« Alexis de Tocqueville » : différence entre les versions

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== A''Œuvres sourcercomplètes'' ==
{{à sourcer|date=2008-09-16}}
 
=== Le citoyen et le gouvernement ===
 
* « Démocratie et socialisme n'ont rien en commun sauf un mot, l'égalité. Mais notez la différence : pendant que la démocratie cherche l'égalité dans la liberté, le socialisme cherche l'égalité dans la restriction et la servitude ».
 
* « Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui ».
 
* « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. (...) Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, prévoyant, régulier et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Quatrième partie, Chapitre VI
 
* « Pour ma part, je ne saurais concevoir qu'une nation puisse vivre ni surtout prospérer sans une forte centralisation gouvernementale. Mais je pense que la centralisation administrative n'est propre qu'à énerver les peuples qui s'y soumettent, parce qu'elle tend sans cesse à diminuer parmi eux l'esprit de cité ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. I, Première partie
 
* « Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m'a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l'imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Quatrième partie, Chapitre VI
 
* « Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de le satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Quatrième partie, Chapitre VI
 
* « Je ne crains pas qu'ils rencontrent dans leurs chefs des tyrans, mais plutôt des tuteurs ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Quatrième partie, Chapitre VI
 
* « Les citoyens qui travaillent ne voulant pas songer à la chose publique, et la classe qui pourrait se charger de ce soin pour remplir ses loisirs n'existant plus, la place du gouvernement est comme vide. Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s'emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Deuxième partie, Chapitre XIV
 
===Religion===
* « Quand la religion est détruite chez un peuple, le doute s'empare des portions les plus hautes de l'intelligence et il paralyse à moitié toutes les autres. Chacun s'habitue à n'avoir que des notions confuses et changeantes sur les matières qui intéressent le plus ses semblables et lui-même; on défend mal ses opinions ou on les abandonne, et, comme on désespère de pouvoir, à soi seul, résoudre les plus grands problèmes que la destinée humaine présente, on se réduit lâchement à n'y point songer. Un tel état ne peut manquer d'énerver les âmes; il détend les ressorts de la volonté et il prépare les citoyens à la servitude ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Première partie, Chapitre V
 
* « Pour moi, je doute que l'homme puisse jamais supporter à la fois une complète indépendance religieuse et une entière liberté politique; et je suis porté à penser que, s'il n'a pas de foi, il faut qu'il serve, et, s'il est libre, qu'il croie ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Première partie, Chapitre V
 
* « Mahomet a fait descendre du ciel, et a placé dans le Coran, non seulement des doctrines religieuses, mais des maximes politiques, des lois civiles et criminelles, des théories scientifiques. L'Evangile ne parle, au contraire, que des rapports généraux des hommes avec Dieu et entre eux. Hors de là, il n'enseigne rien et n'oblige à rien croire. Cela seul, entre mille autres raisons, suffit pour montrer que la première de ces deux religions ne saurait dominer longtemps dans des temps de lumières et de démocratie, tandis que la seconde est destinée à régner dans ces siècles comme dans tous les autres ». Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Première partie, Chapitre V
 
===Tocqueville s’oppose au racialisme de Gobineau===
Tocqueville avait lu les travaux de Flourens, suppléant de Cuvier au collège de France, et repris ses conclusions, pour lui, il n’existe qu’une humanité, qu’une seule espèce humaine, soumise à des variations historiques, climatiques, culturelles : « ''{{citation|citation=L’homme suivant Buffon et Flourens, est donc d’une seule espèce et les variétés humaines sont produites par trois causes secondaires et extérieures : le climat, la nourriture et la manière de vivre »'' (Correspondance avec Gobineau, O.C., IX, p. 197).
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{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
|auteur=Alexis de Tocqueville
|éditeur=Gallimard
|année=1959
|page=197
|titre de la contribution=Correspondance avec Gobineau
|tome=IX
}}
 
