« Paul Léautaud » : différence entre les versions

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|année=1962
|page=324}}
 
== Une galerie de portraits monumentale ==
 
{{citation|citation= Les journaux, ce matin, annoncent la mort de [[Mallarmé]], hier, subitement, dans sa petite maison de Valvins. Celui-là fut mon maître, Quand je connus ses vers, ce fut pour moi une révélation, un prodigieux éblouissement, un reflet pénétrant de la beauté, mais en même temps qu'il me montra le vers amené à sa plus forte expression et perfection, il me découragea de la poésie, car je compris que rien ne valait que ses vers et que marcher dans cette voie, c'est-à-dire : imiter, ce serait peu digne et peu méritoire. (…) Les vers de Mallarmé sont une merveille inépuisable de rêve et de transparence. (…) Mallarmé est mort. Il a enfoncé le cristal par le monstre insulté. Le cygne magnifique est enfin délivré.
Et quelle qualité: il était unique. (10 septembre 1898)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1954
|page=21}}
 
{{citation|citation= Il me donne raison de dire que [[Flaubert]] a donné naissance à toute une catégorie d'écrivains détestables. Je lui disais que Flaubert, par influence, avait amené certains individus à croire qu'il suffisait de suer trois jours sur une phrase pour être un écrivain. Puis il me parle des influences que lui-même a subies, tombant juste avec ce que je pensais: Platon, quatre pages du Banquet, Daniel de Foë, Poe, énormément, Flaubert, dans les commencements, jusque, non compris, Spicilège. (23 février 1904)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1954
|page=115}}
 
{{citation|citation= Fini, bien fini, ce pauvre Jarry. Malade, détraqué par les privations, l'alcoolisme et la masturbation, incapable de gagner sa vie en aucune façon, ni avec un emploi, ni par une collaboration quelconque à un journal. On l'avait fait entrer il y a deux ou trois ans au Figaro il ne faisait rien, ou ce qu'il faisait était illisible. Couvert de dettes et déjà un peu fou, il y a un an on avait organisé au Mercure la publication, à tirage restreint et très cher, d'un mince ouvrage de lui. Cela lui .avait fourni, toutes ses dettes payées, environ un billet de huit cents à mille francs. Il a tout mangé à boire, à courir les cafés, si bien qu'aujourd'hui, fourbu et fichu, il se résigne à repartir chez sa sœur. (23 janvier 1907)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1955
|page=17}}
 
{{citation|citation= C'est souvent le procédé de Gourmont, de prendre ainsi des documents sans indiquer leur source, de tronquer des textes, de relier les morceaux par des phrases de son cru, sans indiquer l'interruption, Un beau jour, cela lui attirerait une critique bien sentie, que je n'en serais pas autrement étonné. Le mot que lui disait en riant, l'autre soir, Van Bever, et qu'il a pris en riant, est tout à fait de circonstance... « Vous êtes comme ce normand qui trouve une corde sur la route, la ramasse et l'emporte, en même temps que la vache qu'elle tient. Quand on vient réclamer: Ben quoi, qu'est-ce que c'est ? Je trouve une corde. Je la ramasse! C'est-y de ma faute s'il y a une vache au bout ? » (30 janvier 1908)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1955
|page=122}}
 
{{citation|citation= Nicolardot avait logé précédemment dans une chambre où il fallait passer par les cabinets de la maison pour y arriver. On ouvrait d'abord une porte. C'étaient les cabinets. On trouvait une autre porte, qui donnait chez Nicolardot. On voit d'ici l'introduction des gens qui venaient le voir. « Entrez donc, cher Monsieur! » C'est peut-être l'anecdote la plus comique. Je n'ai pu me retenir d'éclater de rire en l'écoutant.
Un autre trait, d'un genre moins plaisant, est celui-ci. Nicolardot avait quelque chose comme une descente d'intestins. Quand il allait à la selle, ils lui sortaient quelque peu par l'anus, sans qu'il s'en trouvât autrement embarrassé. Il les rentrait simplement avec le doigt, et vous donnait ensuite une poignée de main. (29 avril 1908)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1955
|page=186}}
 
{{citation|citation= [[Léon Bloy]] est venu ce matin au Mercure, pour voir la vente de son nouveau livre: Celle qui pleure (N.-D. de la Salette.) C'est un curieux bonhomme, féroce et gouailleur le plus placidement du monde. J'ai noté quelques propos, pendant qu'il parlait. II ne s'en doutait certainement pas.
II y avait dans Le Gaulois un article de Bourget, sur je ne sais quel bas-bleu américain. En attendant d'entrer chez Vallette, Bloy se mit à le parcourir. Morisse revenant s'asseoir à son bureau, Bloy posa le journal: « J'essaie de lire un article de Paul Bourget. Je ne peux pas y arriver... Les hommes illustres sont décidément inintelligibles. » (1er juillet 1908)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1955
|page=238-239}}
 
