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Au Ladakh, vers 1985

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Le camion n'est plus guère ralenti que par les zones de travaux sur la route. Une fumée d'incendie les annonce de loin. La terre exhale des nuées noires à l'intérieur desquelles nous pénétrons. La densité des vapeurs bouche le ciel. Dans ce monde incertain, nous dépassons des ombres courbées sur des brouettes ou des pelles remplies de substances noires et fumantes. Elles ont dû être des enfants, des femmes. Il n'en reste que ces silhouettes lentes et voilées, enveloppées d'oripeaux gris. Aussi immatériels qu'ils paraissent, ils font la route. Ils brassent des goudrons brûlants, qu'ils étalent ensuite au moyen d'instruments en bois. Sous nos yeux, le magma noir s'étire, file, devient de l'itinéraire, le trait sur la carte. La substance devient forme. Ils vivent dans cet enfer pour que nous puissions nous extasier devant la beauté. Comme si les damnés avaient pour office, dans la fournaise, d'élaborer les douceurs du paradis
  • Aux abords de Ley


La route de Le Vigan au col du Minier, 19e siècle?

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Elle partit de Saint-André [Le Vigan], à travers les prairies d'eau et les pommiers, en rampe douce, comme un être vivant, volontaire mais calme. Puis elle entra dans la vallée étroite pour grimper en lacets vers les hautes crêtes.

Des équipes marchaient avec elle, remuaient la terre, coupaient les arbres, creusaient les roches à coups de mines, bâtissaient des ponts sur les torrents et les précipices. Sous les rochers, au creux des arbres, aux couverts des taillis, des bêtes couraient, surprises, des serpents s'écrasaient sous des roches précipitées : une grande odeur de terre violée, violente et riche, s'élevait sur les pentes. dans la chaleur et la lumière,

  • Suite Cévenole, André Chamson, éd. Plon, 1968, partie Les hommes de la route, p. 122


Le cylindre à cheval, chargé de rocs et de ferrailles,était arrivé jusqu'à la Broue, et nivelant l'empierrement, s'avançait du Sablas jusqu'à la Baraque Neuve.

Traîné par huit juments lozerottes, un fort mulet d'Auvergne en flèche, environné de l'éclair des coups de fouets, dans un tonnerre de jurons, de cris, de hennissements, il gagnait mètre par mètre avec de brusques élans et des haltes soudaines. Devant lui, la route se soulevait en une lourde vague, mouvante, craquelée, brusquement coupée de lézardes. Dans chaque trou, des hommes, courant sur les bas-côtés de la route, envoyaient à la volée une pelletée de sable humide, ou même, presque sous le rouleau, plaçaient à la main une pierre et se reculaient brusquement. Le cylindre passait, écrasait la vague, et, derrière lui, la route aplanie et lisse semblait devenue immobile pour toujours.

  • Suite Cévenole, André Chamson, éd. Plon, 1968, partie Les hommes de la route, p. 152-153