Italo Svevo

écrivain italien
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Italo Svevo, pseudonyme de Ettore Schmitz, né Aronne Ettore Schmitz (le 19 décembre 1861 à Trieste, dans l'Empire austro-hongrois ; mort le 13 septembre 1928 à Motta di Livenza en Italie) est un écrivain et essayiste italien.

Italo Svevo, 1892

La conscience de Zeno (La coscienza di Zeno), 1923 modifier

À présent que je suis là, en train de m'analyser, un doute m'assaille : peut-être n'ai-je tant aimé les cigarettes que pour pouvoir rejeter sur elles la faute de mon incapacité. Qui sait si, cessant de fumer, je serais devenu l'homme idéal et fort que j'espérais ? Ce fut peut-être ce doute qui me cloua à mon vice : c'est une façon commode de vivre que de se croire grand d'une grandeur latente.
  • La conscience de Zeno (1923), Italo Svevo (trad. Paul-Henry Michel), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1989  (ISBN 2-07-036439-9), chap. III Fumer, p. 25


Mon ami était un homme riche qui occupait noblement ses loisirs à des études et des travaux littéraires. Il parlait beaucoup mieux qu'il n'écrivait, en sorte que le monde ignore quel excellent lettré il fut. Il était gros et gras, et je le connus au moment où il suivait un traitement énergique pour maigrir. En peu de jour, il avait obtenu un si beau résultat que bien des gens le recherchaient dans l'espoir de bien jouir de leur bonne santé auprès d'un malade comme lui.
  • La conscience de Zeno (1923), Italo Svevo (trad. Paul-Henry Michel), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1989  (ISBN 2-07-036439-9), chap. III Fumer, p. 31-32


Nous étions si dissemblables que j'étais, à ses yeux, un des êtres les plus inquiétants au monde. Mon désir de santé m'avait poussé à l'étude du corps humain. Lui, au contraire, avait réussi à éliminer de son esprit l'idée de cette effroyable machine. Pour lui, le cœur ne battait pas, et il n'était pas besoin de rappeler les valvules, les veines, le métabolisme pour expliquer comment vivait son organisme. Aucun mouvement, car, l'expérience l'enseigne, tout mouvement aboutit à l'arrêt. Même la terre était immobile pour lui, et solidement établie sur ses bases. Il se gardait de l'affirmer, bien entendu ; mais la moindre parole qui contrariait cette conception le faisait souffrir. Un jour que je parlais des antipodes, il m'interrompit avec un mouvement de dégoût. La pensée de ces gens, la tête en bas, lui soulevait le cœur.
  • La conscience de Zeno (1923), Italo Svevo (trad. Paul-Henry Michel), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1989  (ISBN 2-07-036439-9), chap. IV La mort de mon père, p. 53


Maintenant que j'ai presque atteint l'âge que mon père avait alors, je sais de science certaine qu'un homme peut avoir de son intelligence une très haute idée et n'en donner d'autre signe que le sentiment qu'il en a.
  • La conscience de Zeno (1923), Italo Svevo (trad. Paul-Henry Michel), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1989  (ISBN 2-07-036439-9), chap. IV La mort de mon père, p. 63


Sur James Joyce (Conferenza su James Joyce), 1927 modifier

C'est ainsi - dois-je dire - qu'est né James Joyce, dont la vie fut régie par la loi de la solitude aristocratique. Cette grande indépendance, et j'affirmerai plus clairement, cette grande arrogance, l'orienta toute sa vie dans des voies qu'il parcourut entièrement seul, sans guide ni frein. Et la réponse qu'il adressa à un vieux poète irlandais [Yeats] est sans doute à mettre au compte de sa jeunesse : "C'est vrai que vous n'eûtes aucune influence sur moi. Mais il est regrettable que vous soyez trop vieux pour sentir la mienne." On reste stupéfait de voir à quel point ce jeune homme est convaincu de sa force qui, alors, ne pouvait être que latente. Si j'avais lu cet article en 1901, date à laquelle il fut écrit, j'en aurais ri. Maintenant, il me donne à penser. La petite plante de la pépinière peut donc savoir qu'elle va devenir un grand sapin.
  • Sur James Joyce (1927), Italo Svevo (trad. Monique Baccelli), éd. Allia, 2014  (ISBN 978-2-84485-776-7), p. 13


Il est doublement rebelle : à l'Angletterre et à l'Irlande. Il déteste l'Angleterre et aimerait transformer l'Irlande. Mais il appartient tellement à l'Angleterre que, comme nombre de ses prédécesseurs irlandais, il remplira quelques pages de l'histoire de la littérature anglaise, et non des moins brillantes ; il est tellement irlandais que les Anglais sont incapables de l'aimer. Ils ne le reconnaissent pas comme un des leurs et il est évident que son succès n'aurait pas pu naître en Angleterre si la France et quelques écrivains américains ne l'y avaient imposés.
  • Sur James Joyce (1927), Italo Svevo (trad. Monique Baccelli), éd. Allia, 2014  (ISBN 978-2-84485-776-7), p. 19


En fin de compte, les rapports qu'il entretient avec le peuple anglais ne sont guère éloignés de ceux d'un de nos très grands poètes avec nous. Plus il nous méprisait, plus nous l'applaudissions. Bien sûr ! Nous avions l'impression de nous applaudir nous-même.
  • Sur James Joyce (1927), Italo Svevo (trad. Monique Baccelli), éd. Allia, 2014  (ISBN 978-2-84485-776-7), p. 19-20


Dès qu'un artiste se souvient, il crée. Mais sa propre personne, qui reste toutefois le pivot de la création, est une partie très importante et proche du monde, qu'aucune virtuosité n'arrive à fausser. Je dirais que dans l'inspiration elle se déforme en devenant plus entière.
  • Sur James Joyce (1927), Italo Svevo (trad. Monique Baccelli), éd. Allia, 2014  (ISBN 978-2-84485-776-7), p. 24


En effet, quelle est la qualité qui distingue le mieux cet ouvrage de toutes les œuvres qui le précèdent ? Une objectivité appliquée avec une rigueur que je qualifierais de quasi fanatique. Où réside l'objectivité rêvée par Flaubert, prônée par Zola ? Ici, chaque commentaire est supprimé, chaque didascalie, et chaque parole ne sert qu'à copier ou agrémenter l'objet qui se présente et qui devient de la sorte monstrueux, jetant une ombre et absorbant la lumière comme un objet réel, pour qui sait le regarder. Mais combien de connaissances, combien d'attention faut-il pour savoir le regarder ! C'est une bien fastidieuse conquête. Et c'est la rigueur de l'effort même qui exige une telle représentation. Mais celui qui triomphe dans sa conquête finit par aimer l'objet conquis comme si c'était son propre fils.
  • Sur James Joyce (1927), Italo Svevo (trad. Monique Baccelli), éd. Allia, 2014  (ISBN 978-2-84485-776-7), p. 65


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