{{citation|citation= Je rappelais ce soir la différence que j'ai toujours trouvée entre Schwob et Gourmont : le premier ayant toujours besoin d'être admiré, louangé, complimenté, tenant à son rang, souffrant mal qu'on pense différemment de lui, de telle sorte que je ne me sentais aucune liberté avec lui. Le second, au contraire, fuyant les compliments, les fuyant physiquement, en ce sens que je l'ai vu se lever de sa chaise et partir devant un complimenteur, modeste, simple, ne parlant pas de lui, orgueilleux certainement et à bon droit, mais d'un orgueil tout intérieur, extrêmement agréable pour les gens qui lui plaisaient, admettant fort bien qu'on eût un autre avis que le sien, de telle sorte que je parlais, plaisantais, me moquais avec lui comme j'aurais fait avec un ami de mon âge et de ma situation. Il m'est même arrivé souvent de lui lancer quelques boutades, quelques épigrammes. Jamais il ne s'est fâché. Il était le premier à rire. (28 septembre 1915)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1956
|page=196}}
 
{{citation|citation= A mon arrivée ce matin au Mercure, Vallette m'apprend la mort d'[[Apollinaire]], survenue samedi dernier, avant-hier, à six heures du soir, après environ une semaine de mauvaise santé. Grippe intestinale compliquée de congestion pulmonaire. J'ai été atterré. Je perds un ami que j'adorais comme homme et comme écrivain. Il était destiné à devenir quelqu'un. J'avais vu tout de suite en lui le vrai poète, extrêmement particulier, évocateur, avec la Chanson du Mal Aimé, que je fis prendre au Mercure, sans la lecture habituelle, il y a quelques années. (11 novembre 1918)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1956
|page=283}}
 
{{citation|citation= Comment [[Gide]] a-t-il pu se méprendre à ce point ? Je n'en reviens pas. La phrase en question s'applique si peu à lui ! « Spontanéité dans l'expression » alors qu'il doit tant travailler pour écrire, que cela se sent si bien chez lui, et qu'il laisse voir tant d'envie pour les gens qui écrivent spontanément, il me l'a témoigné plus d'une fois sans le vouloir. « Liberté morale la plus complète » alors. qu'il est sans cesse embarrassé dans des questions de conscience, de la peur du péché et qu'il n'a pas une hardiesse sans en montrer aussitôt de la contrition. Il sait mon goût pour Stendhal et il ne l'a pas reconnu dans cette phrase et il s'y est reconnu, lui! C'est prodigieux. C'est bien comique aussi. Et cette façon caressante, chatte, enveloppante, de me parler de cela, et de me remercier, avec un geste et cette voix qui ne sont qu'à lui. Quelle jolie scène de la vie littéraire. (30 janvier 1922)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1957
|page=10}}
 
{{citation|citation= Vu aujourd'hui pour la deuxième fois à l'imprimerie des Nouvelles littéraires, [[Louis Aragon]], joli garçon, délicieux, charmant, un joli visage, un sourire délicieux, si joli visage qu'on en est un peu... troublé et que les sentiments seraient bien curieux à l'avoir pour ami. (16 juillet 1925)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1958
|page=68}}
 
{{citation|citation= Quand j'ai dit mon âge, [[Colette]] m'a dit: « Vous dites cinquante-trois ans ? Vous êtes mon aîné d'une année. Cinquante-deux, moi. » Je lui ai répliqué: « Je suis votre aîné encore plus que par l'âge... » Elle m'a regardé avec un air interrogatif. J'ai ajouté: « Je n'ai pas... je n'ai pas votre bel aspect. »
Elle est en effet encore fort jolie, - et jolie n'est pas le mot. Ce qu'il faudrait dire c'est qu'elle respire la volupté, l'amour, la passion, la sensualité, avec un grand fond de mélancolie qu'on devine bien. (16 juin 1925)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1958
|page=56}}
 
{{citation|citation= (...) au fond, un bien pauvre bonhomme, Huysmans, un bonhomme bien médiocre, la médiocrité même. J'ai expliqué qu'à mon goût c'est la preuve d'une bien grande médiocrité littéraire, cette recherche du vocable rare, ce culte de l'épithète, du style bizarre, etc. Et la fin de Huysmans, cet homme atteint d'une maladie affreuse, vivant dans les plus grandes souffrances, et demandant humblement à Dieu d’autres souffrances encore ! Cela touche à l’imbécillité. (11 mai 1927)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1958
|page=386-387}}
 
{{citation|citation= [Mort de Cognacq, fondateur de la Samaritaine.] Les journaux sont pleins depuis quelques jours de la mort d'un sieur Cognacq, fondateur et directeur de la Samaritaine, de l'histoire de ses débuts avec sa femme, de sa réussite, de sa munificence testamentaire: millions à l'Académie pour des prix aux gens ayant fait beaucoup d'enfants, collections de tableaux à l'État, etc., etc. Cela peint encore notre époque, l'étonnante bêtise qui la caractérise. Un personnage de ce genre est à vomir, ni plus ni moins, à vomir, il n'y a pas d'autre mot, et cette apothéose admirative du petit boutiquier parti sans un sou et devenu millionnaire, mécène et bienfaiteur de l'humanité est une farce écoeurante. Faut-il qu'il ait volé les gens sur la marchandise pour avoir collectionné tant de millions. Coquin déguisé en honnête homme, et fameux imbécile par-dessus le marché (27 février 1928)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1959
|page=238}}
 