{{citation|Votre doctrine est [...] une sorte de fatalisme, de prédestination si vous voulez ; différente toutefois de celle de saint Augustin, des jansénistes et des calvinistes (ce sont ceux-ci qui vous ressemblent le plus par l’absolu de la doctrine) en ce que chez vous il y a un lien très étroit entre le fait de la prédestination et la matière. Ainsi vous parlez sans cesse de races qui se régénèrent ou se détériorent, qui prennent ou quittent des capacités sociales qu’elles n’avaient pas par une infusion de sang différent, je crois que ce sont vos propres expressions. Cette prédestination-là me paraît, je vous l’avouerai, cousine du pur matérialisme. […]Quel intérêt peut-il y avoir à persuader à des peuples lâches qui vivent dans la barbarie, dans la mollesse ou dans la servitude, qu’étant tels de par la nature de leur race il n’y a rien à faire pour améliorer leur condition, changer leurs mœurs ou modifier leur gouvernement ? Ne voyez-vous pas que de votre doctrine sortent naturellement tous les maux que l’inégalité permanente enfante, l’orgueil, la violence, le mépris du semblable, la tyrannie et l’abjection sous toutes ses formes ? Que me parlez-vous, mon cher ami, de distinctions à faire entre les qualités qui font pratiquer les vérités morales et ce que vous appelez l’aptitude sociale ? Est-ce que ces choses sont différentes ? Quand on a vu un peu longtemps et d’un peu près la manière dont se mènent les choses publiques, croyez-vous qu’on ne soit pas parfaitement convaincu qu’elles réussissent précisément par les mêmes moyens qui font réussir dans la vie privée ; que le courage, l’énergie, l’honnêteté, la prévoyance, le bon sens sont les véritables raisons de la prospérité des empires comme de celle des familles et qu’en un mot la destinée de l’homme, soit comme individu, soit comme nation, est-ce qu’il la veut faire ? Je m’arrête ici ; permettez, je vous prie, que nous en restions là de cette discussion. Nous sommes séparés par un trop grand espace pour que la discussion puisse être fructueuse. Il y a un monde intellectuel entre votre doctrine et la mienne
Il dénie toute valeur aux arguments de [[Gobineau]]. Si César avait raisonné comme celui-ci, il aurait conclu en envahissant l’Angleterre, que les peuplades sauvages et primitives qu’il rencontrait étaient destinées à végéter à tout jamais dans un monde infra civilisé. Notation d’autant plus ironique qu’il n’existe plus alors (en 1853) d’Empire romain, pas même d’État italien, alors que l’Angleterre est la première puissance du monde : ''« Il est à croire qu’il y a chez chacune des différentes familles qui composent la race humaine de certaines tendances, de certaines aptitudes propres naissant de mille causes différentes. Mais que ces tendances, que ces aptitudes soient invincibles, non seulement c’est ce qui n’a jamais été prouvé, mais c’est ce qui est, de soi, improuvable, car il faudrait avoir à sa disposition non seulement le passé mais encore l’avenir. Je suis sûr que Jules César, s’il avait eu le temps, aurait volontiers fait un livre pour prouver que les sauvages qu’il avait rencontrés dans l’île de la Grande-Bretagne n’étaient point de la même race humaine que les Romains et que tandis que ceux-ci étaient destinés par la nature à dominer le monde, les autres l’étaient à végéter dans un coin. […]Qu'y a-t-il de plus incertain au monde, quoi qu'on fasse, que la question de savoir par l'histoire ou la tradition quand, comment, dans quelles proportions se sont mêlés des hommes qui ne gardent aucune trace visible de leur origine ? Ces événements ont tous eu lieu dans des temps reculés, barbares, qui n'ont laissé que de vagues traditions ou des documents écrits incomplets. Croyez-vous qu'en prenant cette voie pour expliquer la destinée des différents peuples vous avez beaucoup éclairci l'histoire et que la science de l'homme ait gagné en certitude pour avoir quitté le chemin parcouru, depuis le commencement du monde, par tant de grands esprits qui ont cherché les causes des événements de ce monde dans l'influence de certains hommes, de, certains sentiments, de certaines idées, de certaines croyances ?"''
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{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
'''Pour Tocqueville, l’Essai sur l’inégalité des races constitue une doctrine pernicieuse et immorale''' : ''« Votre doctrine est [...] une sorte de fatalisme, de prédestination si vous voulez ; différente toutefois de celle de saint Augustin, des jansénistes et des calvinistes (ce sont ceux-ci qui vous ressemblent le plus par l’absolu de la doctrine) en ce que chez vous il y a un lien très étroit entre le fait de la prédestination et la matière. Ainsi vous parlez sans cesse de races qui se régénèrent ou se détériorent, qui prennent ou quittent des capacités sociales qu’elles n’avaient pas par une infusion de sang différent, je crois que ce sont vos propres expressions. Cette prédestination-là me paraît, je vous l’avouerai, cousine du pur matérialisme. […]Quel intérêt peut-il y avoir à persuader à des peuples lâches qui vivent dans la barbarie, dans la mollesse ou dans la servitude, qu’étant tels de par la nature de leur race il n’y a rien à faire pour améliorer leur condition, changer leurs mœurs ou modifier leur gouvernement ? Ne voyez-vous pas que de votre doctrine sortent naturellement tous les maux que l’inégalité permanente enfante, l’orgueil, la violence, le mépris du semblable, la tyrannie et l’abjection sous toutes ses formes ? Que me parlez-vous, mon cher ami, de distinctions à faire entre les qualités qui font pratiquer les vérités morales et ce que vous appelez l’aptitude sociale ? Est-ce que ces choses sont différentes ? Quand on a vu un peu longtemps et d’un peu près la manière dont se mènent les choses publiques, croyez-vous qu’on ne soit pas parfaitement convaincu qu’elles réussissent précisément par les mêmes moyens qui font réussir dans la vie privée ; que le courage, l’énergie, l’honnêteté, la prévoyance, le bon sens sont les véritables raisons de la prospérité des empires comme de celle des familles et qu’en un mot la destinée de l’homme, soit comme individu, soit comme nation, est-ce qu’il la veut faire ? Je m’arrête ici ; permettez, je vous prie, que nous en restions là de cette discussion. Nous sommes séparés par un trop grand espace pour que la discussion puisse être fructueuse. Il y a un monde intellectuel entre votre doctrine et la mienne »'' '''('''Correspondance avec Gobineau, O.C., IX, p. 202-203'''.)'''
|auteur=Alexis de Tocqueville
|éditeur=Gallimard
|année=1959
|page=202-203
|titre de la contribution=Correspondance avec Gobineau
|tome=IX
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===La condamnation du génocide des Indiens d’Amérique du Nord et de l’esclavage===
 
