« Paul Léautaud » : différence entre les versions
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== Le goût pour la relation ==
{{citation|citation= Marcel Schwob vient de mourir... Je ne tenais plus en place, de surprise, d'impatience. Je jette mes trois sous. Je cours au marché acheter le foie. Je remonte au galop. Rien n'allait assez vite. Schwob mort! Lui qui, il y a quinze jours, me parlait, si vivant, si alerte, si plein d'ardeur et de projets. Quelle impression nous fait la mort, quand il s'agit de gens que nous connaissons, que nous voyons fréquemment. Je m'habille. Je déjeune à la hâte. Je pars rue Saint-Louis-en-l'Ile. Marie me fait entrer. (...) J’entre, et là, je vois Schwob étendu, la tête seule découverte, la figure très jaunie, la bouche un peu plissée, un peu de barbe commencée à pousser au menton, les yeux encore ouverts, ternes et figés.
|précisions=27 février 1905}} {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=158}}
{{citation|citation= L'anecdote si amusante sur Tristan Bernard qu'il m'a racontée. L'été dernier, en chemin de 1er, Bernard est pris à partie par un voyageur, dans un compartiment de 26, où se trouvait également une dame, pour: ledit Bernard s'être mis à fumer une énorme pipe. Mutisme de Bernard sous les reproches. Le voyageur ne s'en échauffe que mieux, menaçant Bernard du chef de gare de la prochaine station. On y arrive, le chef est appelé, le voyageur lui explique l'inconvenance de Tristan Bernard: pas compartiment de fumeurs, pas demandé permission, etc... Là-dessus : « Demandez donc d'abord à cette dame comment il se fait qu'elle voyage en seconde avec un billet de troisième », dit Tristan Bernard au chef de gare. Celui-ci oublie l'histoire de la pipe, ne voit plus que l'intérêt de la compagnie, demande son billet à la dame, billet de troisième en effet, et la prie de descendre. Le train repart. Tristan Bernard seul maintenant avec le voyageur. Celui-ci se met à ne pas le féliciter de sa goujaterie: avoir ainsi procuré un affront à une femme... « Et d'ailleurs, lui dit-il, comment avez-vous pu savoir que cette dame voyageait avec un billet de troisième ?... - Parce que, répond placidement Tristan Bernard, parce qu'il était de la même couleur que le mien. » Il paraît que le voyageur a été « tué ».
|précisions= {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=354}}
{{citation|citation= Coppée est mort cette après-midi, vers deux heures. (…) Je pensais, en revenant, que c'est une curieuse impression, celle de la mort d'un homme qu'on a connu, au moins de vue, qu'on a rencontré si souvent, l'impression de la disparition, de la suppression. On le revoit comme on le voyait, tel qu'il était, avec son allure, ses tics. Coppée, par exemple, marchant avec l'air de retomber tour à tour sur chaque jambe, l'air mélancolique, parlant tout seul, comme s'il se récitait des vers, faisant même quelques légers gestes d'une main, d'un bras, le dos un peu voûté, balançant les bras, la tête suivant les mouvements du corps, la bouche serrée, les yeux si bleus, si fureteurs dans son teint de brique, la bouffée de fumée de la cigarette, sa façon d'enjamber le pas de sa porte cochère rue Oudinot, de parler seul en marchant. Puis, tout d'un coup, un trait sur tout cela, biffé, enlevé, disparu.
|précisions=23 mai 1908}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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{{citation|citation= Je regarde le prêtre qui officie préparer sa communion: le vin dans le ciboire, l'hostie cassée et plongée dans le vin, le ciboire recouvert de la plaquette, le prêtre traçant au-dessus avec la main des signes mystérieux. Absolument comme un prestidigitateur : Messieurs, Mesdames, vous voyez ce chapeau. Il n 'y a rien dedans. Je le pose sur cette table. Attention: Un, deux, trois, et le chapeau repris un pigeon s'en échappe. Les pigeons, ici, ce sont les fidèles.