{{citation|citation= Une jolie bouffonnerie littéraire, c'est la réputation de ce professeur, dont le nom. m'échappe, qui, sous le nom d'[[Alain]], publie depuis quelques années des Propos qu'on veut absolument nous faire trouver remarquables. Je viens encore d'en lire un dans le dernier numéro de ''La Lumière'' (j'en joins la coupure ici). C'est le modèle de la fausse profondeur, des phrases sentencieuses et vides et des petits trucs pour faire effet sur le lecteur, comme ce passage: « Or, si la chose est présente, comme cette fenêtre que Louis XIV jugeait mal placée, contre Louvois, il n'y a pas de roi ni de ministre qui tienne ; on cherche un mètre et tout est dit. » On reconnaît tout de suite là l'affectation à singer Pascal. Je ne serais pas étonné que cet Alain soit au total un assez bel imbécile. Le comique de pareilles niaiseries s'augmente quand on le trouve dans un journal ayant pour titre ''La Lumière''. (30 janvier 1929)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1959
|page=158-159}}
 
{{citation|citation= Je me trompe rarement dans mes antipathies. Farceur, et grand sot, cet Herriot. Ce phraseur vide, qu'on fait passer pour un écrivain. Cet homme politique sans courage qui joue au chef de parti. Il vaut les autres: pas de vraie doctrine politique. Ils sont, au jour le jour, selon leurs intérêts personnels, l'ambition qui les occupe, le but qu'ils poursuivent. L'intérêt général, ils s'en fichent pas mal. Cet homme politique qui pleure à tout bout de champ et qui prononce des choses comme son fameux : « Deux enfants de la même mère ne se battent pas » à propos de son entrée dans le ministère Poincaré. Gros niais. (5 septembre 1929)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1960
|page=26}}
 
{{citation|citation= Mort de [[Clemenceau]]. Merveilleux comme spécimen d'énergie et de combativité. Mon admiration s'arrête là.
Sa fin solitaire. Le départ de son corps de nuit pour son village natal. Les obsèques voulues par lui sans flaflas d'aucune sorte, ni étalages ni grandiloquence, cela est très bien. Il eût été bien étonnant que cela n'eût pas été gâté par la bêtise et le cabotinage patriotique. La bêtise: le général Gouraud faisant placer dans le cercueil un vase façonné dans un obus allemand. Le cabotinage : les anciens combattants ayant été demander et ayant obtenu du gouvernement de défiler dimanche prochain devant l'Arc de Triomphe. (25 novembre 1929)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1960
|page=86-87}}
 
{{citation|citation= Annonce dans les journaux du soir de l'arrestation de [[Léon Blum]]. Grand sot ! qui voulait gouverner des hommes en prophète, en leur annonçant tous les jours la terre promise, en leur laissant un commencement de liberté pour la réaliser, pour être ensuite effaré, a-t-on dit, des résultats produits. Il a aggravé à l'extrême ce qu'on appelait la lutte des classes, détruit tout sens moral dans le monde ouvrier, plus juste serait de dire des salariés de tout rang, un désorganisateur, on peut dire, de première classe. (16 septembre 1940)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1962
|page=170}}
 
{{citation|citation= A tous les traits que m'a racontés Combelle, [[Céline]] digne de sympathie et d'estime. Misanthrope forcené. Combelle m'a répété ce mot de lui: « Ce n'est pas médecin que j'aurais dû être. C'est général. J'aurais pu envoyer les hommes à la mort, - ou les sauver. » Il a eu une enfance affreuse. Il a fait les pires métiers manuels, pour subvenir aux frais de ses études de médecin. Il a fait la guerre 1914-1918 et à la suite d'une blessure a été trépané. Ce qui explique un peu la sorte de folie, d'hystérie qu'il y a dans ses écrits. Son premier livre : ''Voyage au bout de la nuit'', refusé par Gallimard. Refusé également par un autre éditeur. Céline prend un papier d'emballage, y fourre son manuscrit, sans autre nom que Céline comme auteur, sans adresse, et le dépose chez le concierge de l'éditeur Denoël un samedi soir. Denoël lit, émerveillé, transporté et, par l'intermédiaire d'un ami auquel il en parle, arrive à découvrir que Céline, c'est le docteur Destouches. Il était médecin dans un dispensaire de la périphérie ou de la banlieue.(17 février 1941)}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
|auteur=Paul Léautaud
|éditeur=Mercure de France
|année=1962
|page=292}}
 
 
{{interprojet|s=Paul Léautaud|w=Paul Léautaud}}