« Anne Calife » : différence entre les versions

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{{Citation| « Il a des yeux, cet enfant ! » dit-on de Paul. D’un bleu éclatant certes, sans que je parvienne réellement à définir ce qui différencie l’œil de Paul de celui d’un adulte. Grâce ces heures d’observation, j’ai compris finalement le « Il a des yeux, cet enfant ! » : la brillance, le renvoi de la lumière. }}
{{Réf Livre|titre=Paul et le Chat |auteur= Anne Calife|éditeur=Mercure de France, réédition Menthol House|année=2004|page=25|ISBN=978-2-9599680-2-0}}
 
 
== ''Fleur de peau'', 2006 ==
 
{{Citation | Parmi les millions de substances reconnues, perçues, c’est celle de la peau, que je préfère entre toutes. À l’affût, mes narines tentent de capter cet élixir précieux, savant mélange de texture, de fossettes, plis et vibrations. Oh, la peau, son odeur…
Si précise, si juste, qu’elle reflète la nature, le caractère de son propriétaire.
Si ténue, si légère, que la moindre goutte d’eau l’éteint, le moindre souffle l’emporte.}}
{{Réf Livre|titre=Fleur de peau |auteur= Anne Calife|éditeur= Héloïse d’Ormesson, 2006 |année=2006|page= 6 |ISBN= 2-35087-015-4}}
 
{{Citation | Juste après le sas, l’entrée concentrait à elle seule tous les parfums de la maison. Sautaient d’abord aux narines les notes volatiles du parfum de Rémi, qu’accompagnaient l’acidité de ses thés verts, celle de mes tisanes, mélisse-tilleul, que renvoyait en écho la prairie de l’herbe, alentour. Puis cela s’arrondissait sur l’amande-vanille de la peau des enfants, le fruité pommes-bananes dans le compotier. Je distinguais aussi précisément l’un et l’autre.
Enfin cela se coloriait des notes plus sèches du pain grillé, du mélange chicorée-café.
Nulle part ailleurs je n’avais senti pareil mélange. Portée entre les plis du tapis, des rideaux, et même dans le galbe des fauteuils, c’était l’odeur de nos murs.
L’odeur de chez nous.}}
{{Réf Livre|titre=Fleur de peau |auteur= Anne Calife|éditeur= Héloïse d’Ormesson, 2006 |année=2006|page= 9 |ISBN= 2-35087-015-4}}
 
{{Citation | J’ai du mal à décrire mon odeur : blonde, fade, tels mon visage et mon corps. Plus précisément, je la cherche surtout dans les sécrétions du corps dont le nom commence par un « s » : salive, sébum, selles, sueurs ; elles ont le mérite de concentrer l’odeur naturelle. Ma transpiration rappellerait ces graminées frêles, un peu laiteuses, que coupent les enfants.
Bien entendu, j’avais questionné Rémi : j’eus droit à un vague « noisette, orge grillée ». Cet aspect mi-formé, embryonnaire, des odeurs, ne l’intéresse guère, lui, homme de raison acharné à tailler les élèves, tuteurer des cervelles, palisser des savoirs.
Peut-on aimer quelqu’un sans connaître pleinement son odeur ? Rémi sentait peu, très peu.
Pourtant, yeux bandés, j’aurais reconnu son odeur parmi celles de centaines d’hommes. De sa peau blanche élastique émanait une senteur fade, tout en équilibre dans sa rondeur, son mœlleux : de la pâte à pain mise à gonfler. La temporalité d’une odeur importe autant que sa forme, son coloris : celle de Rémi savait planer sans peser.
Cette neutralité corporelle, en beige respectable, lui permettait de tout porter sans gêne. Aussi lui avais-je trouvé ce parfum anglais à base de violette, à laquelle on avait ajouté du thé vert, une fragrance en demi-teintes brumeuses, diffuses, un petit matin d’hiver froid. Je l’avoue, il me permettait de le suivre, de le repérer dans les grands espaces}}
{{Réf Livre|titre=Fleur de peau |auteur= Anne Calife|éditeur= Héloïse d’Ormesson, 2006 |année=2006|page= 20 |ISBN= 2-35087-015-4}}
 
{{Citation | Je savais peu de choses de la vie pénitentiaire. Personnels de santé et de justice se mêlent rarement. Alors c’était son nez qui me racontait la pénitentiaire de l’intérieur.
Couloirs, escaliers à monter, descendre, toujours y rampait cette odeur voilée maladive, macération de l’air du temps, aération insuffisante.
La cour de promenade, elle, dégageait un relent d’habitudes infernales, sueur, moisi – car les prisonniers, de leurs fenêtres jetaient du pain, des restes avariés. Parfois Ivan pouvait y entendre bruisser le peuplier, capter lorsqu’il venait de pleuvoir ce mélange de crème, d’eau de la terre. Les douches, elles, sentaient l’eau de Javel, la marque de l’unique savon à l’amande vendu par la cantine.
Nos seules odeurs communes restaient celles du self ; y déjeunaient détenus et personnels. Alors, on jouait à « raconter » les menus : l’odeur duveteuse des pâtes qui sautent dans l’eau bouillante, celle piquante et racornie de la viande grillée, celle grasse, écrasée, des choux de Bruxelles.}}
{{Réf Livre|titre=Fleur de peau |auteur= Anne Calife|éditeur= Héloïse d’Ormesson, 2006 |année=2006|page= 30 |ISBN= 2-35087-015-4}}
 
 
{{DEFAULTSORT:Calife, Anne}}