Et ce Jésus, auquel on s'adresse, qu'on glorifie, qu'on adore, qu'on évoque, qu'on implore, dans un langage incompréhensible pour la plus grande partie des fidèles, avec des « signes »de magie ! C'est de la plus pure superstition. Cela tient de la Kabbale et des tables tournantes.
|précisions= {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=229}}
{{citation|citation= Ce matin, chez Garçon, dans le salon, comme j'attendais pour le voir, une femme, 40 ou 45 ans, fort jolie, mise cossue, mais très simple, de beaux yeux, une jolie bouche, un sourire délicieux, le décolleté de son corsage laissant voir le globe des seins sous une légère guipure, en compagnie d'un homme d'une cinquantaine d'années, à monocle et à rosette.
|précisions=9 juillet 1931 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=81}}
{{citation|citation= Quelle chose mystérieuse, curieuse, que la mort. Quelle tranquillité, quel repos, quelle sorte de bonheur même, sur ce visage. Quelque chose d'un très léger sourire à la bouche. Tout à fait le visage d'une femme qui fermerait les yeux pour recevoir des baisers. C'est à faire rêver. Ce serait à faire rêver s'il n'y avait pas la suite. Je serais resté là une heure à regarder.
|précisions=6 janvier 1941 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=260}}
{{citation|citation= Aujourd'hui, à côté de moi, un couple, tout jeune, l'un et l'autre à peine vingt ans, certainement, lui un grand dadais, à petit bouc, à longs cheveux rejetés en arrière, l'air d'un jocrisse complet, parlant d'une voix susurrante et enfantine, elle, une petite brune, le visage le plus sec et le plus dur, une petite garce déjà dans ses manières et dans sa façon de lui parler, lui se faisant encore plus jocrisse : « Le petit chat! le petit chat! », le petit nom dont probablement il l'appelle. Je me retenais de leur dire: « Non, vous savez, j'ai rarement vu pareils nigauds à vous deux. » Heureusement pour moi, je n'ai jamais eu ce genre comme amoureux ou comme amant. Le clair de lune et la petite romance n'ont jamais été mon fait. Une certaine affaire m'a surtout toujours occupé. Le physique, oui, le physique. C'est l'essentiel de l'amour et c'est même tout l'amour. Je le dirai jusqu'à la fin de mes jours. Ce qui n'empêche pas le « sentiment », si le physique est agréable.
|précisions=8 janvier 1941 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=263}}
{{citation|citation= Il ne faudrait pas croire (...) que je suis un vieillard répugnant. Je n'ai jamais été mieux dans ma vie par l'expression du visage, le teint uni, les lèvres rouges comme dans la jeunesse, les yeux aussi vifs que brillants. Evidemment, je n'ai pas le visage d'un bellâtre coiffeur, mais j'ai un visage plein d'expression, de caractère et hors de l'ordinaire. Je le vois à la façon dont les gens me regardent. Je suis droit comme un I, aucune voûture [sic], mince, prompt et souple. Cet exemple: je me plie sans aucune difficulté pour ramasser quelque chose par terre, sans aucun pliement des jambes. Je l'ai encore constaté ce matin. Je continue à veiller tous les soirs jusque vers minuit sans m'en ressentir en rien. Je me lève le matin, aussi lucide, - dire que j'emploie ce mot-là, moi aussi! - que le soir quand je me couche. Je dévale le matin, vers la gare, comme un zèbre, et ce serait encore mieux si je n'étais obligé par les circonstances de porter de gros souliers qui me martyrisent les pieds. Mon cerveau n'arrête pas de fonctionner sur les sujets les plus divers, mon travail, ce que je vois, ce que je lis, ce que j'entends. Je suis sans rhumatismes, sans douleurs d'aucune sorte, bien mieux portant que dans ma jeunesse. J'ai gardé ma mémoire et ma vivacité d'élocution. Je n'ai aucun défaut d'haleine ni d'odeur corporelle. Je n'ai comme malheur que mon manque de dents. Hélas! c'est quelque chose. C'est gravement quelque chose. Un autre malheur, c'est d'être devenu à certaines choses plus sensible que je ne l'ai jamais été.
