...] Mais par quoi commencer, sinon par le plus difficile ? Demander aux Allemands de garantir leur frontière est ce « plus difficile », puisque cela suppose qu’ilsqu'ils ont définitivement choisi entre leurs ambitions. Ils y sont prêts par réalisme.}}
{{Réf Livre|titre=De l’Allemagnel'Allemagne, de la France
|auteur=François Mitterrand
|éditeur=Odile Jacob