Dans une lettre à sa mère et dans le dernier chapitre de la première Démocratie, Tocqueville dénonce l’extermination des Indiens, le génocide programmé qui ira, il en est persuadé, jusqu’à son terme : ''« il{{citation|Il est impossible de douter qu’avant cent ans il ne restera pas dans l’Amérique du Nord, non pas une seule nation, mais un seul homme appartenant à la plus remarquable des races indienne »'' ('''Correspondance familiale, O.C., XIV, p. 160''').
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{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
L’objectif est fixé et tous les moyens sont mis en œuvre pour exterminer à terme toute la population indienne : expropriation, déportation, dépravation alcoolique, extermination du gibier : « ''Ce monde-ci nous appartient, se disent les Américains tous les jours ; la race indienne est appelée à une destruction finale qu’on ne peut empêcher et qu’il n’est pas à désirer de retarder. Le ciel ne les a pas faits pour se civiliser, il faut qu’ils meurent.[...] Je ne ferai rien contre eux, je me bornerai à leur fournir tout ce qui doit précipiter leur perte. Avec le temps j’aurai leurs terres et je serai innocent de leur mort. Satisfait de son raisonnement, l’Américain s’en va dans le temple où il entend un ministre de l’Évangile répéter chaque jour que tous les hommes sont frères et que l’Être éternel qui les a tous faits sur le même modèle leur a donné à tous le devoir de se secourir'' » ('''Voyage en Amérique, O.C., V, 1, p. 225''').
|auteur=Alexis de Tocqueville
 