|précisions=16 avril 1941 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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== Une galerie de portraits monumentale ==
{{citation|citation= Les journaux, ce matin, annoncent la mort de
Et quelle qualité: il était unique.
|précisions=10 septembre 1898 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=21}}
{{citation|citation= Il me donne raison de dire que
|précisions=23 février 1904 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=115}}
{{citation|citation= Fini, bien fini, ce pauvre Jarry. Malade, détraqué par les privations, l'alcoolisme et la masturbation, incapable de gagner sa vie en aucune façon, ni avec un emploi, ni par une collaboration quelconque à un journal. On l'avait fait entrer il y a deux ou trois ans au Figaro il ne faisait rien, ou ce qu'il faisait était illisible. Couvert de dettes et déjà un peu fou, il y a un an on avait organisé au Mercure la publication, à tirage restreint et très cher, d'un mince ouvrage de lui. Cela lui .avait fourni, toutes ses dettes payées, environ un billet de huit cents à mille francs. Il a tout mangé à boire, à courir les cafés, si bien qu'aujourd'hui, fourbu et fichu, il se résigne à repartir chez sa sœur.
|précisions=23 janvier 1907 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=17}}
{{citation|citation= C'est souvent le procédé de Gourmont, de prendre ainsi des documents sans indiquer leur source, de tronquer des textes, de relier les morceaux par des phrases de son cru, sans indiquer l'interruption, Un beau jour, cela lui attirerait une critique bien sentie, que je n'en serais pas autrement étonné. Le mot que lui disait en riant, l'autre soir, Van Bever, et qu'il a pris en riant, est tout à fait de circonstance... « Vous êtes comme ce normand qui trouve une corde sur la route, la ramasse et l'emporte, en même temps que la vache qu'elle tient. Quand on vient réclamer: Ben quoi, qu'est-ce que c'est ? Je trouve une corde. Je la ramasse! C'est-y de ma faute s'il y a une vache au bout ? »
|précisions=30 janvier 1908 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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{{citation|citation= Nicolardot avait logé précédemment dans une chambre où il fallait passer par les cabinets de la maison pour y arriver. On ouvrait d'abord une porte. C'étaient les cabinets. On trouvait une autre porte, qui donnait chez Nicolardot. On voit d'ici l'introduction des gens qui venaient le voir. « Entrez donc, cher Monsieur! » C'est peut-être l'anecdote la plus comique. Je n'ai pu me retenir d'éclater de rire en l'écoutant.
Un autre trait, d'un genre moins plaisant, est celui-ci. Nicolardot avait quelque chose comme une descente d'intestins. Quand il allait à la selle, ils lui sortaient quelque peu par l'anus, sans qu'il s'en trouvât autrement embarrassé. Il les rentrait simplement avec le doigt, et vous donnait ensuite une poignée de main.
|précisions=29 avril 1908 {{Réf Livre
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|page=186}}
{{citation|citation=
II y avait dans Le Gaulois un article de Bourget, sur je ne sais quel bas-bleu américain. En attendant d'entrer chez Vallette, Bloy se mit à le parcourir. Morisse revenant s'asseoir à son bureau, Bloy posa le journal: « J'essaie de lire un article de Paul Bourget. Je ne peux pas y arriver... Les hommes illustres sont décidément inintelligibles. »
|précisions=1er juillet 1908 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=238-239}}
{{citation|citation= Je rappelais ce soir la différence que j'ai toujours trouvée entre Schwob et Gourmont : le premier ayant toujours besoin d'être admiré, louangé, complimenté, tenant à son rang, souffrant mal qu'on pense différemment de lui, de telle sorte que je ne me sentais aucune liberté avec lui. Le second, au contraire, fuyant les compliments, les fuyant physiquement, en ce sens que je l'ai vu se lever de sa chaise et partir devant un complimenteur, modeste, simple, ne parlant pas de lui, orgueilleux certainement et à bon droit, mais d'un orgueil tout intérieur, extrêmement agréable pour les gens qui lui plaisaient, admettant fort bien qu'on eût un autre avis que le sien, de telle sorte que je parlais, plaisantais, me moquais avec lui comme j'aurais fait avec un ami de mon âge et de ma situation. Il m'est même arrivé souvent de lui lancer quelques boutades, quelques épigrammes. Jamais il ne s'est fâché. Il était le premier à rire.
