« L'Homme sans qualités » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Soujas (discussion | contributions)
m →‎II. Toujours la même histoire : LHSQ I, I, 338-339 (utopie de la vie exacte ; ~Wittgenstein...) -liens Jaccottet
Soujas (discussion | contributions)
Ligne 278 :
|année d'origine=1930}}
 
{{citation|citation=[...] on pensait alors, donc, qu'il était peut-être possible de vivre exactement. On nous demandera aujourd'hui ce que cela veut dire. La réponse serait sans doute que l'on peut se représenter l'œuvre d'une vie réduite à trois traités, mais aussi bien à trois poèmes ou à trois actions dans lesquelles le pouvoir personnel de création serait poussé à son comble. Ce qui voudrait dire à peu près : se taire quand on a rien à dire, ne faire que le strict nécessaire quand on n'a pas de projets particuliers et, chose essentielle, rester indifférend quand on pas le sentiment indescriptible d'être emporté, bras grands ouverts, et soulevés par une vague de la création ! On remarquera que la plus grande part de notre vie psychique serait dès lors interrompue, mais peut-être que le mal ne serait-il pas si grand. La thèse qui veut qu'une grande dépense de savon témoigne d'une grande propreté ne sera pas forcément juste en morale, où se révéleront plus justes au contraire les théories modernes selon lesquelles l'obsession de l'hygiène serait le symptome d'un manque de propreté interne. Ce serait une expérience utile que de limiter une fois au minimum la dépense morale, de quelque espèce qu'elle soit, qui accompagne tous nos actes, et de se contenter de n'être moral que dans les cas exceptionnels où il s'agit vraiment de l'être, en n'accordant à ses actes, dans tous les autres cas, pas plus de réflexion qu'à la normalisation indispensable des vis et des crayons. Sans doute n'en sortirait-il pas beaucoup de bonnes choses ; il ne resterait plus de talents, mais le seul génie ; de l'image de la vie disparaîtraient les fades épreuves que les actions ont avec les vertus, et à leur place apparaîtrait l'enivrante unité de ces dernières au cœur de la sainteté. En un mot, il ne resterait de chaque quintal de moral qu'un milligrame d'une essence dont un millionnième de milligrame serait encore l'occasion d'unune magique béatitude."}}
{{Réf Livre|titre=L'Homme sans qualités
|auteur=Robert Musil