« Jean Clair » : différence entre les versions
Contenu supprimé Contenu ajouté
→Les derniers jours, 2013 : Ajout de quatre citations |
Journal atrabilaire |
||
Ligne 1 :
[[Fichier:Jean Clair par Claude Truong-Ngoc 2013.jpg|vignette|droite|alt=Jean Clair|Jean Clair]]
'''{{w|Jean Clair}}''', pseudonyme de Gérard Régnier, né le 20 octobre 1940 à Paris, est un conservateur général du patrimoine, écrivain et essayiste.
== ''Journal atrabilaire'', 2006 ==
{{citation|
La vérité, c’est que de la misère, on ne peut rien dire. Elle laisse sans voix. Il faut passer outre, se taire, faire comme si ça n’avait pas lieu. On revient de la misère comme on revient de la guerre, absent, mutique : ceux qui sont allés au front ou dans les camps ne parlent pas. Ou bien longtemps après, quand la douleur s’est dissipée, laisse-t-elle enfin passer, non ce qu’elle a été, mais le souvenir confus de ce qu’elle fut. C’est le moment où l’on ne se souvient même plus que l’on ne se souvient plus. Je n’ai jamais été tout à fait rassuré.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=75
}}
{{citation|
Je pense à ces couples de gisants qu’on voit parfois dans les églises, allongés l’un à coté de l’autre, les plis des vêtements soigneusement repassés, tuyautés, frisés, godronnés, gaufrés, les mains jointes, un oreiller brodé glissé sous la tête, le chien familier leur servant de repose-pied. Qui peut aujourd’hui espérer connaître un pareil repos ? Une telle amitié dans la mort ? Les gens vivent seuls, mourront seuls, seront déposés seuls dans la terre ou préféreront, face à la peur de pareille solitude, se faire incinérer, devenir poussière parmi les poussières, cendre perdue au vent, quand même l’Eglise requérait qu’il y eût un peu de chair, un front par exemple, pour déposer la poudre grise, l’honorer – car on honorait en effet la cendre -, et par là lui donner un sens.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=88
}}
{{citation|
La personne, personne ne veut plus s’en embarrasser. Les « ressources humaines », c’est la réserve zoologique, la biomasse, le fond naturel dans quoi l’économie du tertiaire puise ce qui lui est nécessaire, comme l’âge industriel a puisé dans le charbon et le pétrole.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=97
}}
{{citation|
Jour après jour, sournoisement, sans que personne y trouve à redire, et parce que la vie a perdu son sens, l’euthanasie et son compagnon l’eugénisme frayent leur voie, sans coup férir, sans guerre déclarer, et sans camp à ouvrir.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=103
}}
{{citation|
Pouvoir hallucinatoire de la lecture qui fait entendre une voix, page après page. Comme la voix des spirites, on ne peut pas l’enregistrer, et pourtant elle est assez réelle et singulière pour que nous en gardions l’insaisissable écho, longtemps après que nous avons refermé le livre. Aussi longtemps qu’on entendra ce chuchotis imperceptible, on continuera de lire. L’écran TV, une fois éteint, ne laisse aucune trace de son défilement de silhouettes, sinon un halo rémanent sur le verre et, en soi, un tumulte de passions qui tarde à s’apaiser, et qui empêchera l’arrivée du sommeil. Ces ombres bariolées, agitées et bruyantes qui prétendaient toutes à une parfaite objectivité n’étaient, produits de la technique, que des illusions alors que le simple mot imprimé, comme un puissant Golem, garde le pouvoir de faire lever les morts. Le livre, avec ses pauvres moyens, est décidément du côté du verbe et de la chair, et l’image, dans sa labilité et dans sa prolifération, du côté de la corruption et de la mort.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=123
}}
{{citation|
Les graffiti, je m'en aperçois aujourd'hui, sont les camouflages de notre époque. Ce sont des déguisements d'une guerre qui ne veut pas dire son nom et dont l'ennemi à abattre, en vérité, c'est nous. Le décor quotidien et avec lui tout ce que nous avons aimé est englué, étouffé, submergé sous ces crachats furieux. Tout doit disparaître. Liquidation générale. C'est la fête imbécile, à défaut du festin promis.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=154
}}
{{citation|
La « Nuit des Musées » a été saluée dans la presse, de gauche comme de droite, comme un immense succès. Cette grossière démagogie permet bien sûr, en puisant dans un trésor sans bourse délier, d'éluder le problème d'un enseignement de l'histoire de l'art formant des amateurs qui viendraient, par plaisir et sachant pourquoi, voir les tableaux, de jour. <br/>
Ici comme ailleurs, on ne fait plus que dilapider sans vergogne les richesses du passé. On tire des traites, sans compter, sur une héritage qui nous a été confié, sans pouvoir ni l'accroître, ni même le sauver. Grande solde des décadences.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=157
}}
{{citation|
Mieux que promouvoir les Fêtes de la Musique et les Nuits des Musées, ne devrait-on pas créer une nuit sans lumière, sans phares, sans vitrines, sans signaux, une nuit où Paris serait plongé dans le noir, un black-out absolu, pour rappeler aux habitants, une fois par an au moins, que le ciel existe au-dessus de leur tête, et pouvoir comme Dante, au sortir de l’Enfer, ''riveder le stelle'' ?
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=187
}}
{{citation|
Je ne suis retourné qu’une seule fois revoir les deux fermes, la paternelle et la maternelle. L’une avait été transformée en résidence secondaire pour Parisiens retraités. La seconde était vide. Mes cousins l’avaient quittée pour aller vivre dans le P3 d’une HLM de banlieue près de Laval, subsistant avec les allocations versées par la Communauté européenne, devenus pareils aux Indiens qu’au Canada on a parqués dans des réserves. Et comme eux buvant dru.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=207
}}
== ''Les derniers jours'', 2013 ==
|