|précisions=28 septembre 1915 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=196}}
{{citation|citation= A mon arrivée ce matin au Mercure, Vallette m'apprend la mort d'
|précisions=11 novembre 1918 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=283}}
{{citation|citation= Comment
|précisions=30 janvier 1922 {{Réf Livre
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|page=10}}
{{citation|citation= Vu aujourd'hui pour la deuxième fois à l'imprimerie des Nouvelles littéraires,
|précisions=16 juillet 1925 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=68}}
{{citation|citation= Quand j'ai dit mon âge,
Elle est en effet encore fort jolie, - et jolie n'est pas le mot. Ce qu'il faudrait dire c'est qu'elle respire la volupté, l'amour, la passion, la sensualité, avec un grand fond de mélancolie qu'on devine bien.
|précisions=16 juin 1925 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=56}}
{{citation|citation= (...) au fond, un bien pauvre bonhomme, Huysmans, un bonhomme bien médiocre, la médiocrité même. J'ai expliqué qu'à mon goût c'est la preuve d'une bien grande médiocrité littéraire, cette recherche du vocable rare, ce culte de l'épithète, du style bizarre, etc. Et la fin de Huysmans, cet homme atteint d'une maladie affreuse, vivant dans les plus grandes souffrances, et demandant humblement à Dieu d’autres souffrances encore ! Cela touche à l’imbécillité.
|précisions=11 mai 1927}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=386-387}}
{{citation|citation=
|précisions=27 février 1928, mort de Cognacq, fondateur de la Samaritaine.}}
{{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=238}}
{{citation|citation= Une jolie bouffonnerie littéraire, c'est la réputation de ce professeur, dont le nom. m'échappe, qui, sous le nom d'
|précisions=30 janvier 1929 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=158-159}}
{{citation|citation= Je me trompe rarement dans mes antipathies. Farceur, et grand sot, cet Herriot. Ce phraseur vide, qu'on fait passer pour un écrivain. Cet homme politique sans courage qui joue au chef de parti. Il vaut les autres: pas de vraie doctrine politique. Ils sont, au jour le jour, selon leurs intérêts personnels, l'ambition qui les occupe, le but qu'ils poursuivent. L'intérêt général, ils s'en fichent pas mal. Cet homme politique qui pleure à tout bout de champ et qui prononce des choses comme son fameux : « Deux enfants de la même mère ne se battent pas » à propos de son entrée dans le ministère Poincaré. Gros niais.
|précisions=5 septembre 1929 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=26}}
{{citation|citation= Mort de
Sa fin solitaire. Le départ de son corps de nuit pour son village natal. Les obsèques voulues par lui sans flaflas d'aucune sorte, ni étalages ni grandiloquence, cela est très bien. Il eût été bien étonnant que cela n'eût pas été gâté par la bêtise et le cabotinage patriotique. La bêtise: le général Gouraud faisant placer dans le cercueil un vase façonné dans un obus allemand. Le cabotinage : les anciens combattants ayant été demander et ayant obtenu du gouvernement de défiler dimanche prochain devant l'Arc de Triomphe.
|précisions=25 novembre 1929 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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|page=86-87}}
{{citation|citation= Annonce dans les journaux du soir de l'arrestation de
|précisions=16 septembre 1940 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
Ligne 211 ⟶ 236 :
|page=170}}
{{citation|citation= A tous les traits que m'a racontés Combelle,
|précisions=17 février 1941 {{Réf Livre
|titre=Journal littéraire
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