« Lecture » : différence entre les versions

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== [[Jean Clair]] ==
{{citation|
Pouvoir hallucinatoire de la lecture qui fait entendre une voix, page après page. Comme la voix des spirites, on ne peut pas l’enregistrer, et pourtant elle est assez réelle et singulière pour que nous en gardions l’insaisissable écho, longtemps après que nous avons refermé le livre. Aussi longtemps qu’on entendra ce chuchotis imperceptible, on continuera de lire. L’écran TV, une fois éteint, ne laisse aucune trace de son défilement de silhouettes, sinon un halo rémanent sur le verre et, en soi, un tumulte de passions qui tarde à s’apaiser, et qui empêchera l’arrivée du sommeil. Ces ombres bariolées, agitées et bruyantes qui prétendaient toutes à une parfaite objectivité n’étaient, produits de la technique, que des illusions alors que le simple mot imprimé, comme un puissant Golem, garde le pouvoir de faire lever les morts. Le livre, avec ses pauvres moyens, est décidément du côté du verbe et de la chair, et l’image, dans sa labilité et dans sa prolifération, du côté de la corruption et de la mort.
}}
{{Réf Livre
|titre=Journal atrabilaire
|auteur=Jean Clair
|éditeur=Gallimard
|collection=l'un et l'autre
|année=2006
|ISBN=2-07-077700-6
|page=123
}}
 
{{citation|
La lecture n’est jamais plate ni linéaire. Un livre est d’abord « un volume », qu’on saisit dans son épaisseur. On creuse dans sa masse, on fouille, on sonde, on attrape un éclat, on dégage une pépite. Rien de cette lecture superficielle du déroulement électronique, qui clignote ou s’efface aussi vite. Sa pesanteur dans la paume renseigne immédiatement sur le moment où l’on est arrivé, vers le milieu ou vers la fin. La lecture ne se perd pas sur une surface homogène, mais se renforce par mille sensations, une infinité de détails inconsciemment enregistrés par le cerveau, et ce poids dans la main atteste la gravité, ou la lourdeur, des idées que l’esprit y découvre.