|éditeur=Gallimard
Dans ce dernier chapitre - peu lu et guère commenté, bien qu’il fasse le tiers du livre - Tocqueville dénonce également l’esclavage, comme il le fera lorsqu’il tentera d’obtenir son abolition dans les Antilles françaises ('''O.C., III, 1 p. 41-126'''). En 1856, il fait publier un texte dans le Liberty Bell dont voici la traduction : «'' Ce n'est pas, je pense, à moi, un étranger, d'indiquer aux États Unis quand, comment et par qui l’esclavage sera aboli."''
|année=1998
 
|page=160
''"Néanmoins, en ennemi persévérant du despotisme partout et sous toutes ses formes, je suis douloureusement étonné que le peuple le plus libre du monde soit à présent presque le seul parmi les nations civilisées et chrétiennes à maintenir encore la servitude personnelle. Et ceci tandis que le servage même est près de disparaître là où ce n'est encore fait, des nations les plus dégradées de l'Europe''."
|titre de la contribution=Correspondance familiale
 
|tome=XIV
"''Vieil ami sincère de l’Amérique, je m'inquiète de voir l'esclavage retarder son progrès, ternir sa gloire, fournir des armes à ses détracteurs, compromettre la carrière à venir de l'Union qui garantit sa sécurité et sa grandeur, et montrer à l'avance à tous ses ennemis où ils doivent frapper. Comme homme aussi, je m'émeus du spectacle de la dégradation de l'homme par l'homme, et j'espère voir le jour où la loi garantira une liberté civile égale à tous les habitants du même empire, comme Dieu accorde le libre arbitre sans distinction à tous ceux qui demeurent sur terre'' » ('''O.C., VII, pp. 163-164''').
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Il dira encore en 1850: ''"Les Etats-Unis sont parvenus à exterminer la race indienne sans violer un seul principe de morale aux yeux du monde''."
 
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====La dénonciation de l’esclavage et la lutte pour l’abolition====
 
A Dunoyer, économiste libéral, qui avait affirmé que, bien que l'esclavage soit condamnable, il fallait reconnaître qu'il avait eu son utilité dans l'Antiquité, notamment pour donner le goût du travail (!), il répond le 20 avril 1839 à l'Académie des Sciences morales et politiques :
 
{{citation|''Je ne crois donc pas qu'à aucune époque l'esclavage ait été utile à la vie et au bien-être social. Je Ie croirais, que je n'irais pas encore jusqu'à en conclure qu'à aucune époque l’institution de l’esclavage a été bonne et légitime.
 
''Je n'admettrai point qu'un acte injuste, immoral, attentatoire aux droits les plus sacrés de l'[[humanité]], puisse jamais se justifier par une [[raison]] d'utilité. Ce serait admettre la maxime que la fin justifie les moyens, et c'est une maxime que j’ai toujours détestée, et que je détesterai toujours.''
 
''L'esclavage, eût-il en effet contribué à sauver la vie de quelques hommes et augmenté la richesse de quelque peuple, ce que je nie, n'en reste pas moins à mes yeux un horrible abus de la force, un mépris de toutes les lois divines et humaines, qui nous défendent de priver de la [[liberté]] notre semblable et de le faire servir malgré lui à notre bien‑être.''
 
