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Le Roi des Aulnes

   Il est bien caractéristique de notre temps que le progrès se fasse désormais à rebours. Il y a seulement quelques années, l'apparition d'automobiles marchant au bois aurait suscité le rire. Bientôt on va nous présenter comme dernier cri de la technologie un moteur consommant exclusivement du foin, et on finira par découvrir avec ravissement la voiture à cheval.
  • Écrits sinistres, 6 avril 1938


Le bonheur ? Il y a là-dedans du confort, de l'organisation, une stabilité construite qui m'est tout étrangère. Avoir des malheurs, c'est sentir l'échafaudage bonheur ébranlé par les coups du sort. En ce sens, je suis tranquille. Je suis à l'abri du malheur, car je n'ai pas d'échafaudages. Moi, je suis l'homme de la tristesse et de la joie. Alternative tout opposée à l'alternative malheur-bonheur. Je vis nu et solitaire, sans famille, sans amis, exerçant pour survivre un métier qui est tellement au-dessous de moi que j'y satisfais sans plus y songer qu'à ma digestion ou à ma respiration. Mon climat moral habituel est une tristesse d'ébène, opaque et ténébreuse. Mais cette nuit est souvent traversée par des joies fulgurantes inattendues et imméritées, qui s'éteignent aussitôt, mais non sans me laisser les yeux pleins de phosphènes dorés et dansants.
  • Écrits sinistres, 20 avril 1938


   La constipation est une source majeure de morosité. Comme je comprends le Grand Siècle avec sa manie des clystères et des purges ! Ce dont l'homme prend le plus mal son parti, c'est d'être un sac d'excréments à deux pattes. À cela, seule une défécation heureuse, abondante et régulière pourrait remédier, mais combien chichement cette faveur nous est concédée.
  • Écrits sinistres, 10 novembre 1938


   Pour percer le mur de notre cécité et de notre surdité, il faut que les signes nous frappent à coups redoublés. Pour comprendre que tout est symbole et parabole de par le monde, il ne nous manque qu'une capacité d'attention infinie.
  • Écrits sinistres, 21 mars 1939


[...] il est clair que la photographie est une pratique d'envoûtement qui vise à s'assurer la possession de l'être photographié. Quiconque craint d'être « pris » en photographie fait preuve du plus élementaire bon sens. C'est un mode de consommation auquel on recourt généralement faute de mieux, et il va se soi que si les beaux pausages pouvaient se manger, on les photographierait moins souvent.
  • Écrits sinistres, 1er mai 1939


La photographie promeut le réel au niveau du rêve, elle métamorphose un objet réel en son propre mythe.
  • Écrits sinistres, 1er mai 1939


Il y a cent ans, lorsque l'anesthésie a fait son entrée dans les salles d'opération, certains chirurgiens se sont récriés : « La chirurgie est morte, a dit l'un deux. Elle reposait sur l'union dans la souffrance du patient avec le practicien. Avec l'anesthésie, elle est ravalée au niveau de la dissection de cadavre. » Il y a de cela dans la photographie.
  • Écrits sinistres, 18 mai 1939


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