Thomas Laqueur

historien de la médecine et de la sexualité

Thomas W. Laqueur, né le , est un historien de la médecine, de la sexualité et du genre de nationalité américaine.

Thomas Laqueur lors d'une communication au Blinken Open Society Archives, à Budapest (Hongrie), en 2016.

La fabrique du sexe, 1992 (Making sex: body and gender, from the greeks to Freud, 1990) modifier

Ce livre porte donc sur la formation non pas du genre, mais du sexe. Mon propos n'est pas de nier la réalité du sexe ni du dimorphisme sexuel en tant que processus évolutif. Mais j'entends montrer, en m'appuyant sur des données historiques, que presque tout ce qu'on l'on peut vouloir dire sur le sexe - de quelque façon qu'on le comprenne - contient déjà une affirmation sur le genre.


En vérité, si le structuralisme nous a appris quelque chose, c'est bien que les humains imposent leur sentiment d'opposition à un monde de nuances continues de différences et de similitudes.


Aristote, que préoccupa terriblement la sexualité des hommes et des femmes libres, ne reconnaissait point de sexe parmi les esclaves. Pour Aristote, les esclaves n'ont pas de sexe parce que leur genre est politiquement insignifiant.


Dans un monde public à très forte prédominance masculine, le modèle unisexe affichait ce qui était déjà on ne peut plus clair dans la culture au sens le plus général : l'homme est la mesure de toute chose, et la femme n'existe pas en tant que catégorie ontologiquement distincte. Tous les mâles ne sont pas masculins, puissants, honorables ni n'exercent le pouvoir et, en chacune de ces catégories, il est des femmes qui dépassent les hommes. Mais l'étalon du corps humain et de ses représentations demeure le corps mâle.


Dans l'entendement des médecins de la renaissance, il ne devait y avoir qu'un seul sexe. Par ailleurs, il existait de toute évidence deux sexes sociaux, au moins, avec des droits et des obligations qui différaient du tout au tout et correspondaient plus ou moins à des échelons ou des stades plus ou moins haut de l'échelle corporelle des êtres. Il était impossible de considérer aucune forme de sexe - social ou biologique - comme fondatrice ou première, alors même que les divisions de genre - les catégories du sexe social - passaient certainement pour naturelles.


Le mâle est la femelle ne résidaient en rien de précis. Ainsi, pour les hermaphrodites, la question n'était pas de savoir de "quel sexe ils sont vraiment", mais vers quel genre l'architecture de leur corps les inclinait le plus volontiers. Les magistrats se souciaient moins de réalité corporelle - du sexe, comme nous dirions - que de maintenir des frontières sociales claires, bref de maintenir les catégories du genre.


Pendant le plus clair du XVIIe siècle, être homme ou femme c'est tenir un rang social, assumer un rôle culturel, et non être organiquement de l'un ou l'autre sexe. Le sexe était encore une catégorie sociologique, non pas ontologique.


Au XVIIIeme siècle, la voix de la Nature allait se faire entendre plus bruyamment. (...) on allait de plus en plus reconnaître dans le corps deux chairs, deux nouveaux sexes, distincts et opposés. Ceux que ces questions préoccupent n'allaient plus considérer la femme comme une version amoindrie de l'homme sur un axe vertical aux gradations infinies, mais plutôt comme une créature entièrement différente le long d'un axe horizontal dont la partie intermédiaire était largement vide.


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