''Ces faits sont odieux de nos jours, ils ne l'étaient pas moins il y a trois mille ans.}}''''
 
* '''Référence: Œuvres complètes, vol. XVI, pp. 166-167'''
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Tocqueville conclut ainsi son discours à la Chambre pour défendre l’abolition le 30 mai 1845 : « ''A mes yeux, la question d'abolition de l'esclavage n'est pas seulement une question d'intérêt pour la France, mais encore une question d'honneur. On a beaucoup dit qu'on ne devait qu'au christianisme seul l'abolition de l'esclavage. Dieu me garde de m'écarter du respect que je dois a cette sainte doctrine, mais il faut bien pourtant que je le dise, Messieurs, l'émancipation telle que nous la voyons même dans les îles anglaises, est le produit d'une idée française. […] Je dis que c'est nous qui, en détruisant dans tout le monde le principe des castes, des classes, en retrouvant, comme on l'a dit, les titres du genre humain qui étaient perdus, c'est nous qui, en répandant dans tout l'univers la notion de l'égalité de tous les hommes devant la loi, comme le christianisme avait créé l'idée de l'égalité de tous les hommes devant Dieu, je dis que c'est nous qui sommes les véritables auteurs de l'abolition de l'esclavage.''
 
''Le christianisme, il y a douze cents ans, cela est vrai, a détruit la servitude dans le monde, mais depuis il l'avait laissée renaître. Il y a cinquante ans encore, le christianisme dormait à côté de l'esclavage, et il laissait sans réclamer l'esclavage peser sur une partie de l'espèce humaine. C'est nous, Messieurs, qui l'avons réveillé; c'est du mouvement de nos idées qu'est sorti ce mouvement admirable du zèle religieux, dont nous voyons les effets dans les colonies anglaises; c'est nous qui avons fait voir aux hommes religieux ce qu'il y avait d’horrible et en même temps ce qu’on pourrait détruire dans l'esclavage; c'est nous qui leur avons montré que l'esclavage n'était pas seulement contraire aux lois de Dieu, mais qu'il devait disparaître des lois humaines. C'est nous, en un mot, qui avons créé la pensée que la philanthropie religieuse des Anglais a si noblement si heureusement réalisée.''
 
''Et remarquez-le, Messieurs, non seulement l'abolition de l'esclavage, l'idée de l'abolition de l'esclavage, cette grande et sainte idée est sortie du fond même de l'esprit moderne français; mais bien plus, vous la voyez se saisir plus ou moins de l'esprit de la nation, suivant que la nation elle-même sent plus ou moins raviver ou s'éteindre dans son cœur les grands principes de la Révolution'' ('''O. C. III,1, pp.124-125''').
 
Malgré ce discours, Tocqueville ne put obtenir un vote favorable de la Chambre à l’abolition qu’il défendait depuis 1839. Il faudrait le choc de la révolution de 1848 pour que Schoelcher pût réussir là où Tocqueville avait échoué, mais le travail des abolitionnistes avait créé les conditions nécessaires au succès.
 
=== Individualisme ===
* « C'est un sentiment réfléchi qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis; de telle sorte que, après s'être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même . » Extrait de La Démocratie en Amérique vol. II, Deuxième partie, Chapitre II
 
=== Guerres coloniales et conflits ===
 
{{citation|Ce monde-ci nous appartient, se disent les Américains tous les jours ; la race indienne est appelée à une destruction finale qu’on ne peut empêcher et qu’il n’est pas à désirer de retarder. Le ciel ne les a pas faits pour se civiliser, il faut qu’ils meurent.[...] Je ne ferai rien contre eux, je me bornerai à leur fournir tout ce qui doit précipiter leur perte. Avec le temps j’aurai leurs terres et je serai innocent de leur mort. Satisfait de son raisonnement, l’Américain s’en va dans le temple où il entend un ministre de l’Évangile répéter chaque jour que tous les hommes sont frères et que l’Être éternel qui les a tous faits sur le même modèle leur a donné à tous le devoir de se secourir.
* « Pour ma part, j'ai rapporté d'Afrique la notion affligeante qu'en ce moment nous faisons la guerre d'une manière beaucoup plus barbare que les Arabes eux-mêmes. C’est, quant à présent, de leur côté que la civilisation se rencontre. Cette manière de mener la guerre me paraît aussi inintelligente qu'elle est cruelle. Elle ne peut entrer que dans l'esprit grossier et brutal d'un soldat. Ce n'était pas la peine en effet de nous mettre à la place des Turcs pour reproduire ce qui en eux méritait la détestation du monde. Cela, même au point de vue de l'intérêt, est beaucoup plus nuisible qu'utile ; car, ainsi que me le disait un autre officier, si nous ne visons qu'à égaler les Turcs nous serons par le fait dans une position bien inférieure à eux : barbares pour barbares, les Turcs auront toujours sur nous l'avantage d'être des barbares musulmans.[…] J’ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre » (...) Pour moi, je pense que tous les moyens de désoler les tribus doivent être employés. '''Je n’excepte que ceux que l’humanité et le droit des nations réprouvent.''' […] Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l’époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu’on nomme razzias et qui ont pour objet de s’emparer des hommes ou des troupeaux. » 1841 - Extrait de ''Travail sur l’Algérie''
}}
{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
|auteur=Alexis de Tocqueville
|éditeur=Gallimard
|année=1957
|page=225
|titre de la contribution=Voyage en Amérique
|tome=V
}}
 
{{citation|Vieil ami sincère de l’Amérique, je m'inquiète de voir l'esclavage retarder son progrès, ternir sa gloire, fournir des armes à ses détracteurs, compromettre la carrière à venir de l'Union qui garantit sa sécurité et sa grandeur, et montrer à l'avance à tous ses ennemis où ils doivent frapper. Comme homme aussi, je m'émeus du spectacle de la dégradation de l'homme par l'homme, et j'espère voir le jour où la loi garantira une liberté civile égale à tous les habitants du même empire, comme Dieu accorde le libre arbitre sans distinction à tous ceux qui demeurent sur terre.
=== Égalité ===
}}
* « La passion d'égalité pénètre de toutes parts dans le coeur humain, elle s'y étend, elle le remplit tout entier. Ne dîtes point aux hommes qu'en se livrant aussi aveuglément à une passion exclusive, ils compromettent leurs intérêts les plus chers; ils sont sourds. Ne leur montrez pas la liberté qui s'échappe de leurs mains tandis qu'ils regardent ailleurs; ils sont aveugles, ou plutôt ils n'aperçoivent dans tout l'univers qu'un seul bien digne d'envie (...) Ils veulent l’égalité dans la liberté, et s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage. » Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Deuxième partie, Chapitre I
{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
|auteur=Alexis de Tocqueville
|éditeur=Gallimard
|année=1986
|page=163-164
|titre de la contribution=Correspondance américaine et européenne
|tome=VII
}}
 
{{citation|<poem>
* « Un peuple a beau faire des efforts, il ne parviendra pas à rendre les conditions parfaitement égales dans son sein; et s'il avait le malheur d'arriver à ce nivellement absolu et complet, il resterait encore l'inégalité des intelligences, qui, venant directement de Dieu, échappera toujours aux lois. » Extrait de ''La Démocratie en Amérique'' vol. II, Deuxième partie, Chapitre XIII
Je ne crois donc pas qu'à aucune époque l'esclavage ait été utile à la vie et au bien-être social. Je Ie croirais, que je n'irais pas encore jusqu'à en conclure qu'à aucune époque l’institution de l’esclavage a été bonne et légitime.
Je n'admettrai point qu'un acte injuste, immoral, attentatoire aux droits les plus sacrés de l'humanité, puisse jamais se justifier par une raison d'utilité. Ce serait admettre la maxime que la fin justifie les moyens, et c'est une maxime que j’ai toujours détestée, et que je détesterai toujours.
L'esclavage, eût-il en effet contribué à sauver la vie de quelques hommes et augmenté la richesse de quelque peuple, ce que je nie, n'en reste pas moins à mes yeux un horrible abus de la force, un mépris de toutes les lois divines et humaines, qui nous défendent de priver de la [[liberté]] notre semblable et de le faire servir malgré lui à notre bien‑être.
Ces faits sont odieux de nos jours, ils ne l'étaient pas moins il y a trois mille ans.
</poem>
}}
{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
|auteur=Alexis de Tocqueville
|éditeur=Gallimard
|année=1989
|page=166-167
|titre de la contribution=Mélanges
|tome=XVI
}}
 
{{citation|<poem>
=== Histoire ===
A mes yeux, la question d'abolition de l'esclavage n'est pas seulement une question d'intérêt pour la France, mais encore une question d'honneur. On a beaucoup dit qu'on ne devait qu'au christianisme seul l'abolition de l'esclavage. Dieu me garde de m'écarter du respect que je dois a cette sainte doctrine, mais il faut bien pourtant que je le dise, Messieurs, l'émancipation telle que nous la voyons même dans les îles anglaises, est le produit d'une idée française. […] Je dis que c'est nous qui, en détruisant dans tout le monde le principe des castes, des classes, en retrouvant, comme on l'a dit, les titres du genre humain qui étaient perdus, c'est nous qui, en répandant dans tout l'univers la notion de l'égalité de tous les hommes devant la loi, comme le christianisme avait créé l'idée de l'égalité de tous les hommes devant Dieu, je dis que c'est nous qui sommes les véritables auteurs de l'abolition de l'esclavage.
* « L'histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies. » Extrait de ''L’Ancien Régime et la Révolution'', Livre II, Chapitre VI
Le christianisme, il y a douze cents ans, cela est vrai, a détruit la servitude dans le monde, mais depuis il l'avait laissée renaître. Il y a cinquante ans encore, le christianisme dormait à côté de l'esclavage, et il laissait sans réclamer l'esclavage peser sur une partie de l'espèce humaine. C'est nous, Messieurs, qui l'avons réveillé; c'est du mouvement de nos idées qu'est sorti ce mouvement admirable du zèle religieux, dont nous voyons les effets dans les colonies anglaises; c'est nous qui avons fait voir aux hommes religieux ce qu'il y avait d’horrible et en même temps ce qu’on pourrait détruire dans l'esclavage; c'est nous qui leur avons montré que l'esclavage n'était pas seulement contraire aux lois de Dieu, mais qu'il devait disparaître des lois humaines. C'est nous, en un mot, qui avons créé la pensée que la philanthropie religieuse des Anglais a si noblement si heureusement réalisée.
Et remarquez-le, Messieurs, non seulement l'abolition de l'esclavage, l'idée de l'abolition de l'esclavage, cette grande et sainte idée est sortie du fond même de l'esprit moderne français; mais bien plus, vous la voyez se saisir plus ou moins de l'esprit de la nation, suivant que la nation elle-même sent plus ou moins raviver ou s'éteindre dans son cœur les grands principes de la Révolution
</poem>
|précisions=Conclusion de son discours à la Chambre pour défendre l’abolition le 30 mai 1845
}}
{{Réf Livre|titre=Œuvres complètes
|auteur=Alexis de Tocqueville
|éditeur=Gallimard
|année=1962
|page=124-125
|titre de la contribution=Écrits et discours politiques : écrits sur l'Algérie, les colonies, l'abolition de l'esclavage, l'Inde
|tome=III
}}
 
{{interprojet|s=Alexis de Tocqueville|commons=Charles Alexis Henri Clérel de Tocqueville|w=Alexis de Tocqueville}}